Si on nous avait dit un jour que Timo Tolkki et André Matos feraient un projet ensemble, on aurait crié à la folie, à l'orgie, au feu d'artificie musical pour tout fan de power speed mélodique ! Cependant, les années sont passées depuis les mythiques Visions, Angels Cry ou Holy Land... Stratovarius et Angra ainsi réunis via deux de leurs légendes fondatrices, la Finlande et le Brésil ainsi mariés pour le meilleur et pour le pire.
Pour l'occasion et la création de ce groupe nommé Symfonia, l'ex-guitariste de Stratovarius et l'ancien chanteur d'Angra se sont entourés d'ex-membres de Sonata Arctica (Mikko Härkin aux claviers) et Helloween (Uli Kusch à la batterie), rajoutant un autre ancien Strato (Jari Kainulainen à la basse) pour rendre encore plus complète cette féérie. Le tout pour un premier album intitulé In Paradisum et à paraître ce lundi 4 avril chez Edel/Wagram...
Pourtant, c'est tambour battant que nous avons été lancés dans le grand vortex du power metal épique avec ce premier morceau diffusé sur une radio finlandaise et diablement efficace ainsi que profond de beauté. L'éponyme "In Paradisum" laissait ainsi présager du meilleur, de l'absolu, malgré ses touches très Elements Pt.1 et donc loin d'une originalité innommable. Et à André Matos, donnant ici sa meilleure prestation vocale depuis des lustres (qui a dit Ritual de Shaman ?), de nous garantir frissons et autres tribulations cosmiques... Un appel d'air suffisant pour tenir l'intégralité de l'opus en apnée ? Telle une bouffée d'hélium vous tournant la tête et prête à n'importe quoi vous faire avaler ? Il a donc fallu du recul avant de s'empiffrer goulûment d'un album très typique du genre et au final sans autre surprise que cette épique mélopée (la plus longue chanson du LP) sus-nommée.
Si tout commence pour le mieux du monde avec un "Fields of Avalon" parfaitement hymnesque et suintant bon le vieux Stratovarius bien speed des familles, le reste n'échappe pas à certains poncifs poussifs d'un genre difficilement impitoyable avec ses clichés. Les compositions (ici chapeautées par Timo et André) s'avèrent par instants à la limite du royal. Sûrement le sont-elles si on se place dans un contexte "15 ans en arrière", mais que nous reste-t-il aujourd'hui à part le tragique jeu des comparaisons ou des "ah tiens ça me rappelle truc" ?
Ainsi on retrouve du Episode, du Destiny, même du grand Visions dans ce In Paradisum. Symfonia osant même un hommage (invontontaire car chanson écrite bien après le décès du bonhomme) à Gary Moore sur l'intro de "Pilgrim Road", enchaînant cette chanson simple et enjouée avec un couplet très "Future World" d'Helloween. Ah oui, c'est beau, efficace, mais cela soulève tout de même quelques questions.
Et pourtant, aussi paradoxal que cela pourrait paraître, on sent un Timo Tolkki inspiré et heureux de jouer. Le dernier album de Revolution Renaissance, Trinity, nous avait laissé sur cette même impression mais avec une prod bien moins maîtrisée. Alors oui, ça c'est sûr, il n'y avait pas un André Matos visiblement empreint de liberté vocale, ni même d'hymne à la joie éponyme hyper classieux, mais quand même...
Les grandes stars du power ici réunies ont ainsi joué la prise de risque minimum, s'assurant ainsi (du moins l'espèrent-ils) le soutien de tous les amateurs du genre. Cependant, ce ne sont pas avec des ballades comme "Alayna" (sorte de face B d'un single de Scorpions, même si l'émotion est forcément latente) ou des chansons comme "Rhapsody in Black" (oups, on croirait presque le refrain de "I Was Made for Lovin' You" de KISS sur quelques riffs) qui pourront satisfaire tout le monde. Après, évidemment, outre le "debut track" ou l'éponyme majestueux, quelques titres tels que le brillant "Santiago" (et son super solo) ou la surprenante ballade acoustique finale "Don't Let Me Go" (avec un André Matos émouvant comme jamais) assurent le show et titillent la nostalgie. Rajoutons aussi le gros "Forevermore" (cliché au-delà même du titre) et ce "Come by the Hills" très typique au rayon des "ok c'est pas mal tout ça". Quant à "I Walk in Neon", la comparaison avec "Black Diamond" se fera trop facilement (merci au clavecin) et précipitera donc cette chanson vers ses défauts et une faiblesse indéniable et ce malgré une approche musicale sympathique.
Que dire au final ? Que le père Tolkki nous fait ici une belle auto-fellation musicale. Il se pompe tellement que cela en devient presque indécent... même si cela reste fort bien fait dans le style et que cela fera mouche, nous pouvons en être sûrs. Alors évidemment, les fans hardcore vont devenir fous et adorer (*)... le temps de 4-5 écoutes pour la plupart d'entre eux, ceci est une prédiction. Car cet album devrait inévitalement s'essouffler à l'usure, une fois le soufflet médiatico-nostalgique de l'association Tolkki-Matos retombé. Cependant, nous irons voir ce que cela donne en live avec impatience et curiosité, en espérant tout de même une suite peut-être plus axée sur le côté prise de risque ou épique (plus dans le sens de la chanson titre donc), allez savoir...
Note : 7/10
(*) Je fais pourtant partie de ceux-là. Ainsi, mettre une note aussi "banale" (même si loin d'être mauvaise, ceci en partie grâce à la présence d'un André au top de sa forme) me chagrine un peu. Ou comment forcer l'objectivité au-delà d'une subjectivité qui aurait pu accorder un point de plus à cet album... Les temps sont durs pour le chroniqueur fan de power (lol).
Interview de Timo Tolkki réalisée pour l'occasion