Ah, Liv Kristine, la douce, belle, souriante et élégante Liv Kristine, la sirène de Norvège qui fait chavirer des coeurs et berce des matelots rentrés au port … Sa réputation, la norvégienne la tient du fait qu'elle est l'une des pionnières dans le monde du metal à chant féminin, s'étant aventurée dans des pâturages à l'époque verdoyants, aux côtés de The Gathering ou The 3rd and the Mortal, à une époque où Simone Simons était encore à l'école primaire, et où la mode, c'était pas de s'approcher de la pop pour passer comme Evanescence à la télévision, mais plutôt d'orienter les morceaux vers le schéma « Beauty and the Beast ». Des années ont passées depuis, cela fait maintenant quelques temps que Liv vole de ses propres ailes et fonde, avec son cher et tendre Alexander Krull, dit l'allemand aux cheveux plus longs que son ombre, la formation Leaves' Eyes, qui s'empresse d'accumuler singles, EP, CD lives et bien sûr, albums.
Si les deux premiers opus du groupe ont été globalement appréciés, dans la même veine gothiquo-atmosphérique douce, Njord prenait une direction plus affirmée, plus agressive, où les guitares se substituaient bien souvent aux ambiances féériques qui caractérisaient le voyage Vinland Saga, le quintette n'hésitant pas à se ranger vers des refrains plus efficaces. Alors, de nos jours, que deviennent-ils, les germano-norvégiens ? 2 ans plus tard et toujours le couple Krull qui mène la barque, Napalm Records offre Meredead sur un plateau d'argent et Ô miracle, voici la première offrande sur laquelle la frontwoman est absente de la pochette, ce qui peut sembler ridicule aux premiers abords mais qu'il est bon de mentionner. Cela voudrait-il dire qu'il faut s'attendre de leur part à du renouveau, à un certain bouleversement ?
Dans une certaine mesure, la répons est oui et Leaves' Eyes change à moitié sa recette pour nous offrir un nouvel album taillé de manière bien différente. Pourtant, la piste d'ouverture « Spirits' Masquerade », de part sa durée, mais également ses structures et son refrain, peuvent vraiment faire penser à la mise en bouche du brûlot précédent, répondant au nom de « Njord » (le titre, pas la galette). Pourtant, ce léger détail mis à part, la musique vient de subir un lifting. Les guitares sont à nouveau au premier plan au profit d'une ambiance, mais cette fois-ci, elle sera agrémentée d'instruments folks qui apportent une touche celtique aux compositions, éléments qui se retrouvent du début à la fin, mais à double-tranchant cependant : s'ils sont plutôt appréciables, donnant une certaine fraicheur et un côté plus original dans le monde du metal à chanteuses, avec une volonté de vouloir se démarquer des carcans du genre, ils parviennent parfois à agacer, trop omniprésents, laissant peu de place à une vraie aération et, surtout, contribuant à ce manque de puissance et de vigueur que l'on aurait aimé trouver. Alors bien sûr, c'est traditionnel, bien joli, et sachant que de nombreux titres sont en norvégien sur des airs du pays, cela peut paraître tout à fait normal, mais quand c'est trop, la saturation n'est jamais bien loin, dommage.
Malgré tout, une autre qualité propre au groupe est de réussir à concilier tout le monde par des morceaux assez homogènes, sans réellement mauvaise surprise. Là encore, cet élément commence à se dissiper et à faire sortir un nouveau travers : si les premières pistes sont de bonne qualité, plus on avance, et plus l'ennui guette. Bancal, tel est le mot qui désigne l'album dans sa globalité, et exceptée la reprise très kitsch et mal exécutée qu'est « To France » de Mike Oldfield, le niveau général reste agréable jusqu'à ce qu'arrive « Mine Tåror er ei Grimme », ballade ennuyeuse qui annonce ce que la suite va réserver : du vide, de la mollesse, des bâillements. Autre point à souligner, c'est la présence de nombreuses longueurs, et le titre éponyme « Meredead » n'y échappe pas, avec des détails inutiles qui donnent envie de passer à la suite, ou encore « Sigrlinn », en duo avec Carmen Elise Espanaes, chanteuse de Midnattsol et soeur de Liv Kristine, qui aurait largement pu être amputée d'une minute, bien que le titre soit de bonne facture.
