All hail the Godflesh
Un concert de metal à la Gaîté Lyrique ? Une idée séduisante sur le papier, en particulier avec Godflesh en tête d’affiche. L'excellent dernier album ayant confirmé un magnifique retour du duo anglais, ce dernier devait maintenant transformer l’essai sur scène, surtout après le raté du Hellfest 2014.
Amédée de Murcia & Guillaume Mikolajczyk
En rentrant dans la salle, on constate avec stupeur que le matériel des musiciens est installé dans la fosse, ce qui laisse suggérer un concert dans le public. Ce soir, la formation issue du groupe lyonnais Insiden joue en duo, avec un violoncelliste et un programmateur travaillant sur des oscillateurs. Très vite, les musiciens nous plongent le monde sonore du drone et de l’ambient. Le choix du violoncelle, instrument au spectre ample et puissant, se révèle idéal pour le genre, pour peu qu’on apprécie la tessiture de l’instrument.
La performance est vraiment difficile à décrire, car ce type de musique se vit en concert, en tout cas beaucoup plus que d’autres musiques. Les couches se superposent, le volume augmente progressivement pour envelopper le public, dans la pure tradition du genre, façon Sunn o))). Par ailleurs, l’utilisation des cordes frottées rappelle le premier album de The Haxan Cloak.De fait, les drones du duo sont peu agressifs et incitent à l’introspection, la méditation.
Clairement, la proximité avec les musiciens rend l’expérience particulièrement intense. Le son du violoncelle trafiqué fait penser à un didgeridoo. Par un habile mouvement circulaire, le violoncelliste crée un effet stéréo saisissant. Bref, en une demi-heure, le duo a réussi à nous faire voyager. Quand il jouait en solo, le violoncelliste montrait tout de même un défaut dans sa technique, qui pourrait sans doute être amélioré pour sonner plus propre. Rien de bien méchant malgré tout !
Extreme Precautions
Extreme Precautions, c’est le projet solo tourmenté de Paul Regimbeau, co-fondateur du label In Paradisum à l'origine de ce concert, mieux connu sous le nom de Mondkopf dans la scène IDM. Au programme, de l’indus électronique joué via un ordinateur. Déjà, on peut remarquer que Paul chante en ajoutant des effets dans sa voix, alors que ses compositions indus / techno sont instrumentales sur album. Pourquoi pas, ça ne leur enlève pas leur impact !
On retrouve ici aussi quelques drones ça et là, en plus de quelques hurlements qui confirme le goût de Paul pour l’expression extrême. D’ailleurs, le bougre se donne à fond, ne se contentant pas d’envoyé ses beats caché derrière son ordinateur portable. Ceci dit, il n’y a aucune sorte de communication avec le public, mais elle n’est pas vraiment nécessaire ici, donc passons. Pour s’allier à cette musique froide et agressive, des néons clignotent en rythme à l’arrière de la scène : on se croirait dans la boîte cyberpunk du premier Matrix !
Les parties mélodiques sont épileptiques, encore plus que sur album, et le côté brut du son rappelle les vieux Prodigy, mais aussi Godflesh, par l’emploi d’un boîte à rythme minimaliste. En fait, le seul défaut de ce concert est le volume étonnamment faible du concert, un défaut qui se sera retrouvé sur l’ensemble de la soirée. Mais ça ne nous aura heureusement pas empêché de passer un bon moment avec Extreme Precautions. Vivement un album !
Godflesh
Pour son concert, Godflesh a mis les petits plats dans les grands, avec un énorme écran géant placé derrière la scène, promettant des projections imposantes. Avec une semi-surprise, le groupe ouvre les hostilités sur « New Dark Ages », qui ouvre également le dernier album. D’entrée de jeu, on peut remarquer un « détail » alarmant : le son est vraiment faible, et mal équilibré par-dessus le marché ! C’est bien simple, au fond de la salle, on a l’impression d’écouter le CD à volume réduit sur un autoradio. Problème technique ? Erreur humaine venant du groupe ou de la régie ? Impossible à dire, mais le concert aurait pu tourner à la catastrophe avec un tel son sur toute sa longueur. Comment apprécier Godflesh sans profiter de la puissance de ses riffs, le grondement de la basse et le battement entêtant de la boîte à rythme ?
Malgré cette bévue, ce qu’on entend du groupe est bon, notamment la voix de Justin qui est toujours aussi puissante et pleine de rage. Après « Deadend » et le monstrueux « Shut Me Down », eux aussi handicapés par ce son honteusement diminué, le volume remonte d’un coup et rend le concert audible. Ca reste pas très fort, même au premier rang, mais visiblement il faudra s’en contenter. C’est vraiment dommage, parce que le groupe assure une performance proche de la perfection : avec sa huit cordes, Justin nous écrase la tête pendant que G.C, toujours aussi en avant dans le mix, tire des basses comme autant de missiles nos esgourdes.
Entre les morceaux, pas de bla bla : juste des remerciements à peine audibles, mais le public n’est pas venu pour se faire caresser, mais pour prendre une fessée. Comme l’avait annoncé Justin en interview, la setlist est axée sur A World Lit Only By Fire, et ce n’est pas un mal, tant cet album est bon et taillé pour la scène ! Pour s’ajouter à cette misanthropie, quoi de mieux que des projections apocalyptiques sur l’écran ? Œuvres religieuses défigurées, flammes de l’enfer, une statue de Jésus décapitée, le panneau infernal du Jardin des Délices de Hieronymus Bosch… Pas de doute, le groupe aime toujours autant la religion !
Et là, crac : Godflesh sort les classiques de son tiroir magique : « Christbait Rising » rend le public complètement fou, et l’enchaînement avec « Streetcleaner » n’arrange rien. Pas de doute, les vieilles compositions du combo de Birmingham n’ont rien perdu de leur mordant. « Spite » maintient cet état de transe, qui s’achève en apothéose avec « Like Rats ! », entonné en chœur par toute la salle. Pas de doute, Godflesh est de retour , dans une forme olympique. On ose à peine imaginer les dommages sur nos cervicales et nos oreilles si le son avait été à la hauteur. Peut être que la Gaîté Lyrique n’est pas faite pour le metal après tout... Un excellent concert au demeurant !
Setlist :
New Dark Ages
Deadend
Shut Me Down
Life Giver Life Taker
Carrion
Towers of Emptiness
Christbait Rising
Streetcleaner
Spite
Crush My Soul
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Like Rats
Reportage par Tfaaon (Facebook)
Photos : Arnaud Dionisio / © 2015 Ananta
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