Surfant sur la vague "pagan" depuis un petit bout de temps, Korpiklaani n'avait guère habitué à une attente aussi longue entre deux albums: trois ans. Une attente bien évidemment toute relative; mais face au rythme de sortie plus que soutenu des Finlandais, on était presque tenté d'en rire. Mais étant donné que la bande commençait à franchement s'essouffler, un break, histoire de réfléchir un peu, était plus que bienvenu. Surtout lorsque le résultat s'avère être une grosse tuerie.
C’est finalement avec un putain de coup de vieux que l’on appuie pour la première fois sur « play » pour écouter ce Noita . Douze ans déjà que Spirit of the Forest est sorti et il faut dire que Korpiklaani n’a pas vraiment laissé le temps à ses fans de souffler. C’est simple, de 2005 à 2012 le groupe a produit sept albums. Et quel n’était pas le plaisir de le retrouver chaque année dans divers salles et festivals. On parle évidemment du Korpiklaani actif depuis 2003 et non de Shamaan.
Mais il faut tout de même admettre qu’en dépit de ce rythme soutenu, les Finlandais se sont essoufflés aux débuts des années 2010. Non pas que la paire Uckon Wacka et Manala soit mauvaise (quoi que pour le premier…), mais prendre un nouveau tournant musical devenait une chose urgente. Mission accomplie pour Korpiklaani qui livre ici un excellent album rafraichissant, catchy, évolué et qui devrait malgré tout ne pas choquer les fans.
Petit tour de force donc, c’est par des compositions groovy à souhait et une très belle mise en avant des instruments folks que Noita apporte un nouveau vent dans les voiles de la bande. Et c’est peu de le dire car la plupart des mélodies rappelleront inéluctablement une autre valeur sûre du metal festif : Alestorm. Aussi, on s’imagine facilement trinquer quelques bonnes pintes dans un pub portuaire lorsque l’on écoute "Sahti" (et son excellent solo d’accordéon), enchainer sur une bagarre tout en tapant du pied sur "Sen Verran Minäkin Noita" pour ensuite aborder un galion britannique en hurlant le refrain de "Viinamäen Mies" qui ouvre le brulot de la meilleure des façons.
C’est là la bonne opération de Koorpiklaani : créer et transmettre son énergie de toujours mais en apportant un petit « plus » qui relance l’intérêt des amateurs des œuvres précédentes. Ces amateurs retrouveront d’ailleurs leurs marques dès la deuxième piste, "Pilli On Pajusta Tehty" avec, là encore, un très bon enchainement de solos violon/accordéons.
Parmi toutes ces belles musiques, viennent se greffer deux pépites singulières : "Jouni Jouni", tout d'abord. Sombre, profonde et un brin rock’n’roll. Nul doute que son refrain va faire secouer plus d’une tête. Semi-ballade, "Minä Näin Vedessä Neidon" prend aux trippes et arrive à mi-parcours pour permettre de souffler. Il se pourrait même que certaines grosses brutes voient leurs yeux s’humidifier tant l’émotion est omniprésente.
On peut également supposer que les membres se sont mis un petit coup de pied aux fesses. En témoigne une rythmique beaucoup moins linéaire que par le passé, toujours assurée par le bassiste Jarkko Aaltonen et le batteur Matti Johansson ; mention spéciale pour ce dernier dont le jeu s’avère vraiment inspiré sur certaines pistes. Délaissant la guitare, Jonne Järvelä se consacre désormais uniquement au chant et sa voix particulière n’a rien perdu de sa superbe. Quant au guitariste Kalle Savijärvi, il assure toujours avec des riffs simples et accrocheurs. La manque de recherche au niveau de la six cordes constitue d’ailleurs, peut-être, l’une des seules tares de la galette. Mais il faut véritablement saluer le travail de Tuomas Rounakari (violon) et surtout Sami Perttula (accordéon) arrivé dans le groupe en 2013 dont, encore une fois, les efforts forcent le respect et représentent bien plus qu’un simple apport.
Noita est donc un très, très bon album de folk/pagan-metal avec très peu de défauts. Certains fans de la première heure auront peut-être un peu de mal à accrocher dès le début. Le chant intégralement en finnois rebutera peut-être. Une prise de risque plus importante sera peut-être à regretter. Mais ces suppositions ne sont que poussière face à l’énorme travail fourni par Korpiklaani qui semble entrer dans une nouvelle phase. Bon vent messieurs !