Comment sonnerait Volbeat si le fils caché de Lemmy Kilmeister et Paul Di’Anno y prenait le micro, dans une veine un peu punk ? Comme Grumpynators, sans aucun doute ! Après deux EP fort bien accueillis en 2011 et 2013, les Danois poussent le bouchon encore plus loin avec un premier album bien ficelé intitulé Wonderland, même si certaines influences restent encore un peu trop évidentes.
Ce qui marque dès que l'on presse le bouton "Play" de sa chaîne hi-fi, c'est l'élément différenciateur du groupe, bien connu de ceux qui ont déjà vu les Danois sur scène : la basse habituellement présente dans la section rythmique est ici remplacée par une contrebasse, au son beaucoup plus brut et claquant. Que ce soit pendant l'intro du titre "Wonderland", ou bien sur les lignes sautillantes de "Walking In The Night", cette singularité apporte une touche originale, une énergie et une fraîcheur fort appréciables.
Le contrebassiste Jakob saisit même un archet pour le dernier titre, acoustique, "A Life Without You" : ce morceau, beaucoup plus typé FM que le reste de l’album, sonne comme une longue outro à un disque auquel il s’intègre assez bizarrement. Toutefois, cette ultime piste permet d’apprécier le timbre clair du chanteur Emil à sa juste – et grande – valeur.
Deux ambiances majeures se dégagent de la galette, l’une étant très orientée punk, l’autre étant bien plus heavy et reflétant sans doute le temps passé sur les routes aux côtés de Volbeat, groupe avec lequel la comparaison est inévitable.
Les influences punk sont très appréciables, et se retrouvent mêlées à des styles très distants du Londres rebelle des années 80. C’est le cas par exemple sur l’excellent "Burning In The Snow", dont le couplet syncopé, faisant écho au "I Put A Spell On You" du mythique Screamin’ Jay Hawkins, n’est qu’une mise en bouche avant un refrain 100% punk qui aurait presque sa place dans la BO d’un jeu Tony Hawk.
De même, le goût des membres du groupe pour le blues, la country ou encore le rockabilly est palpable en permanence, et crée d’agréables contrastes, sans pour autant compromettre l’homogénéité du disque. C’est en cela que l’opus est une vraie réussite, d’autant que les changements sonores sont tout aussi nombreux, à l’instar des guitares, tantôt acoustiques, tantôt heavy, tantôt à la limite de l’indus sur les riffs bien gras de "Pray For Your Life".
Le chanteur et guitariste Emil a, pour sa part, plusieurs cordes à son arc, et sait varier les intonations sans fausse note. On a déjà évoqué son timbre particulier à la croisée de monstres comme Lemmy ou encore Paul Di’Anno, mais le frontman sait varier les plaisirs, et s’aventurer sur des terrains différents : "The Calling" est pour lui l’occasion d’explorer un registre plus grave et acéré, et de jouer avec une légère distorsion sur la voix, qui souligne les lignes de guitares déjà très heavy et des refrains taillés pour la scène.
Ce dernier titre est très bien ficelé, mais constitue la première occurence d'un sentiment qui se répète régulièrement jusqu'à la fin de l'écoute : le groupe est très influencé par son cousin Volbeat, avec qui il a tourné intensivement. Cette impression est renforcée par la production très similaire entre les deux groupes danois, mais manquant un peu de profondeur et d'ampleur chez Grumpynators.
Parfois on frise le plagiat, pour ne pas dire qu'on saute dedans à pieds joints : ainsi, certains motifs de "The Calling" semblent tirés de "The Nameless Ones" de Volbeat. Au fil de l'album, on se surprend également à penser au titre "Room 24", que Michael Poulsen chante en duo avec King Diamond.
De même, "The Stalker" possède une intro quasi-identique à "Sad Man's Tongue", qui fait forcément tiquer. Bien heureusement, le reste du morceau, s'il est très empreint de cette influence marquée, demeure très réussi : la voix particulière d'Emil confère un rendu propre aux Grumpynators, et un solo plein de feeling vient agrémenter une structure téléphonée qui n'en reste pas moins bluffante d'efficacité.
Pourtant, le groupe sait s'affirmer et afficher son identité, au moyen de titres dans le plus pur esprit rock'n'roll, comme "This Is My Life" dont le refrain est aussi caricatural qu'authentique ("There's only one way to live, but 66 ways to die"). Les guitares sont fort agréables, et malgré un final qui traîne un peu en longueur, le morceau est une vraie réussite. Au milieu de la piste, un pont mid-tempo vient relancer la dynamique et relancer la machine.
L’utilisation de tels breaks au tempo dédoublé est assez récurrente tout au long de l’album, mais on ne ressent pas pour autant de lassitude à leur contact. Certains sont d’ailleurs diaboliquement placés, par exemple sur "Mama No", morceau à l’ambiance encore une fois très rockabilly, qui voit intervenir une cassure rythmique assez hachée, qui prend complètement l’auditeur à contrepied. Efficacité garantie, et à nouveau, un moment qui promet de faire des émules sur scène.
Il est assez difficile d’arrêter un verdict sur cet ensemble aux nombreuses qualités, tant notre jugement est faussé par l’assimilation inévitable à Volbeat. Une telle situation n’est pas nécessairement mauvaise, ni criticable : Airbourne serait à ce train taxé de plagiat d’AC/DC, et aurait sombré après son premier album, ce qui n’est pas le cas.
De plus, les Grumpynators prouvent avec ce premier album longue durée leur capacité à écrire des morceaux accrocheurs, dont la projection sur scène se promet d’être une réussite. Les compositions installent une ambiance très agréable, et sont empreintes d’un groove et d’une énergie qui ne peut que ravir l’auditeur.
Une chose est sûre : on attend avec impatience de revoir passer la formation par nos contrées pour transformer l’essai en live, ainsi qu'un prochain album des Danois, qui aura la lourde tâche de confirmer le beau potentiel du quatuor.