Mais quelle étrange relation presque incestueuse David Coverdale entretient-il avec le groupe dont il a fait partie de 1973 à 1976 ? Non content d’avoir appelé le dernier album live de Whitesnake Made in Japan, référence à peine déguisée à Deep Purple (puisque c’est d’eux dont il s’agit), le voila qui ressort un album de reprises de son ancien groupe, mettant l’accent sur la période Mark III et Mark IV.
Quoi qu’il en soit, cela permet de réécouter ces vieux classiques de la formation puisque le line-up actuel ne les interprète plus, Ian Paice étant le seul rescapé des Mark III et IV. Si le chanteur connu pour sa voix rocailleuse n’a plus la même puissance que quatre décennies en arrière, il s’en sort tout de même admirablement bien, notamment sur le toujours excellent « Mistreated », l’un des meilleurs titres de Deep Purple toutes périodes confondues.
De plus, on remarque que Coverdale a laissé carte blanche à ses musiciens pour s’approprier les titres (les soli de guitares de Reb Beach et de Joel Hoekstra le successeur de Doug Alridch sur le morceau sus-nommé en sont un bon exemple). On trouve ainsi également une très belle version acoustique de «Sail Away», qui fait redécouvrir toute la richesse de ce morceau et qui se démarque totalement de l’original, ce qui n’est pas toujours évident dans l’exercice périlleux de la reprise. « The Gypsy », extrait de Stormbringer, s’offre à nous pour redécouvrir ce titre, bien qu’il ait été interprété régulièrement par Deep Purple version Coverdale et se trouve sur de nombreux live officiels ou non.
Le choix d’interpréter également certains titres de Come Taste the Band, album sous-estimé de Deep Purple (puisqu’à l’époque il s’agissait du premier sans Ritchie Blackmore), tels que « Love Child » et « You Keep on Moving », est également assez osé. Ce dernier se retrouve affublé d’une touche presque soul, agrémenté de claviers discrets, ce qui en fait une relecture vraiment intéressante. « Might Just Take your life » subit également un traitement particulier, notamment par l’ajout d’une guitare acoustique bluesy jouée au bottleneck et qui transforme le morceau et développant une ambiance fort appréciable.
Finalement, ce qui choque le plus à l’écoute de cet album, ce sont certains choix artistiques tels que le fait d’avoir mis de côté les claviers, pratiquement inaudibles sur l’ensemble des compositions, alors que l’on connaît la place prépondérante qu’ils avaient au sein du Pourpre Profond. Volonté de ne pas détruire l’œuvre de Jon Lord ou non, toujours est-il que ce choix est étrange. De même, on regrette que la frappe de Tommy Aldridge ne soit pas à la hauteur de celle de Ian Paice, puisque la touche jazzy et puissante caractéristique du batteur aux lunettes noires est ici remplacée par un jeu moins subtil («Lay Down, Stay Down»). Enfin, « Stormbringer », l’un des titres emblématique du Mark III est ici noyé dans des effets de voix plus que douteux, bien qu’ayant pour but de moderniser le titre en le rendant plus heavy.
Il est certain que cet album risque de diviser les fans de Purple comme ceux du Serpent Blanc. On retient une volonté d’apposer la patte de Whitesnake aux compositions, pour le meilleur (« Sail Away », « Soldier of Fortune »), comme pour le moins bon (« Stormbringer », «Burn»). On ne peut pas reprocher à David Coverdale d’avoir pris des risques avec cet album, mais certains choix artistiques restent discutables en dépit de très bonnes réinterprétations de classiques de la formation. Cet album n’est donc pas à réserver exclusivement aux fans hardcores des deux formations, mais pourra permettre de redécouvrir des classiques du hard rock. Nous conseillons néanmoins à ceux qui découvrent cette période du Pourpre Profond avec cet album de se pencher sérieusement sur les trois disques réalisés par le Mark III et IV.
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