For All We Know, c'est le projet du guitariste Ruud Jolie, bien connu pour être celui du groupe de metal symphonique néerlandais Within Temptation. Quoi, comment ? Encore une de ces formations « metal à chanteuse » qui va sévir ? Que nenni, cela ne sera pas le cas, du moins pas cette fois-ci. Car c'est bien une personne de sexe masculin qui est en charge des cordes vocales et du microphone, un homme connu (mais peut-être n'est-il pas resté dans les mémoires) grâce à Ayreon, à savoir un dénommé Wudstik. Tout d'un coup, ça devient intéressant, mais s'il ne s'agissait que de cela … Le line-up se complète par d'autres membres plus ou moins connus, notamment le français Léo Margarit qui s'implique dans l'affaire derrière les fûts, le bassiste Kristoffer Gildenlöw ayant été un temps membre de Pain of Salvation. Se joignent aussi au cortège Thijs Schrijnemakers en tant que claviériste, et Marco Kuypers est le pianiste.
Tout cela, ça fait du bien beau monde, mais si c'était tout, le projet ne ferait pas autant sensation ? Quoi de mieux pour attirer les foules que des guests ? Des invités, vous en voulez, en voici en voilà ! Ils sont très nombreux, et tous les énumérer prendrait trop de temps, mais parmi les figures de proue à retenir, Damian Wilson (Threshold), Sharon den Adel (Within Temptation), Daniel Gildenlöw (Pain of Salvation) et bien d'autres qui se joignent à l'aventure. Et tout ça, qu'est-ce que ça va donner ? Un album, bien évidemment (la chute était inattendue, n'est-ce pas ?). Alors c'est dès le mois de Mai que vous pourrez profiter de l'opus éponyme de ce rassemblement de « célébrités du metal ». Mais parfois une foule de bons invités ne fait pas bon ménage, comme l'a déjà montré la catastrophe (euphémisme) MaYan. Espérons donc que le script de For All We Know soit de meilleure qualité.
Et Ô surprise, les deux projets stars évoluent dans les sphères du prog. Mais là s'arrêtent toutes comparaisons. L'un est agressif et sans queue ni tête, l'autre est rêveur et charmant, et surtout largement supérieur. Avec le projet de Jolie, on se trouve même dans un registre très rock, parfois prenant le pas sur le metal, et rejoignant Blackfield, Anathema, The Gathering, NeraNature et consorts. Du coup, les 12 morceaux passent sans aucun problème, portés par la voix d'un frontman plutôt doué, et s'il est à déplorer à quelques endroits de petites longueurs, la pierre n'est pas à jeter au sextette, qui à côté de ça propose de beaux moments d'évasion, lors des passages les plus atmosphériques en particulier, où sur une interlude planante. De quoi, en somme, s'octroyer un moment détente, une pause dans une journée trop chargée et se prendre à s'envoler ailleurs, là où le groupe veut bien nous emmener.
Mais ils savent également apporter des touches plus agressives dans leur musique, ce qui passe en priorité par un très fort rehaussement du volume de la guitare, comme on peut le constater sur « Busy Being Somebody Else » ou « Down on My Knees ». Cependant, tout n'est pas rose, et par un manque d'accroche, il est possible d'avoir une petite envie de prendre la fuite. L'ennui n'est pas totalement absent, comme lors de l'enchainement maladroit « Embrace/Erase/Remplace/Embrace »/« Tired and Ashamed »/« Open Your Eyes » est assez difficile, du fait d'un manque de magie, et si les pistes ne sont certes pas mauvaises, elles ne possèdent pas la petite étincelle qui rend le reste attrayant, faisant plonger les titres ci-dessus dans un certain oubli. C'est peut-être ça, l'une des faiblesses de For All We Know : certains morceaux marquent vraiment que, de ce fait, d'autres passent à la trappe sans jugement, et ne réussissent pas à capter autant l'attention que les meilleurs pistes, voir n'y arrivent pas du tout. Du coup, parfois, on regrettera un peu plus d'homogénéité dans l'ensemble.
