Eric Martelat et John Bailly de Messaline

Metal épique à la française
 

A l'occasion de la sortie d'Illusions barbares, nouvel album de Messaline, nous sommes allés à la recontre d'Éric Martelat et John Bailly, respectivement chanteur et batteur du groupe, afin de discuter de la génèse de ce disque, mais aussi de leurs influences, de leur rapport avec la musique et aussi pour faire part de l'état actuel de la scène en France.

Interview réalisée par Byclown

Bonjour messieurs, nous sommes ici pour parler de votre nouvel opus Illusions barbares. Avant d’attaquer l'avalanche de questions, présentez vous pour les gens qui ne vous connaissent pas encore.

John : Messaline est une formation de 4 personnes qui existe depuis 10 ans. La nouvelle section rythmique, composée de Jaimé à la basse et moi-même, John, à la batterie, est arrivée en fin 2011 pour l’enregistrent du 3eme album Eviscérer les dieux et on a participé entièrement à la composition et à l’enregistrement de ce 4eme Opus. Le reste du groupe  est composé des membres d’un ancien groupe de prog-rock nommé Absurd qui  avait joué à l’époque avec Ange et Porcupine Tree, à savoir Eric au chant, qui écrit aussi les paroles et Mickael à la guitare, qui compose essentiellement les riffs.

Peut-on donc vous cataloguer comme groupe de hard rock ?

John : hard rock oui, après c’est vrai qu’il y a d’autres influences .Sans me jeter de fleurs, sachant que j’écoute plutôt du death mélodique et du black metal, je pense que j’ai apporté un peu plus de double pédale dans les morceaux que précédemment. Hard rock, heavy à la Iron Maiden, et du Arch Enemy coté guitare, du moins c’est ce que les gens disent lorsqu’ils comparent le son de la guitare et les solos.

Deuxannées se sont écoulées depuis la sortie de votre précédent album, il est donc l’heure de faire le point. Parlez-moi du retour de la presse et du public sur cet album.

John : C’est la première fois qu’on a décidé de faire une vraie promo pour la sortie d’un album, de mettre les petits plats dans les grands. Nous étions déjà venus il y a deux ans, via Base Replica promotion, au Hard Rock café, faire une journée promo, ce qui a permis à beaucoup de médias de nous découvrir pour ce 3eme album. Certains nous découvrent à l’occasion de la sortie de ce 4eme album, ce qui est très bien. On a eu d’assez bons retours, un tirage de 1000 exemplaire quasiment écoulé, et distribué dans les chaines habituelles telles la FNAC, etc… 2 ou 3 ventes également à l’étranger , malgré le fait que notre musique soit francophone , et surtout de bonnes dates qui sont venues ponctuer cette sortie, dont la release partie que nous avons fait en première partie du groupe Ange, qui a bien fonctionné malgré la différence des genres. Le fait que le chanteur d’Ange ait posé sa voix sur ce 3eme album, mais aussi sur le 4eme a permis de toucher une partie du public de ce groupe. On a aussi joué avec ADX à Aix en Provence, on a joué avec Blasphème ou encore Vulcain. Il est vrai qu’on a été très attendu dans un registre de Hard année 80 chanté en français mais nous avons aussi fait de belles dates, comme au Sylak festival, aux côté de ETHS, Destinity ou encore Napalm Death. C’est marrant nous étions le seul groupe français, à chanter en Français et sans voix gutturale, qui plus est un dimanche à 11h00 du matin, et cependant les échos et les retombées ont été très satisfaisants.

Combien de temps avez-vous mis pour composer ce dernier album ?

John : On avait déjà 2 ou 3 morceaux qui ont émergé en 2013, principalement suite à des sessions de répétitions, mais, de manière générale, il est vrai que les compos partent souvent d’un riff de guitare ou encore d’un texte. Je dirais qu’il nous a fallu une année pour boucler la compo de cet album. Depuis il est vrai que j’ai déménagé, je ne réside plus à Bourg en Bresse donc le processus de composition a un peu changé, on travaille beaucoup plus par envoie de fichier sur internet. Je me suis adapté et j’essaye de redescendre  assez souvent pour les répétitions, principalement pour répéter les sets lists de concerts. Ayant eu pas mal de matériel assez finalisé sur maquettes, nous sommes rentrés en studio en novembre  2014 pour une sortie d’album prévue en avril 2015.

Où l’avez-vous enregistré ? Combien de temps cela a-t-il pris ?