Et dans tout ça, où en est la vocaliste ? Là encore, le bilan reste assez mitigé, car si le timbre de la jeune femme est reconnaissable entre milles, avec ce côté aérien, léger, sensuel et doux qui la caractérise, de sérieux problèmes sur la justesse se font encore ressentir, bien que les progrès ont été accomplis depuis Njord. Et malheureusement, Liv tombe souvent dans le cliché par quelques envolées non seulement douloureuses, mais également très mielleuses, trop sucrées, qui donnent l'impression d'émotions plus mécaniques, remettant quelque peu en cause la sincérité dans la prestation de la norvégienne. Alexander Krull est, bien heureusement, le grand absent de ce Meredead et il faut bien admettre que ses growls ne manquent pas, au contraire, tant ces-derniers étaient dispensables et mal maîtrisés sur Njord et Lovelorn, le premier effort des allemands. Mais comme dit l'expression, un mal pour un bien, ici, c'est plutôt l'inverse qui s'applique, car la vocaliste de Midnattsol en guest s'en sort mieux que dans son propre groupe, mais là encore est à reprocher un sérieux manque de sentiments et un chant plat, vraiment dommage. Intervient aussi Maite Itoiz, que l'on connait grâce à Diabulus in Musica, qui embellit « Étaín », et John Kelly sur « Tell-Tale Eyes ».
Au moins, malgré la présence des instruments folks, Leaves' Eyes garde une certaine diversité au niveau des pistes, et certaines sont mêmes de qualité. « Étaín » possède un refrain agréable et entrainant, et se place judicieusement après l'excellente « Spirits' Masquerade » que l'on imaginerait bien dans une cérémonie scandinave des temps anciens. « Kråkevisa » et « Velvet Heart » ne sont pas parfaites mais possèdent une mélodie subtile, assez entêtante pour rester en tête de file. Dans une certaine mesure, « Nystev » est sauvable même si elle fait pâle figure contre « Sigrlinn », mais cette-dernière s'en sort mieux que « Meredead », dernier morceau de qualité, avant de tomber sur la monotone et monocorde « Empty Horizon », qui ne décolle pas d'un pouce et endort directement plutôt que ne berce avec délicatesse, ou encore la reprise ratée qu'est « To France », titre pourtant bon originellement, ici mal maîtrisé par les cinq compères. Mais si l'on souhaite dresser un palmarès de l'ennui pour déterminer qui décrocher la récompense du morceau le plus ennuyeux, alors les pistes que sont « Tell-Tale Eyes », titre acoustique avec un chant masculin qui n'est pas toujours agréable accompagnant celui de la sirène du Nord, et « Mine Tåror er ei Grimme », ballade chiante comme la pluie, se disputent la victoire.
Production impeccable, c'est exactement ce qui était attendu d'un groupe d'une telle envergure, notamment avec une frontwoman comme Liv Kristine, le tout restant donc parfaitement clair et intégrant à merveille la partie folklorique. Là où le bat blesse fortement, c'est sur le mixage des guitares, vraiment trop éloigné et supprimant des touches de pêche et de vitalité qui pourtant n'auraient pu que renforcer la musique de Leaves' Eyes, et ainsi de pondre des refrains plus performants et plus mémorisables, car pour quelques morceaux, ce-dernier tombe en petits morceaux.
Le constat final n'est donc pas négatif, mais là encore, des problèmes se doivent d'être résolus. La qualité des morceaux, pour commencer, un peu trop en dent de scie, ne permet pas à Leaves' Eyes de s'imposer comme étant un groupe majeur sur lequel, avec Meredead, il faut absolument se pencher, mais néanmoins, une voie vers quelque chose de plus original et mettant toujours à contribution la partie folk du combo semble déjà être ouverte. Les allemands et la norvégienne doivent donc dès à présent s'engouffrer dans cette petite brèche, et rapidement, car elle risque très vite d'être condamnée. Avec ce brûlot, le groupe prouve qu'il possède un certain potentiel et que l'ensemble tient bien la route, mais que des petites choses se doivent malgré tout d'être corrigées. En attendant, jetez une oreille attentive, car si nous n'avons pas un must-have, la musique est suffisamment intéressante pour attirer l'attention. Du moins, sur la première partie …
Note finale : 6,5/10