On n’arrête pas le prog’ !
Ca y est, le quatrième album de Leprous s’apprête à déferler sur les platines du monde entier, attendu avec impatience par les suiveurs de la nouvelle scène progressive. Rétrospectivement, Coal était, à plusieurs égards, une vraie réussite. Frais, surprenant, mais aussi plus minimaliste, dynamique, et sachant faire parler la poudre au bon moment, il consacrait une démarche audacieuse des Norvégiens. Cette fois, le quatuor (plus un) amorce un virage, osons le dire, plus direct et accrocheur. Deux qualificatifs qui ne semblent pas, a priori, aller de pair avec les canons du prog’. Et pourtant…
Avec son introduction puissante et dopée à l’adrénaline, « The Price » s’impose comme une ouverture à la fois burnée et groovy, donnant le la à l’orientation musicale de l’album. En fait, Leprous a gardé les acquis de Coal, mais les a utilisés d’une manière différente pour ce nouvel effort, lui donnant une identité bien distincte par rapport aux précédentes sorties. Le dépouillement (relatif) de Coal est toujours là, et a même été accentué. Ainsi, les huit minutes de « The Flood » sont basées sur le même riff, mais qui est échangé par les différents instruments tout au long du morceau, avant d’être déstructuré sur le final, en gardant les mêmes accentuations pour maintenir l’effet hypnotique du riff de départ. Et on retrouve ce procédé plusieurs fois dans l’album, particulièrement sur « Triumphant ». Leprous prouve ici qu’on peut faire plus, avec moins.
Si The Congregation est plus minimaliste, il est aussi plus entraînant et plus… accessible. Oui, le mot est lâché, mais nul besoin de courir chercher les cageots de tomates pour conspuer le groupe sur la place publique. Car l’essence de Leprous est toujours bien là ! On pourrait même dire qu’elle n’a jamais été aussi présente que sur cet album. En effet, les influences musicales extérieures s’effacent un peu plus sur The Congregation. On sent, en filigrane, l’empreinte d’Arvo Pärt [NDLR : influence revendiquée par Einar Solberg] sur l’émouvante « Lower », ou deviner un toucher à la Muse sur « Moon », mais ce sont des exceptions qui confirment la règle. Ces influences mises de côté laissent la place aux éléments qui définissent Leprous aujourd’hui, qui se développent depuis Tall Poppy Syndrome.
Einar est fidèle à lui-même et délivre une excellente prestation au chant, particulièrement sur la tubesque « Third Law » qui s’annonce épique en concert, mais aussi aux claviers, avec toujours ce goût pour des sons à la fois originaux et servant parfaitement les compositions. C’est d’ailleurs Einar qui est l’unique compositeur de cet album, ce qui a sans doute contribué à la forte cohérence globale de The Congregation, qui le rend plus digeste à l’écoute. A la guitare, l’adresse de Tor et Oystein se manifeste en rythmique, car l’album n’a pas plus de solos que son prédécesseur, et ils ne manquent toujours pas. L’absence de bassiste permanent n’a pas conduit à une mise en retrait de la basse, bien au contraire : elle n’a jamais été aussi en avant ! Mais la vraie nouveauté instrumentale se manifeste avec Baard Kolstad (Borknagar, Abbath, Solefald…) derrière les fûts. Si son jeu reste radicalement différent de celui de Tobias, on sent un gros travail de fond pour adapter son toucher à la musique de Leprous. Pari réussi, Baard parvient à imposer une nouvelle vue sur la batterie dans Leprous, plus agressive mais se mariant très bien aux compositions.
Avec The Congregation, Leprous apporte donc une nouvelle lecture au genre, sans pour autant solder la qualité de sa musique ou son originalité. Nos Norvégiens ont mûri, et il en ressort un album qui définit parfaitement l’identité du groupe, basée sur une remise en question à chaque album. The Congregation tient donc toutes ses promesses et consacre Leprous comme groupe de référence de la scène progressive aujourd’hui.
Note : 8,5/10
Chronique par Tfaaon (Facebook)