Ténèbres et modernité
Kamelot continue sa route, maintenant consolidée, avec Haven, deuxième album avec Tommy Karevik au chant, tout en gardant son cachet de metal moderne mêlé à des éléments de metal symphonique qui ont fait leur gloire par le passé. Il en résulte un disque complet, pertinent et bien ficelé, dans lequel l'intérêt est sans cesse relancé, avec une richesse aisément remarquée.
A l'instar de nombreux groupes qui approchent le quart de siècle, la carrière de Kamelot est jalonnée d'instants épiques, mais aussi de moments d'incertitudes et de changements de direction qui n'ont pas toujours été bien accueillis. Ajoutons à cela le départ en 2011 du chanteur emblématique du groupe, Roy Khan, qui a laissé de nombreux fans dans l'expectative. Après l'arrivée du jeune prodige Tommy Karevik, qui a su faire ses preuves sur scène pendant la tournée de Silverthorn, album imparfait qui a été son premier, il est temps pour les Américains de remettre le couvert et de remonter la pente.
Avec l'ambitieux Haven, le groupe compte bien y arriver. Après avoir passé huit mois à le dorlotter pour qu'il arrive à maturité, Thomas Youngblood et sa bande sont prêts à le présenter au public. Au programme, 53 minutes de metal pas tout à fait symphonique et un soupçon moderne. Kamelot rejette l'immobilisme comme la peste et fait évoluer son propos au sein de l'album comme le long de sa carrière, présentant ainsi un disque riche en émotions et en ambiances.
Dans cet album qui se veut sombre et moderne, on retrouve de nombreux titres dans le ton, comme le titre d'ouverture "Fallen Star", émotif sans être larmoyant, le sombre "Insomnia" ou encore l'épique "End of Innocence". Kamelot aurait pu choisir la facilité et faire coller son disque à l'imagerie, en ne proposant près d'une heure de négativisme dépressif. Cependant, sous cette apparence sombre se cachent quelques éclaircies, comme la ballade "Under Grey Skies" qui cache un élan d'espoir, porté par le duo Tommy Karevik et Charlotte Wessels, ou encore l'intéressante "Beautiful Apocalypse", dans laquelle l'oxymore est aussi musical.
L'album est donc varié dans sa construction, mais aussi dans ses compos. Chacun des membres est à sa place. Thomas Youngblood n'est jamais trop démonstratif et se montre toujours pertinent dans ses solos de guitare, qu'il partage volontiers avec le claviériste Oliver Palotai. Chaque note sert les compos, comme dans la rythmique, toujours tenue d'une main de fer par le puissant batteur Casey Grillo et le bassiste Sean Tibbets, qui apporte bien sa patte à l'ensemble.
Mais Haven est aussi l'occasion pour Tommy Karevik d'exploiter pleinement ses capacités vocales. De plus en plus détaché de la tessiture grave de Roy Khan, mais jamais très loin de son prédécesseur ("Here's to the Fall"), le Suédois fait des merveilles avec son organe, offrant une interprétation des plus intéressante dans "Fallen Star", avant de faire éclater de rage en compagnie d'Alissa White-Gluz dans le tube en devenir "Liar Liar (Wasteland Monarchy)".
Sans opérer de véritable révolution, Kamelot fait preuve d'intelligence en poursuivant l'évolution de sa musique, en l'enrichissant de nouveaux éléments et influences, sans jamais perdre le fil de son propos. Fort d'un line-up à nouveau solide, le groupe peut pleinement s'exprimer mêlant sentiments confus et volonté d'aller de l'avant, modernité et classicisme, sans jamais tomber dans le larmoyant, ni dans les clichés du genre.
Haven est donc une œuvre équilibrée portée par une volonté d'aller de l'avant.