Le metal solidaire
Aller à un festival metal tout en soutenant une belle cause : c’est le pari du Heart Sound Metal Fest, dont la deuxième édition se tenait cette année, toujours à Sucy en Brie, mais cette fois à l’intérieur de l’Espace Jean Marie Poirier. Avec une affiche ambitieuse et clairement axée sur le metal moderne, le festival arrivait déjà à imposer une personnalité. Encore fallait-il arriver à organiser le festival dans les règles de l’art… Avec le recul, en dépit d’améliorations possibles, on peut dire que le pari est réussi !
Avant de s’attaquer au haut de l’affiche, nous avons eu droit à des concerts d’une petite demi-heure délivrés par Beyond The Dust, Fallen Joy et Social Crash. Il n’y a pas beaucoup de choses à en dire, d’une part parce qu’il est difficile de se faire un vrai avis sur un groupe sur un temps de jeu aussi court, et surtout avec un son qui manquait clairement de précision pour rendre ces performances appréciables. En tout état de cause, l’envie des groupes était là, et l’enthousiasme du public également. A revoir dans un meilleur cadre.
The Dali Thundering Concept
Avec The Dali Thundering Concept, on commençait à s’attaquer au haut de l’affiche, avec un temps de jeu plus conséquent, mais restant en dessous de la cinquantaine de minutes. Pas de doute, le son djent est toujours aussi à la mode, et ce ne sont pas les musiciens de The Dali Thundering Concept qui allaient nous dire le contraire. En effet, la formation joue des compositions aux tonalités djentcore, avec ça et là quelques touches techniques. Malheureusement, comme pour les premiers concerts, le son est plutôt sale, et cela peu importe le placement dans la salle, que ce soit devant en fosse ou derrière dans les gradins.A l’écoute, les musiciens semblent être plutôt bons techniquement parlant. En fait, c’est plus au niveau des compositions que ça pèche : du déjà-entendu. Le tout manque franchement d’audace, et même de punch, tudieu ! Envoyer du gros son avec une huit cordes, c’est facile, mais faire groover un riff, c’est une autre paire de manche.
En tendant l’oreille, on remarque avec stupeur que la guitare solo et le chant clair sont samplés ! A ce stade, pourquoi ne pas pousser le concept jusqu’au bout, et sampler toute la musique tout projetant des hologrammes de musiciens en train de jouer ? Autant, on peut comprendre que certains groupes fassent le choix de sampler des nappes de claviers ou des bruitages d’ambiance qui ne sont clairement pas des éléments centraux des compositions, mais là, ça ressemble fortement à un aveu de manque d’ambition ou de cohérence artistique. Soit on considère que solos et chant clair sont importants, et on engage des musiciens en conséquence pour les interpréter en concert, soit on les supprime bel et bien de la performance en public. Le choix du sample n’est clairement pas le plus approprié, nous sommes à un concert, pas dans un salon à écouter un album ! Passons, d’autant plus que d’après l’enthousiasme du public, cela ne semble pas le déranger le moins du monde.
D’ailleurs, il faut noter que le groupe fait tout de même un effort pour faire varier ses compositions avec des passages ambiants joués en son clair à la guitare. Sylvain Connier a une bonne présence scénique, et maîtrise bien la voix hurlée. Instrumentalement, c’est un peu moins propre, avec tout de même pas mal de pains sur l’ensemble du concert. Et c’est sur un passage en spoken word que Dali Thundering Concept termine son set. Une idée intéressante et originale sur le papier, mais tout comme pour Hypno5e, elle a beaucoup plus de mal à convaincre sur scène que sur album. Il y aura donc encore quelques ajustements à faire pour que la formation parisienne puisse s’imposer.
Atlantis Chronicles
Ou la preuve vivante que musique technique et festive ne sont pas deux termes incompatibles ! Avec eux, pas de tour de chauffe, ils sont au top d’entrée de jeu, avec des compos puissantes et accrocheuses à la clé. Alors oui, les notes fusent dans tous les sens, mais ce n’est pas de la bête démonstration. Ici, la technique sert la musique.
Rien à dire, la mise en place du groupe est toujours aussi impeccable. Antoine Bibent a vraiment une belle énergie sur scène, et sa voix est beaucoup plus chaleureuse que sur album. C’ était d’ailleurs le seul vrai défaut de leur premier album. En tout cas, voir des musiciens jouer avec une telle envie et le sourire aux lèvres est vraiment plaisant. Cette bonne humeur est communicative ! Les riffs s’enchaînent, plus ingénieux les uns que les autres, et ça sonne ! On retiendra particulièrement les parties de tapping harmonisées, qui sont la signature musicale du groupe.
