Tour de force
En Finlande, la mode des "super groupes" est décidément à son paroxysme. Si le power a son Cain's Offering, le metal plus sombre et progressif possède son Barren Earth, mené de mains de maître par d'anciens membres d'Amorphis. Suite à un changement de chanteur, le combo passe ici une nouvelle épreuve avec On Lonely Towers, quatrième effort du groupe paru fin mars chez Century Media. Pour un nouveau départ ou une suite logique ?
Lorsque Barren Earth avait annoncé le départ du chanteur Mikko Kotamäki (préférant se concentrer sur Swallow the Sun), pas mal de sceptiques annonçait un déclin voir la fin de la formation. Ce n'était sans compter avec l'arrivée d'un certain Jón Aldará au micro. De part sa voix versatile (largement mise en valeur sur tout l'opus, prenez par exemple le morceau "Howl"), le frontman de Hamferð apporte également un côté plus profondément sombre à la majorité des joutes vocales qui lui sont offertes, mais également quelques peu épiques par moments tel un Albert Witchfinder (Reverend Bizarre) des grands jours. Une aubaine pour Barren Earth qui peut ainsi poursuivre sa progression vers des influences encore plus larges, presque sans limite entre doom lointainement folkisant et rock progressif des années 60-70.
Le cocktail étant annoncé, l'album suit son cours dans les méandres d'une certaine complexité musicale cependant jamais surfaite même si la première écoute laisse quelque peu perplexe. De prime abord, ressortent quelques rares moments plus simples et accrocheurs, comme ce "Frozen Procession" qui rentre vite en tête avec ses accroches à la Amorphis (ancienne version). Rappelons au passage que les co-fondateurs et compositeurs principaux se nomment Olli-Pekka Laine et Kasper Mårtenson, deux anciens membres de ce groupe finlandais culte. Les rares passages plus dark death mélodiques à la Insomnium sur "Sirens of Oblivion" ou "Chaos the Songs Within" (malgré son intro folk et son break saxophone) pourraient également être considérés comme directs, mais au-delà de ça Barren Earth s'aventure sur des chemins plus tortueux.
Le prog rock plus ancien déborde donc tout au long de ce On Lonely Towers, inséré de façon subtile notamment par les arrangements du claviériste Kasper Mårtenson qui n'hésite pas à assumer sa passion pour les Camel, Yes ou autres Emerson Lake and Palmer, voire même The Doors sur l'orgue du morceau final "The Vault". Ceux-ci apparaissent évidemment sur les morceaux les plus longs d'un album qui n'hésite pas à étirer ses compositions au maximum pour bien nous laisser pénétrer une atmosphère à la fois grave et prenante.
Le background plus doom funéraire du nouveau chanteur permet clairement à Barren Earth de noircir le ton, exemple sur le morceau éponyme pas loin justement du funeral même s'il reste diaboliquement typique de ce que le combo propose habituellement, notamment grâce au travail du guitariste Sami Yli-Sirniö (Kreator, Waltari) qui nous montre ici tout l'aspect de son jeu gorgé de feeling. Ce mélange doom subtil parfois mâtiné de death et souvent progressif rappelera évidemment Opeth, surtout lorsque que Jón lâche son growl encore plus proche d'un Mikael Akerfeldt que celui de son prédécesseur Mikko. Un mélange intense qui permet au disque de ne jamais sombrer dans l'ennui, même si la frontière pourrait être rapidement franchie dans le genre, ceci justifiant quelques effets de longueurs par ci par là facilement pardonnable lorsque les écoutes se succèdent.
Profondément sombre et varié, ce nouvel album de Barren Earth demande donc du temps pour être apprivoisé. Si le croisement entre Opeth et Amorphis reste évident, la troupe finlandaise va encore plus loin et pousse ses influences vers des chemins encore plus doom ou passéistes qui ne font qu'accroître la richesse du résultat final. L'évolution de Barren Earth est ainsi en marche, le meilleur restant certainement à venir avec un nouveau chanteur de cette trempe.