Niveau vocal, malgré quelques passages un peu difficiles pour le frontman, Wudstik s'en sort correctement, voir même très bien, et procure pas mal d'émotions lors de son interprétation, avec un sens mélodique affiné qui donne une aura et un charisme supplémentaire au chanteur, définitivement fait pour le rôle. Peu de failles donc, à part au moment de hausser la voix où, malgré tout, il coince de temps en temps. Il est aussi capable de nous prouver qu'il peut vraiment surprendre, et cela s'illustrera à merveille sur « Out of Reach ». Quant aux guests vocaux, ils se réunissent sur un seul et même titre, court, acoustique, qui, malheureusement, ne permet pas de tous les mettre en valeur véritablement, ce qui pourtant aurait pu être un atout de taille pour le groupe. Dans cet amas, il est parfois ardu de les distingues les uns des autres lorsqu'ils chantent ensemble, et seule Sharon den Adel, par un timbre très différent, se démarque réellement par rapport aux autres, qui sont bons également. Dommage que l'exploitation de ces derniers ne soit pas excellente, car cela aurait permis d'apporter un souffle de plus au disque.
Les morceaux ne sont pas très homogènes en terme de qualité, et il faut bien avouer que l'auditeur navigue entre quelques pistes dispensables, mais croisera aussi, au détour de sa route, d'excellents titres qui redonnent un titre d'honneur au brûlot. Et dans le brillant, sans conteste, « Busy Being Somebody Else », « When Angels Refuse to Fly » et « Down on my Knees » rayonnent, s'illuminent de milles feux, avec des dorures chatoyantes et des parures agréables, avec refrains mémorisables, possédant un réel travail, une profondeur, une âme, une vie, les rendant à leur manière marquants. Le plus progressif de tous, « Down on my Kness », n'ennuie pas une seconde, bien au contraire, captant son auditoire dès les premières secondes, certes amené par la superbe interlude où les guests se donnent la main et chantent en coeur, mais également grâce à la performance de chaque musicien. Pas de doute, Ruud Jolie a su choisir son line-up. L'émotion est également présente sur la ballade « I Lost Myself Today », morceau atmosphérique du plus bel effet, qui est rejoint par le rock de « Out of Reach ». En fait, ce qui peut paraître étrange, c'est qu'à For All We Know, il est possible de faire le même reproche qu'à Meredead de Leaves' Eyes, à savoir un côté bancal, où les premiers titres sont tous bons, et plus la fin approche, moins l'intérêt à porter est grand. Car à partir de « Save Us... », les choses se compliquent, et sans tomber dans le mauvais, loin s'en faut, on arrive à une partie plus vide, alors que le potentiel des différents membres et leur expérience aurait pu vraiment apporter quelque chose de plus à l'ensemble. Il est ainsi dommage de constater une telle retombée, et leur plus grand défaut sera sûrement de succéder à de somptueuses premières perles. « Nothing More... » est cependant une belle porte de sortie, avec le beau violon de Camilla van der Kooij. Le calme pour terminer, en somme, mais qui ne laisse pas sur sa faim.
Production au top ? La réponse est oui. Le son est très bon, malgré une batterie parfois légèrement en retrait. Tous les éléments sont audibles à merveille, et ainsi, résulte de l'écoute du plaisir, du plaisir et encore plus de plaisir. Tout est prompt à émerveiller, en somme.
For All We Know est un projet ambitieux, tout comme cette première galette l'est. Malgré de petites longueurs et un aspect bancal, le résultat est très convaincant, et dans le genre rock/metal atmosphérique/progressif, la bande à Ruud fait un beau tour de force en imposant l'une des offrandes les plus alléchantes du genre, mais aussi de l'année, avec cette beauté singulière et des titres qui valent vraiment le coup d'être écoutés, au risque de passer à côté de quelque chose d'énorme. Maintenant, si deuxième album il y a, il ne reste qu'à espérer qu'il soit encore meilleur que celui-ci, qui place pourtant la barre très, très haut. Mais le talent et la créativité du guitariste des Pays-Bas nous permettent de placer de grands espoirs. Espérons donc qu'ils se concrétisent, et en attendant, il faut savourer comme il se doit un met raffiné.
Note finale : 8/10
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