Lentement mais sûrement, Elder dépasse le stade de formation confidentielle et commence à se bâtir une jolie réputation, notamment grâce à ses deux premières livraisons qui ne manquaient aucunement de ravir les amateurs de stoner. Un début de renommée qui permet aux musiciens d'outre-Atlantique de se produire cette année sur les planches du célèbre Hellfest. La sortie de Lore, leur troisième disque, est donc l'occasion idéale de concrétiser tous ces événements positifs, en affinant encore l'empreinte musicale des Américains, à la croisée des genres.
Concilier stoner et metal progressif? Voilà un défi de taille, totalement à la portée d'Elder. Cette recette osée n'est en aucun cas surprenante de la part des Américains, le précédent album amorçant déjà cette approche. Dans le cas de Lore, la dualité entre les styles est poussée à son paroxysme. Les éléments classiques du stoner restent prédominants mais toujours contrebalancés par cette volonté d'aérer la musique. Ainsi, une certaine légèreté émane de l’œuvre, tranchant avec l'aspect gras et sec développé sur l'opener « Compendium ». Cette douceur se caractérise par de nombreux éléments : de la guitare sèche ouvrant « Spirit at Aphelion », au break planant de la piste éponyme, en passant par une diversification des structures qui amène souvent la formation à calmer ses ardeurs, chaque parcelle de l'opus est maîtrisée et la formation affiche une direction claire. La synthèse de toutes ces ficelles est obtenue avec « Legend », prompte à la rêverie, bien que perturbée par quelques interventions plus imposantes de la guitare ou du chant de Nicholas DiSalvo.
Qui dit progressif, dit morceaux étirés. C'est d'autant plus vrai que seul « Deadweight » culmine à moins de dix minutes au compteur. Une telle durée inquiète forcément par les longueurs éventuelles que recèleront le disque et cette crainte se confirmera à plus d'une reprise. Le titre « Lore » est symptomatique de cette volonté de bien faire, sabordée par des moments de relâchement. La pièce tente d'entraîner l'auditeur dans une atmosphère parfois aérienne mais sa seconde moitié à tendance a s'essouffler. On ne peut que regretter une production peinant également à mettre en valeur les principaux atouts du groupe. Les sonorités planantes développées ici auraient gagnées à être portées par un son moins épais, qui coupe court à toute ascension. En revanche, la mise en retrait de la voix est une idée totalement cohérente avec cette orientation légère que revêt Elder. Tout n'est donc pas matière à l'insatisfaction.
Au-delà de ces quelques travers, l'ensemble ne manque pas de convaincre et d'apporter son lot de bonnes idées. Si les interventions du chanteur sont raréfiées, elles font toujours mouche. Nicholas sait s'adapter aux diverses ambiances développées par le trio et mettre sa voix au service de la musique. L'opus compte également une pièce maîtresse grâce à « Spirit in Aphelion », placée judicieusement en clôture du disque. Solo de belle facture, claviers intelligemment employés et composition tout à fait digeste, voilà une formule qui fonctionne. Ajoutez-y une mélodie accrocheuse et un final digne de ce nom, et vous obtenez la preuve qu'Elder ne manque aucunement de talent. « Compendium » et « Deadweight », sans répondre scrupuleusement au même cahier des charges, font également leur effet. La première nommée plonge dans un stoner entêtant, tandis que la seconde enthousiasme par les prouesses instrumentales des musiciens.
Regorgeant de qualités, Lore amorce une nouvelle voie pour Elder, déjà très à l'aise dans son orientation. L'album convainc, mais ne tutoie pas encore les plus grands. L'ensemble a besoin de gagner en maturité, pour parvenir à mêler plus habilement les styles proposés. On ne peut s'empêcher de voir en ce trio l'un des groupes les plus prometteurs du genre, mais attention à ne pas avoir les yeux plus gros que le ventre. Pêcher par excès d'ambition est un scénario ayant un air de déjà vu, et que l'on espère ne pas retrouver dans le cas des Américains.