Cette petite pluie fine, en ce début d'avril, me rappelle une chose essentielle. Ne jamais faire confiance à la météo. Surtout lorsqu'on arrive très en avance à un concert. Le Bootleg, petite salle rénovée de Bordeaux très sympathique au demeurant, a été malheureusement bâtie sous un nuage humide ce soir là. Pas de quoi non plus décourager l'équipe de La Grosse Radio, toujours prête à donner d'elle-même pour vous rapporter les meilleurs moments.
Trois formations s'apprètent à jouer ce soir là, styles très variés mais non moins intéressants. Tous ont quelque chose de nouveau à montrer, que ce soit un album ou une nouvelle équipe. La montée en puissance sera croissante, et la soirée promet d'être agréable, sous le signe de la guitare plus que saturée. Un beau programme pour bien attaquer le week-end pluvieux.
Seeds Of Mary
Incontournable formation de la région, Seeds of Mary place la barre assez haut pour ce début de set. Il s'agit là de la première date du nouveau venu (Tom à la guitare rythmique). Ayant terminé l'enregistrement de son nouvel album [interview ici pour tout savoir], c'est un groupe chauffé à blanc qui se présente. Sur scène ça ne rigole pas : leur grunge moderne et efficace attrape le public pour ne plus le lâcher.
Le groupe vit sa musique, à l'image du chanteur Jérémy, pilier du groupe autant visuellement que musicalement. Dur de le suivre des yeux, cet allumé court partout, se roule par terre, saute au plafond... Beaucoup plus discrets, les musiciens assurent leurs parties sans démériter, mention spéciale pour Tom et son son très épais, plus qu'indispensable en live. Les solos de Julien (qui est à la base des compositions du groupe) frôlent la perfection mélodique, les sons de basse hargneux de Xavier rehaussent encore la base rythmique et Arthur à la batterie assure le job sans problème.
La salle se remplit petit à petit mais le public présent se montre vivant, répondant aux sollicitations du chanteur timbré. Leurs compositions variées et entraînantes, soutenues par des chœurs bien utilisés passent très bien en live. L'ensemble respire la qualité et sonne plutôt bien, le son étant assuré par leur ingénieur son studio ayant mixé leur nouvel album. Rien à dire, ils sont parés pour assurer leur prochaine tournée. Amateurs de sonorités old-school et d'énergie scénique, ne les ratez pas !
Praetorian
Place maintenant aux organisateurs de cette date. Praetorian dévoile ce soir là leur premier album nommé La Face Cachée. Les morceaux sont connus de ceux qui les suivent, mais cela fait toujours plaisir d'avoir une copie physique des titres, et une soirée concert pour fêter ça n'est évidemment pas de trop. Les ayant déjà croisés, je sais à quoi s'attendre. Un metal énergique, accrocheur, plutôt binaire, avec textes en français.
Comme à leur habitude, les quatre gladiateurs montent sur scène visage caché, et c'est avec le titre 'La Jungle' que l'on nous souhaite la bienvenue, comme sur l'album. En live, la puissance est de mise et la centaine de personne présente dans la salle a l'air d'apprécier le spectacle. Quelques pogos se lancent sur les titres les plus rapides tels 'La Vie est un long Fleuve...', 'Alea' ou 'La Face cachée'.
Modèle d'efficacité, le titre 'Praetorian' représente le mieux le style que le groupe nous propose : rythme simple mais carré, basse et guitare jouant avec les contre-temps, un bon gros riff destructeur en guise de refrain et un chant guerrier qui terminent d'enfoncer le clou. Autant dire qu'en concert, le titre fait mouche. Comme la quasi-totalité des titres présentés.
Thomas Niclass nous propose un chant et des textes très travaillés. Des poésies agressives et engagées, dénonçant l'égoïsme, l’extrémisme et la violence. L'ensemble est très cohérent, le chant soutenant les rythmiques lourdes et puissantes des compositions du groupe. Les musiciens assurent sans fausse note, et reçoivent une ovation pour chacun de leurs titres. Thomas joue avec son public, n'hésitant pas à sauter dans la fosse pour participer à la joyeuse bagarre, ou à faire chanter les refrains qui s'y prêtent très bien. Les guerriers nous quittent avec l'assurance du travail bien fait, la fête continuera sur album ou pour d'autres dates, c'est certain.
Naïve
Lorsque les Toulousains montent sur scène, c'est avec leur réserve de parpaings prêts à être expédiés à la tronche d'un public figé sur place. Non pas d'ennui, mais de surprise, d'étonnement et de respect. N'étant pas gourmand de musique électronique, je suis forcé de revoir mon jugement sur cet accompagnement plus qu'efficace. Naïve ne fait pas de musique. Ces gars là créent des ambiances et construisent un véritable univers palpable, vivant et magique. Des sons riches, aériens, complexes et simples à la fois. Les riffs dévastateurs font suite aux mélodies atmosphériques, le tout dans une logique cohérente et franchement agréable.
Le public ne s'y trompe pas. Nombreux sont ceux fermant les yeux, emportés par les airs envoûtants du trio. La salle ne s'y prêtant pas vraiment, c'est sans vidéo et sans lumière adaptée que le groupe dévoile son set, mais qu'importe. L'intensité est là sans aucun doute. Les morceaux de leur nouvel album Altra sont mis en avant pour un set raccourci dû au manque de temps. La voix du guitariste Jouch colle parfaitement à l'ensemble, qui, tout en nuance, accompagne les passages calmes ou contraste les rythmiques asymétriques.
Le son est à l'image du groupe, carré et puissant avec un lightshow cohérent avec les morceaux, renforçant encore le professionnalisme de leur set. La soirée a été longue et il n'empêche qu'une partie du public décroche, on les pardonne. Avec des titres qui peuvent durer jusqu'à 9 minutes, ce style de musique ne s'appréhende pas facilement et rarement à la première écoute. Pourtant des titres comme 'Surge' ou 'Yshbel' (et sa fin monumentale) ne peuvent que mettre tout le monde d'accord.
Les fans se font entendre et demanderont un rappel avec insistance, sans succès, la salle étant utilisée le reste de la soirée, avec une heure de fin très largement dépassée. Et c'est avec tristesse que le groupe descend de scène, visiblement ému de ne pouvoir ajouter des titres face à une audience aussi passionnée. Nouveau prétexte pour que Naïve revienne une nouvelle fois en terre bordelaise, en espérant une salle plus adaptée aux prestations techniques proposées d'habitude. Un énorme coup de cœur.
Une belle soirée qui nous démontre une fois de plus que des groupes locaux peuvent assurer de très bons moments, ils méritent amplement un soutien égal aux groupes plus médiatisés. Un grand bravo à eux et aux structures qui rendent ces rendez-vous possibles, à l'image du Bootleg, sauvé de justesse de la fermeture par une campagne de financement participative.
Fresque de remerciement du Bootleg avec les noms des participants au financement.
Crédit photo: Draksmoon Photography