Rarement dans l’histoire un groupe aussi jeune que Sworn In aura été aussi chahuté lors de la sortie de son deuxième album. Changement de style, concept-album, paroles assez maladroites, les Américains ont dû endurer toutes sortes de critiques depuis la sortie de The Lovers/The Devil, allant jusqu’à justifier leur nouvelle direction musicale sur leur site. Mais si cet album a déconcerté tous les fans du combo, la faute à une tendance emo non dissimulée, est-il vraiment si mauvais ? Si l’on s’y plonge totalement, force est de constater que malgré quelques défauts, le quintette arrive à renouveler un genre englué depuis bien longtemps dans sa routine.
The Death Card, sorti en 2013 avait fait son petit effet dans la sphère metalcore américaine, malgré une ressemblance encore trop marquée avec les cadors du genre comme Chelsea Grin. Aujourd’hui, Sworn In navigue dans sa propre barque avec un style que l’on pourrait qualifier d’ « emotional deathcore », tant le groupe emprunte autant à Suicide Silence qu’à My Chemical Romance, sans oublier la touche djent apportées par les guitares accordées aussi bas que possible.
Cette nouvelle sortie forme en tout cas un bloc qu’il est largement préférable d’écouter d’une seule traite, plutôt que de simplement s’intéresser aux singles. Exemple parfait : « Scissors », qui en dégoutera plus d’un avec ses parties très emo et son chant clair omniprésent mais qui après écoute du disque dans son intégralité s’avère être en parfaite adéquation avec l’ambiance générale. Globalement, si l’auto-tune vous insupporte, vous aurez du mal à vous y faire, tant la correction de voix est présente par petite touches sur la majorité des chansons comme « Pocket Full Of Posies », « Sugar Lips » ou « Lay With Me ». Elle s’intègre pourtant bien dans la musique de Sworn In, contrairement à la majorité des groupes qui l’utilisent pour combler une faiblesse vocale.
Le groupe choisit des partis pris extrêmes, alternant entre breakdowns ultra-violents et passages plus calmes et torturés, tout en prenant soin d’entretenir cette atmosphère malsaine qui se ressent sur tous les titres. Chose rare dans le petit monde du metalcore, aucune chanson n’est véritablement directe et taillée pour le live à l’exception de « Oliolioxinfree », l’une des belles réussites de l’album. Le reste se ballade entre tempo lents rappelant parfois le beatdown et passages ambiants, souvent sans voir l’ombre d’une mélodie et ponctué de nombreux interludes.
Si l’ombre de My Chemical Romance plane en permanence sur l’opus, ce n’est jamais véritablement en mal et les fans sauront apprécier des refrains comme ceux de « Pocket Full of Posies » ou « Pins And Needles », qui permettent de mettre en exergue la véritable star de cet album : Tyler, le chanteur qui éclipse presque totalement ses collègues musiciens. Omniprésent du début à la fin et passant facilement d’un scream violent au chant clair, le frontman se met totalement dans la peau de son personnage et réalise une grosse performance, même lorsque le jeu se calme.
On peut tout de même être déçu de l’absence d’un titre qui se démarque fortement comme pouvait le faire un « Snake Eyes », sur l’album précédent. « Sunshine » qui joue ici ce rôle n’est pas mauvais, mais ses expérimentations lui font perdre de son efficacité. Quelques autres chansons sont un peu moins maitrisées comme « Lay With Me » ou « Sugar Lips » qui trahissent un groupe au potentiel élevé mais encore un peu jeune. Cette jeunesse n’empêche en tout cas pas les Américains de nous offrir un album de très haut niveau, varié et rempli de chansons qui restent malgré tout en tête, à l’image des superbes « I Don’t Really Love You » ou « Weeping Willow ».
Il faut donc avoir le courage de s’y plonger entièrement pour apprécier cette sortie de Sworn In, qui souffle en tout cas un vent d’originalité sur la scène metalcore actuelle. Evidemment, un grand nombre n’accrocheront pas à ce changement de style proposé par les américains, mais il ne fait nul doute que l’on tient là un groupe qui a trouvé son style et qui ne demande qu’à s’affirmer dans le futur à condition que ses musiciens laissent davantage parler leur technique et sortent de l’ombre.