Petit bond dans le temps, en 1995, pour aller retrouver une formation bien singulière, dont le nom ne vous dira peut-être jamais rien, à part si vous êtes un expert du power ou du heavy. Ils sont américains et se nomment Twisted Tower Dire et, en plus de 15 ans, le groupe n'a pas eu une renommée spectaculaire en Europe. Pourquoi ?
Manque de talent, de promotion ? Ne sait-on jamais, peut-être même les deux. En tout cas, il est malheureusement à déplorer la mort du précédent vocaliste, Tony Taylor, remplacé par la suite par un nouveau, Johnny Aune. C'est donc sur le label Cruz Del Sur que le combo va réaliser son nouvel opus : Make it Dark, prévu pour ... le Vendredi 13 Mai 2011. Quelle en est sa qualité ?
Du début à la fin, nous voici fixés sur les objectifs de Twisted Tower Dire : livrer un heavy/power bien puissant, rentre-dedans, sans finesse mais jouissif au possible, et continuer à délivrer une musique sauvage, brut, agrémentée de solos agréables, de refrains dynamiques, de passages simples mais efficaces, parfois plus complexes mais toujours aussi efficaces. Dans tous les cas, pas question pour les américains de faiblir et de se relâcher, tant les guitares sont présentes au premier plan, inspirées et variées, apportant encore de la puissance, avec des airs d'Helloween parfois, dans la période années 80. D'ailleurs, à l'instar des suédois de Malison Rogue mais avec une tendance power metal bien plus affirmée, le combo d'outre-Atlantique aime provoquer ce sentiment de nostalgie chez ceux qui ont connus ces groupes dès leur âge d'or, nous transportant dans une petite machine à remonter le temps, une vingtaine d'années en arrière, là où on ne trouvait pas autant de groupes. Le quintette ne renie nullement les racines du genre, s'en inspirant pleinement, et nul doute que les plus grands classiques du genre sont les disques de chevet de chaque musicien, tant et si bien qu'à l'écoute, on ne peut qu'être entrainés dans la folle cavalcade. Il suffit juste de laisser le plaisir envahir la pièce, et c'est parti pour 36 minutes de plaisir intense !
Dès l'introduction, on se rend bien compte de la jouissance dont on va profiter. En effet, « Mystera » tranche avec la tradition bien connue aujourd'hui du joli passage atmosphérique au clavier. Non, rien de tout ça chez les américains, et d'ailleurs, pas de clavier du tout, juste un bon gros défoulement des riffs dantesques, semblant sortir d'un endroit totalement inconnu, mais qui forment la valse dès les premières secondes. Non, le groupe n'est pas original du tout, loin de là, mais l'une de ses grandes qualités, c'est de restaurer complètement cet esprit old-school, au risque de paraître à contre-courant, voir anachronique. Et ce côté là forge de ce fait tout ce qui fait le charme du groupe, ne démordant pas une seule seconde de l'envie d'aller faire headbanguer une foule entière, avec cette musique couillue, qui, et c'est certain, doit donner un effet de boeuf une fois jouée sur scène, la dimension devenant de ce fait particulière.
Et même le vocaliste Johnny Aune reconstitue cet esprit, avec un chant alternant de belle manière l'aigu et le grave, certaines parties rappelant presque Daniel Heiman (ex-Lost Horizon, ex-Crystal Eyes), de quoi faire revivre quelques bons souvenirs parmi les fins connaisseurs et experts dans la matière power metal. Parfois victime de quelques légères approximations, la voix du frontman reste malgré tout polyvalente et de qualité, avec une maîtrise qui force le respect au niveau de la puissance, le sieur n'ayant aucun mal à savoir se faire entendre lorsqu'il en a besoin. Sa voix sait également se placer là où il faut et au bon moment, prouvant non seulement un imparable sens mélodique, mais également une assurance communicative. De plus, sur ce domaine, il sait transmettre l'émotion lorsque cela est nécessaire, et n'a pas besoin d'un apport piano larmoyant sur une ballade mielleuse tout juste bonne à s'endormir pour cela.
Ce qui est plaisant chez Twisted Tower Dire, c'est cette capacité à non seulement varier le propos avec des titres certes de la même trempe mais qui ne se ressemblent pas, et également une force supplémentaire, celle de savoir créer des pistes fougueuses en toutes circonstances. Pas de refrain foireux, pas de faux pas, et surtout, la spontanéité qui semble se dégager de l'oeuvre évite toute impression de calcul et de tentative délibérée, tant la musique est jouée avec passion. Le combo n'hésite pas à, parfois, se faire un peu plus complexe en apportant quelques légères modulations dans les rythmiques, en particulier sur la plus progressive « Beyond the Gate », qui ne souffre également d'aucune longueur, le potentiel tubesque ayant été conservé. De la puissance en tube, en veux-tu en voilà, de « Snow Leopard » et « White Shadow » s'élevant, en plus de la piste plus longue, comme étant les plus grosses bombes du brûlot, à l'éponyme « Make it Dark » sans parler de « The Stone », « The Only Way » ou « Torture », pas de mauvaises choses à déplorer. Les refrains sont heavy, catchy, les instruments font du power metal burné, de quoi garnir tous les plats.
Voilà qui risque peut-être de faire pleurer quelques die-hard fan d'old school. La production est faite sur-mesure, ajustée au mieux, garantissant un son clair et précis, seul élément de modernité parmi cet étalage que certains qualifieront de dépassé. Mais la guitare, elle, possède une place majeure pour s'exprimer, les autres musiciens ne manquent pas non plus d'espace, comme le dirait ce cher Pangloss dans Candide, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Twisted Tower Dire, c'est un déluge d'une musique puissante, qui ne manque pas de vivacité et d'élan, avec un chanteur de très grande qualité, guidant la musique avec justesse, précision et adresse. S'il ne faut pas compter sur l'originalité, on peut malgré tout se plonger tête baissée dans ce savoureux retour en arrière à l'époque où débutait le heavy et le power, où Iron Maiden en était encore à Powerslave. Dans la masse, les américains parviennent à se démarquer par cette musique de grande qualité, tant et si bien que la concurrence va avoir du mal à faire mieux. Et le prochain, on l'espère, sera encore meilleur. Espérons aussi que la renommée commence à arriver pour le quintette, car le fait qu'ils ne soient toujours pas reconnus après plus de 15 ans d'existence n'émane sûrement pas d'un manque de talent.
Note finale : 8,5/10
Twisted Tower Dire sur La Grosse Radio