Le retour d'un géant, sur une scène musicale, fait toujours son petit effet. Dans le cas de notre cher sludge / doom apprécié de toutes et tous, la sortie d'Ecate, neuvième livraison d'Ufomammut, est l'occasion de recevoir une nouvelle leçon des maîtres. Des cours que les élèves commencent à connaître sur le bout des doigts, et qui, à force d'être rabâchés, peuvent commencer à provoquer un sentiment de lassitude. On dit souvent que ces premiers venus n'ont plus rien à prouver mais quand la concurrence se fait de plus en plus talentueuse, difficile d'acquiescer. Le fait de vouloir se dépasser et donner le meilleur de soi-même est souvent palpable. Est-ce la posture adoptée par les Italiens? Pas vraiment…
Aucun dépaysement n'est prévu par la compagnie Ecate. Les voies empruntées sont sécurisantes et garanties sans embûches. Ufomammut a développé une marque de fabrique identifiable au fil des années, affinant sa musique pour laisser une empreinte personnelle. Celle-ci est immédiatement repérable à l'écoute du disque. Le sludge de la formation, lourd et imposant, avance tel un rouleau compresseur et broie tout sur son passage. Quelques respirations sont évidemment proposées afin de ne pas laisser l'auditeur dans l'asphyxie. A ce titre, la lente progression de « Thaosecret » ou l'interlude « Revelation » font parfaitement leur office. Cependant, de la part d'un trio avec autant de bouteille, on est en droit d'avoir une certaine exigence. Non pas que l'ensemble souffre d'une baisse de régime, tant les pistes sont bien écrites. Mais il est difficile de ne pas garder à l'esprit que les Italiens ne cherchent pas à se renouveler, restant sur leurs acquis bien établis. Ce manque de sensations nouvelles aboutit à l'annihilation totale d'un quelconque effet de surprise.
Les riffs massifs, le traitement de la voix d'Urlo mise au second plan… c'est comme en revoyant un ami de longue date. Le bonheur de la retrouvaille est là, mais au fond, il n'a pas grand-chose de neuf à raconter. Manque d'inspiration de la part du groupe? N'allons pas jusque là. Ufomammut est un pilier du genre et n'a pas bâti sa réputation sur du vent. Les six compositions ont beau avoir été concoctées dans les vieux pots, elles gardent tout de même une saveur appétissante. Inutile de préciser que ces marmites n'ont pas été lavées depuis des années. L'album est ainsi résolument gras et épais, ce qui octroie une certaine uniformité pénalisant l’œuvre. Difficile d'extraire un morceau plutôt qu'un autre. L'ensemble se laisse écouter et apprécier, chaque pièce fait son office mais peine à se démarquer par rapport à sa consœur.
Pas de réelles fulgurances, donc, mais une constance et une application qui sauvent la barque. L'ouverture « Somnium » plonge d'emblée dans l'univers du trio, et écrase l'auditeur sous le poids pachydermique du sludge. Même constat sur « Temple », apologie du riff épais et imposant. Le jeu de guitare est d'ailleurs vraiment prenant sur cette piste. En résulte une construction d'ambiance véritablement captivante et prouvant que les Italiens tiennent encore la forme. La ligne de chant, mystérieuse et hypnotique, n'est pas en reste et complète ce tableau de la meilleure façon qu'il soit. Bien que la concoction soit des plus classiques, elle n'en reste pas moins le reflet de l'expérience acquise au fil des années par Ufomammut. Appréciation similaire pour la conclusion « Daemons », qui ne réinvente rien, mais fait le boulot pendant plus de dix minutes qui jamais ne lassent.
Ecate est sécurisant, et l'auditoire appréciera le fait de retrouver les Italiens qu'ils connaissent. Mais cet immobilisme est pénalisant. Doté de bons titres et de solides atouts, le disque manque tout de même de saveur et de renouveau, comme si Ufomammut se reposait sur ses lauriers. Heureusement pour eux, la formule n'est pas encore périmée. Espérons qu'ils ne pousseront pas le vice jusqu'à un tel point…
Note finale : 6,5/10
