La création d'un opéra metal est un projet ambitieux, et si certains restent populaires et célébrés dans les consciences metalleuses populaires actuelles (Avantasia, Aina, j'en passe et des meilleurs), certains sont encore de jeunes pousses qui aimeraient atteindre des niveaux aussi haut, comme le projet brésilien Soulspell. Dans cette catégorie se classe également un autre groupe, Road to Consciousness, projet de Bernard Daubresse, compositeur belge également guitariste pour le groupe Lovelorn. Alors ce genre de projets livrés par quelqu'un qui n'est pas encore connu des foules peut créer quelques suspicions, notamment une crainte de l'amateurisme ou du vite fait mal fait. Et les opéra metal, comme chacun le sait, ça passe ou ça casse, et l'ambition bien que louable peut parfois se révéler être insuffisante. Qu'en est-il de ce premier jet auto-produit et nommé, tout comme le groupe, Road to Consciousness ? C'est la question qui se pose avant l'écoute de cette première mouture.
Road to Consciousness ne marquera cependant pas encore les esprits, du fait de quelques erreurs et du choix de certains guests. Bien évidemment, il est évident que le fait que des stars du metal reconnues comme Sharon den Adel ne soient pas présentes pèse dans la balance, l'exposition étant moindre (malgré la présence d'Yves Hunt d'Epica à la guitare et aux arrangements de plusieurs morceaux), mais certains invités offrent des prestations plutôt dispensables, et il sera préférable de se concentrer sur les parties vocales d'autres qui excellent. Ainsi une chanteuse comme Jamie-Lee Smit (Azylya) régalera les oreilles sur « Even a Rose » ou « The Limbo », et il faut bien ça pour poser un pansement sur les tympans saignants massacrés par le duo entre Lauryn Gaet et Krys Denhez sur la piste la moins réussie du brûlot, à savoir « Mirror Mirror ». Autre impression qui dérange, c'est celle d'avoir quelques fois à faire à une leçon de chant : les chanteuses Laura et Jamie se retrouvant sur le même morceau (« Even a Rose »), ballade mélancolique et résolument très belle, l'une offre une performance qui régale, écrasant littéralement les nombreuses fausses notes de l'autre, malgré un timbre agréable.
Sur les différents morceaux, il faut reconnaître que tous ne sont pas sur un pied d'égalité, et que l'album évolue parfois en dent de scie, le satisfaisant, voir le très bon côtoient du moins agréable. Ainsi, la mid-tempo « I Am God », très sympathique notamment par les performances de Benjamin Ben Albertani et Kristell Lowagie (Lovelorn) éclipse « Mirror Mirror » et son refrain qui tombe à plat, ses guitares distantes et son chant de mauvais goût. Il y a de tout dans cet opus, la ballade « Even a Rose » est touchante et il est étonnant de voir qu'un morceau qui pourrait paraître banal et cliché se retrouve dans le palmarès des titres qui retiendront votre attention, par sa douceur, sa délicatesse et cet appel à vos émotions les plus subtiles. Entre les pistes plus énergiques, « The Naked Ape » et sa fougue plaisante font de l'ombre à « The Wait » qui sans être mauvaise ne possède pas le même charme, notamment par la différence des voix féminines, l'une étant supérieure à l'autre, de même que « The Limbo » lorgne parfois un peu trop sur Epica dans les guitares et les grunts, malgré la qualité de la piste, et le chant de la vocaliste d'Azylya extrêmement doux et sensuel. S'il fallait retenir la voix qui suscite le plus d'intérêt sur l'album, ce serait celle de la demoiselle.
L'une des qualités qui ressort tout au long de cet opus, c'est la diversité musicale qui est privilégiée, les titres se suivent mais ne se ressemblent pas tant, et malgré ces modulations entre les morceaux, un véritable fil conducteur est présent. Il faut avouer que même si l'on considère les quelques défauts dont souffre l'album, il reste véritablement plaisant à écouter, la diversité des voix n'étant nullement un dérangement et offrant un certain souffle, une respiration, alors qu'il est connu que les opéra metal peuvent être étouffants. De plus, et ce choix est judicieux, les quelques orchestrations se font discrètes, sans être trop massives et écrasantes, afin de laisser une bulle d'air à l'auditeur, qui ne se retrouve pas oppressé par tant de sons multiples, que ce soit dans les voix, les riffs, les pistes. Ce côté épuré permet également à chaque vocaliste de pouvoir mettre en avant son chant, parfois bon, parfois mauvais certes, mais il est plaisant de constater qu'ils possèdent tous un rôle.