John : Nous avons enregistré cet album dans un studio situé non loin de Bourg en Bresse, chez Olivier Didillon  au Record Did Studio. C’est une personne qui vient du live, qui a notamment accompagné divers groupes comme Destinity,  groupe frontal qui a emmené au Wacken. C’est un ingénieur du  son, à la base, qui s’est mis au studio .Initialement, nous voulions travailler avec Mickael Vallesi, ancien guitariste du groupe Furia qui a son studio sur Macon, mais faute de planning, nous nous sommes orientées vers Olivier et nous sommes ravis du résultat. A savoir que pour les 3 albums précédents, ainsi que les 2 albums d’Absurd ont été enregistré et masterisé par Didier Boya, donc grosse première pour nous sur ce point, mais, d’une part nous sommes ravis du résultat, et d’autre part Olivier est quelqu’un qui connait le métal, qui en écoute, qui en a joué lui-même. Là je crois qu’il va sonoriser No Return sur le prochain Hellfest, donc toute cette notoriété qu’il a, cette expérience qu’il a  nous profite bien évidemment et se ressent sur le mixage et donc sur le résultat final de l’album. Il y a eu un gros travail de studio, où on a coupé des choses, où il a proposé des arrangements. Cela s’est surtout passé entre Eric et lui. Nous avons donc commencé en novembre, pour l’enregistrement de chaque instrument en commençant par moi, et nous avons fini fin janvier, début février.


Messaline

Tu disais précédemment que , dans le cas de votre groupe, la composition se faisais à la fois lors des répétitions et aussi à la maison , avec des envois de fichier via Internet. Que penses-tu de cette nouvelle tendance, qui se généralise largement, qui est de travailler à distance ?

John : Ca peut être un «  plus » pour des groupes relativement éclatés géographiquement ou qui ont une famille à gérer et pas forcément beaucoup de temps pour se déplacer en répétition. Autant pour le processus créatif, je ne pense pas que cette méthode soit réellement impactante sur le résultat final, autant, pour l’aspect scénique, il est clair qu’il faut un contact humain, une cohésion, et pour cela, rien ne remplace les répétitions .Evidemment, le travail à distance implique que les membres se connaissent vraiment bien, ce qui est notre cas car nous répétons depuis plusieurs années ensemble à raison d’une à deux répétitions par semaines , car il faut bien assimiler ce que l’autre, de son coté du PC, est capable ou non de faire .

Le titre «  A Jérusalem »  est l’occasion d’entendre un jeu d’harmonisation de deux guitares à la Iron Maiden. Est ce une référence pour le groupe, ou du moins pour le guitariste ?

John : Pas du tout .Je sais qu’il n’apprécie pas spécialement ce groupe. En revanche, il est plutôt branché Amon Amarth et Arch Enemy qui sont des groupes qui utilisent bien le travail d’harmonisation à deux guitares. Ca m’arrange assez car j’apprécie aussi ces groupes !

Qu’est-ce qui t’inspire pour écrire les paroles ?

Eric : La première moitié des textes que j’écris traite de personnages historiques, avec parfois des personnages légendaires, et la seconde moitié traite de personnages et d’histoires que j’invente. Le plus dur, me concernant, c’est de trouver l’idée de la chanson, une fois que c’est fait, ça roule tout seul, je brode, je rajoute des jeux de mots afin de dédramatiser, afin que les chansons ne soient pas trop sérieuses. Les reportages d’Arte sont mes lectures, c’est vraiment ce qui m’inspire.Ca peut partir d’une brève, d un truc que j’ai lu.

En fin de compte, la musique de Messaline a des textes épiques sans en avoir la mélodie, à l’exemple de formations comme Manowar par exemple….

Eric : Oui c’est vrai .Je trouve d’ailleurs que Manowar c’est un peu « daté » et un peu cliché .On essaye souvent de mettre la musique en fonction du texte, donc, si lors d’une chanson la teneur du texte change, on fera en sorte que la mélodie change aussi. C’est le cas sur ce dernier album avec la chanson «  Barbie tue Rick » par exemple, ou la première partie de la chanson plante le décor d’une femme partie aux USA refaire sa vie, avec opération des seins, la totale, donc on a choisi une musique rock américaine pour coller au mieux à ce tableau. Dans la seconde partie de chanson on se rend compte que cette femme a en réalité tué son amant, sous  l’emprise de la drogue,  et l’histoire prend une tonalité un peu épique donc la mélodie amène des chœurs pour « tendre » un peu l’atmosphère.

D’ailleurs quelles sont tes influences au niveau des paroliers ?

Eric : Ce ne sont pas forcément des groupes de métal car peu chantent en français, et Trust, par exemple, a  plus une dimension sociale. En langue anglaise, c’est vrai que Led Zep  parlait du seigneur des anneaux et  partait sur pleins de trucs différents, et je trouve ça intéressant. Mon truc c’est vraiment Hubert-Félix Thiefaine, c’est un maitre d’écriture pour moi.

Et au niveau des lignes de voix ?

