Enfin un nouvel album de Pyramids. Et cette fois-ci, le quatuor a mis les petits plats dans les grands : des invités allant de Krallice à Blut Aus Nord, un artwork énigmatique et une signature sur l'éminent label Profound Lore Records, tout est réuni pour qu'A Northern Meadow marque les esprits. Entre la sortie de leur dernière livraison longue durée et ce disque, les Texans ont fait patienter les fans avec splits et EPs. Mais la surprise réservée par cet opus est de taille.
Dresser le portrait de Pyramids peut relever du véritable casse-tête chinois. Les influences brassées sont multiples, les genres se croisent et s'entremêlent au sein de compositions aux émotions et sonorités variables. Pourtant, il est indéniable que les Américains avancent dans cette mouvance Ô combien controversée qu'est le black metal. Mais les arguments pour réfuter l'appartenance de la formation à ce milieu sont tout aussi multiples, et surtout concernant les lignes vocales. La mixture préparée par le combo s'abreuve bien à cette source qu'est celle du black, une eau déjà puisée maintes fois. Ici, difficile de ne pas penser à Krallice, référence omniprésente, ne serait-ce que pour le son des guitares, typiques du genre. Cette influence est d'ailleurs poussée à l'extrême grâce à la participation de Colin Martson en tant qu'invité. Un titre du calibre de « The Substance of Grief is not Imaginary » laisse apercevoir cette facette plus musclée, sans toutefois tomber dans les cavalcades classiques et peu surprenantes. Toutefois, Pyramids ne cherche pas à canaliser un excès de rage via ses compositions. La volonté est bien différente, et surtout représentée par le chant.
Cette voix sera un élément de discorde, tant son utilisation dans ce registre musical est souvent controversée. En effet, l'interprétation est faite en grande partie par une voix claire, à laquelle on pourrait reprocher un léger manque de variation. La performance est tout de même louable, tant ce chant est expressif, et met en exergue les diverses sensations que le quatuor souhaite véhiculer. Relevant autant du rêve que de la souffrance, le disque verse toujours dans un aspect contemplatif mais torturé. Un clair-obscur omniprésent auquel il est nécessaire de s'habituer pour pénétrer dans l'univers développé sur A Northern Meadow. Ajoutez à cela des structures peu communes, à l'instar de la belle « Indigo Birds », et vous obtenez un ensemble difficile d'accès, mais résolument riche et travaillé.
Le post-blackgaze dronesque de Pyramids a le bon goût de savoir faire dans la concision, et de ne jamais s'étendre plus qu'il n'en faut. Un sens de la mesure qui permet de prolonger l'immersion sans faire décrocher l'auditoire, et de submerger son public sous le poids de la souffrance dégagée par la musique. « I Have Four Sons, All Named For Men We Lost to War » est une synthèse idéale de la tourmente des Texans, qui, en moins de quatre minutes, parviennent à faire porter toute la misère du monde sur les épaules du promeneur égaré. Cette sensation de désespoir en freinera plus d'un. A Northern Meadow se comprend et se gagne à la force, à la persévérance. Chaque instant est pensé pour faire ressentir cette forte dose de négativité, à peine contrebalancé par quelques douces sonorités inspirées du shoegaze. Les lignes de chant constituent une courte échappatoire, avant de replonger tête la première dans cette ambiance autodestructrice.
Éprouvant, cet album l'est. S'il n'est aucune piste faible à déplorer sur A Northern Meadow, l'adhésion se fait petit à petit, et dans des conditions particulières. Pyramids réalise là un beau travail, qui mérite l'écoute, ne serait-ce que pour la curiosité. Il n'est cependant pas garanti de votre parfait état en ressortant de cette traversée. Et qui sait ce que la formation nous réserve à l'avenir…