Il faut bien l'avouer, quelques titres retiennent l'attention immédiatement et parviennent à créer une certaine ambiance, à plonger celui qui écoute Road to Consciousness dans une atmosphère douce et corsée à la fois, avec des conteurs qui diffèrent pour chaque histoire, avec un panel de pistes jouant entre mid-tempo, morceaux énergiques, ballades et structures plus progressives qui réjouissent du début à la fin. « The Middle Path » succède à une mystique introduction et obtient l'adhésion par son refrain et sa fraîcheur, augurant le meilleur, « Starchild » est touchante, ce genre de morceaux qui donnent envie d'être réécoutés, porté par la superbe voix de Marja Supponen, « Even a Rose » est une très belle ballade où même si Laura Crowet a du mal à convaincre, Jamie-Lee Smit est totalement envoûtante et tel Cupidon, touche en plein coeur, alors que « The Naked Ape » et ses guitares puissantes, ainsi que le chant de Serge Vandepoel font mouche par le refrain intéressant et bien construit. « Consciousness » est la piste la plus réussie, longue pièce finale et maîtresse, où de nombreux invités se retrouvent pour livrer le meilleur d'eux même.
Et pourtant, malgré son statut d'opéra metal, Road to Consciousness livre un album qui lui navigue entre les genres. Parfois rock musclé (« Mirror Mirror », « I Am God »), slow (« Starchild », « Even a Rose »), plus près du metal symphonique (« Jennifer », « The Limbo ») ou du metal progressif (le final « Consciousness »), le compositeur ne s'impose aucune limite stylistique, appuyant la diversité que l'on connaît déjà à l'oeuvre. Le passage instrumental sur le dernier titre permet de souffler un peu, avec l'interlude précédente, pour ceux qui auraient eu une overdose de voix diverses et variées, ce qui peut arriver dans ce genre de combo.
Alors, que reprocher à cet opéra metal avec toutes les qualités cités ? Deux points sont ici importants à souligner : le choix des intervenants qui ne s'accorde pas toujours, ou de manière plutôt douteuse. « The Wait » souffre de ce défaut, les chants de Justine Daaé (Elyose) et de Serge Vandepoel ne s'accordent nullement et si l'un et l'autre font leur boulot convenablement (malgré quelques faussetés du côté féminin), le résultat n'est pas à la hauteur des ambitions. De même que certains chants sont complètement faux ou à côté de la plaque, Lauryn Gaet ou Krys Denhez n'arrivant nullement à démontrer leurs capacités respectives. Autre point fâcheux, il s'agit des titres qui se zappent aisément, « Mirror Mirror » en tête de liste, par son refrain plat, ses guitares qui coulent (oui oui), son mixage douteux, un fiasco. « The Wait » et « Jennifer » sont bien composées, notamment l'introduction du second cité, mais il manque quelque chose pour parvenir à faire monter la mayonnaise, ce qui est dommage.
La production est également critiquable sur quelques points. Le choix d'avoir placé les guitares trop en retrait dans le mixage pénalisent l'ensemble, parfois de manière très conséquente, laissant un certain vide et ne donnant pas cette folie et cette puissance qui, parfois, seraient judicieuses à entendre. Si le rendu général est loin d'être catastrophique et le son réellement clair, le manque subsiste malgré tout, décision préjudiciable.
Ce premier effort, Road to Consciousness, du projet portant le même nom s'écoute donc comme une lettre à la poste et rayonne d'une certaine fraicheur et d'une belle harmonie, mais les points qui fâchent ont néanmoins un certain impact et il faudra les résoudre bien rapidement. Espérons malgré tout que Bernard Daubresse nous offre une seconde livraison avec d'autres invités, car ce projet d'opéra metal est définitivement une bonne idée au vu de la qualité de bon nombre des compositions et d'un professionnalisme qui se distingue du début à la fin. Allez, le prochain sera encore meilleur, et c'est de pied ferme qu'il est attendu ! En attendant, n'hésitez pas à vous procurer cette première mouture !
Note finale : 7/10
Myspace de Road to Consciousness
Site officiel de Road to Consciousness