Eric : Par rapport à ma tessiture, on me compare souvent au chanteur de Ange, mais moi pour moi le meilleur ça a toujours été Dio, même si je ne pourrai jamais l’égaler, d’ailleurs je n’essaye même pas. Sinon j’aime bien JB de Grand Magus  et certains chanteurs qui nous viennent du Nord. Je ne suis pas branché sur les sons suraiguës à la Rob Halford par exemple, même si je reconnais que c’est bien fait. La voix un peu éraillée de Bon Scott, ça c’est magique ! Il n’avait peut-être pas la technique mais il avait le feeling, l’émotion, et on se rend bien compte que c’est encore ce qui fonctionne le plus lorsque l’on voit, à l’heure actuelle, dans le milieu du heavy, une sur abondance de chanteurs extrêmement techniques, qui montent très hauts et descendent très bas, mais qui ne font pas forcement vibrer les foules. Dans le genre, j’adore Serj Tankian de SOAD, qui, depuis qu’il fait sa carrière solo, chante beaucoup plus avec une voix claire, en mêlant un peu de sa culture Arménienne, ce qui est pour le mieux.

Puisque tu es à l’origine de ce groupe depuis plus de 10 ans, comment vois-tu son évolution ?

Eric : Disons que je ressens la grosse évolution du groupe depuis le changement de line up .De plus, j’ai appris à ne plus renier ce que j’avais pu faire avant avec Absurd , ce qui n’est pas toujours facile, et je pense que cela s’entend sur les nouveaux albums, grâce notamment a des choses assez heavy qu’on avait l’habitude de faire avant. En quelque sorte, cela nous a décomplexés de ce « divorce » musical qui a duré longtemps mais à présent on essaye justement de puiser dans nos racines musicales pour faire évoluer la musique de Messaline, et chaque musicien apporte sa pierre à l’édifice, avec ses propres références, ce qui rend, je le pense, le son de Messaline reconnaissable.

Messaline

Que pouvez-vous me dire sur les dates à venir ?

Eric : Comme tout le monde, on va faire un truc pour la fête de la musique, dans un rade à motards. Ensuite on va faire un festival de viking, qui a lieu du 3 jours, en France, le Ragnard Rock festival. On jouera le dimanche, le même jour qu’Enslaved, ce qui est plutôt pas mal. Il y aura aussi quelques groupes de thrash/death comme Artillery, Aggressor, etc…En septembre, on fait un festival avec Fortunato vers chez nous. Fin septembre on joue avec Ange à Lyon et le 24 octobre on joue avec Satan Jokers à Lyon aussi. Je préfère faire des premières parties de groupes qu’on aime bien, dans de bonnes conditions, que de ramer à faire des dates dans des tous petits bars, comme j’ai pu le faire avec Absurd, et il est clair que je ne plus jamais refaire ça. Je privilégie la qualité à la quantité.

Quel est votre point de vue sur le milieu de la musique en amateur à l’heure actuelle ? Est-ce dur, très dur, impossible ou on fait avec ?

Eric : C’est un peu tout en même temps en réalité .C’est très difficile de trouver des structures parfois. Ensuite il y a de plus en plus de groupes et de moins en moins de salles prêtes à prendre des risques. Les SMAC ( scenes de musiques actuelles ) bookent tous les deux ans un Lofofora ou un Mass Hysteria mais ne prennent plus aucun risque, aucun engagement envers les groupes un peu plus petit car ils veulent remplir leurs 450 places. Le style heavy metal ne vend pas en France, de plus, notre style «  old school » est assez particulier et pas à la mode ; même un groupe comme Nightmare galère a jouer dans ce genre de salles et encore, c’est souvent de la co production mais en aucun cas ils ne font partie de la programmation régulière.

John : Je pense que nous on continue a le faire car on s’en sort et on le fait surtout avec passion car justement on n’a pas la prétention de vouloir en vivre. On ne cherche pas les dates, pour avoir des cachets et faire nos heures d’intermittences ; on travaille tous à cotés et Eric et moi-même avons des emplois du temps qui nous permettent de nous rendre un peu plus disponible pour la musique et s’investir. On peut se permettre de refuser une date si celle-ci ne nous convient pas car on veut que ça reste du bonus, du plaisir, et on ne veut pas avoir à souffrir de la musique.
Eric : Si tu veux vivre du heavy en France, arrête tout de suite, c’est mieux !

Gojira peut être ?

Eric : Et encore, je pense que même pour eux ce n’est pas la vie de château. Ils ont fait les premières parties de Metallica durant un temps, c’est génial pour eux mais ce n’est pas gratuit ! Ils ont du payer cette opportunité à prix d’or, alors si c’est pour faire  200 dates par an pour 1200 euros à la fin du mois, bosser 7/7 , 18h/24  pour ne même pas être sûr de pouvoir mettre de l’argent de côté, je ne suis pas sûr que je le ferai personnellement. J’aime mon confort de vie.

Quels sont vos derniers coups de cœurs musicaux ?

Eric : Le dernier Thiefaine, qui musicalement est moins bon que les précèdent mais qui, au niveau des textes, est vraiment formidable.
John : Rien dans les sorties récentes, mais j’ai redécouvert Paradise Lost  avec grand plaisir .Ou sinon Ghost.



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