En fait, le groupe est tellement précis qu’on croirait voir une formation qui tourne depuis des semaines, alors que ce concert est une date hors tournée ! D’ailleurs, leur nouveau bassiste Simon Chartier assure parfaitement le job, nous envoyant de bonnes vibrations avec sa basse cinq cordes. Bref, Atlantis Chronicles sur scène, c’est une valeur sûre, et on ne peut que vous encourager d’aller le vérifier vous-mêmes ! De fait, la seule déception de ce concert est sa durée : 45 minutes bien tassées. Ceci dit, le fait que la formation n’ait qu’un album sous le coude y est sans doute pour beaucoup. D’ailleurs le deuxième album est en cours d’enregistrement, et on ne peut que l’attendre avec impatience !
T.A.N.K
Le Heart Sound continue sur de bons rails avec T.A.N.K, fer de lance du death mélodique en France. Encore une fois, on peut remarquer que le groupe est vraiment au point techniquement, ça ne fait pas un pli, particulièrement au niveau des guitares. Autre point positif, la basse a est bien en avant dans le mixage et a des lignes très mélodiques. Le son est vraiment bon par ailleurs !
De son côté, Raf Pener s’impose comme un frontman compétent, avec un bon charisme et une envie de faire participer le public. S’il est excellent en growl, son chant clair est plus fragile, notamment au niveau de la justesse. Qu’importe, le set n’est pas axé sur cela, et le tank fait des ravages dans la fosse !
En passe de sortir un nouvel album, T.A.N.K en profite pour nous en jouer un extrait qui paraît prometteur, tout en restant dans le registre signature du groupe, avec une certaine influence de Meshuggah, ceci dit ! En tout état de cause, les riffs très catchy de T.A.N.K sont vraiment taillés pour la scène et font mouche à chaque fois. Ca se ressent d’ailleurs fortement dans la fosse, avec son lot de moshs et de circle pits !
Bref, le quintet aura parfaitement assuré le job, avec un guitariste de remplacement qui maîtrisait parfaitement son affaire d’ailleurs ! Pas de doutes, on peut encore attendre de belles choses de T.A.N.K !
The Algorithm
Et voilà, c’est déjà à la dernière tête d’affiche de la soirée de prendre place sur scène, et ce n’est autre que notre glitchman national Rémi Gallego, toujours accompagné par Pierre de Uneven Structure à la batterie ! Il avait affirmé son souhait de vouloir améliorer l’expérience du spectateur lors de ses concerts en se mettant à jouer de la guitare sur scène et c’est une très bonne chose, encore plus pour une musique digitale et initialement interprétée sur ordinateur comme celle de The Algorithm. De fait, la guitare apporte un aspect plus organique au son, et améliore le concert visuellement parlant.
Maintenant, Rémi ajoute aussi des sons de synthés et autres samples délirants grâce à son pad, renforçant encore plus l’instant vécu. Tout est passé en revue, de Yoshi à Windows 95, sans oublier le fameux awoueille popularisé par Rémi dans ses communications avec ses fans. Clairement, l’impression qu’on avait avant de voir un nerd planqué derrière son ordinateur lors de ses premiers concerts est complètement passée ! On peut aussi remarquer que son son s’est nettement amélioré, il est nettement plus abouti et précis qu’avant. Ce doit être du à la qualité du système sonore de la salle, mais aussi à du matériel de meilleure qualité dans le rig de Rémi !
Musicalement, les compositions electro-djent de The Algorithm passent toujours aussi bien le cap du live, pour peu que l’on apprécie les tics de composition du principal intéressé. En plus de cela, Jean abat une performance remarquable à la batterie, à la fois précise et puissante. On ne regrette pas Mike Malyan ! Sur scène, Rémi se donne à fond, pendant et entre les chansons, avec quelques blagues débitées sur un ton désinvolte et décalé. D’ailleurs, le public est visiblement conquis par l’univers de The Algorithm, même si on peut supposer qu’une bonne partie d’entre eux sont des fans.
Le concert passe plus vite que les blasts de Jean, et c’est l’occasion pour le duo se lancer dans une reprise de « Tourner les Serviettes » de Patrick Sébastien, énième preuve que Rémi ne se prend pas au sérieux. L’idée ne plaira pas aux puristes, mais a le mérite de faire monter la température de quelques degrés ! Et sincèrement, faire headbanguer des gens sur du Patrick Sébastien, c’est magique non ? Et c’est sur une reprise de Born of Osiris que nos chemins se séparent. Nous avons donc la confirmation que Rémi a su faire évoluer son show de la meilleure manière. C’est plutôt enthousiasmant pour la suite, tout comme les deux singles « Neotokyo » et « Terminal ». Courrez donc le voir avec Pryapisme en juillet !
C’est donc la fin de cette deuxième édition du Heart Sound Metal Fest. Organisé en soutien d’une noble cause, il est à soutenir, même si on peut gager que quelques ajustements pourraient être faits pour se rapprocher de la perfection. Pourquoi ne pas, par exemple, faire jouer les têtes d’affiche plus longtemps pour leur accorder un set digne de ce nom, quitte à enlever un ou deux groupes de notoriété plus modeste ? En tout cas, souhaitons aux organisateurs que la troisième édition sera encore plus belle !
Compte rendu par Tfaaon (Facebook)
Photos : Marjorie Coulin / © 2015 http://www.marjoriecoulin.com/
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