Le 17 juin 2011. Fans de Symphony X, retenez cette date, car le 8ème album de votre combo préféré sortira chez Nuclear Blast sous le nom de Iconoclast. Pour l'occasion, nous avons pu converser avec l'ami guitariste et compositeur Michael Romeo. Ce dernier revenant sur les tenants et les aboutissants de ce nouvel opus, dans une ambiance conviviale.
Ju de Melon : Première question traditionnelle, comment te sens-tu quelques jours avant la sortie de ce nouvel album ? Impatient j'imagine...
Michael Romeo : Tu sais, nous avons fourni beaucoup de travail sur ce nouvel opus, alors forcément on a très hâte de le proposer aux gens. On a passé plus d'un an à tout faire pour que les morceaux soient les meilleurs possibles et que l'album soit vraiment au top. Evidemment, on est toujours un peu anxieux à l'idée de sortir un nouvel album, on attend les réactions avec impatience et on espère que cela va plaire à beaucoup de personnes.
D'ailleurs les fans avaient l'air satisfaits des deux nouvelles chansons ("The End of Innocence" et "Dehumanized") jouées en avant-première au Power of Metal Fest, plutôt encourageant non ?
Nous avons pensé que cela pourrait être sympa en effet de proposer de nouvelles chansons inédites en tournée, d'autant plus que l'occasion était ici propice. C'était un peu une première pour nous considérant que la sortie de l'album était encore très éloignée de ces dates... presque 5 mois avant quand même ! On a donc essayé de choisir des chansons pas trop longues et pas trop complexes, des titres qu'on sentait bien avec de bons riffs et un côté accessible à la première écoute. On en avait répété 4 d'entre elles, on les a essayé mais finalement 2 ont été jouées et je pense que "Dehumanized" a eu la meilleure réaction... Bref il me semble que nous avons fait le bon choix.
Iconoclast est donc le 8ème opus du groupe, 4 ans après le précédent Paradise Lost... Comme d'habitude depuis 2002, vous avez pris votre temps pour la composition. Pour quelle raison ici ?
Heureusement cela ne nous a pas pris 4 ans pour écrire l'album (rires), c'est surtout dû à la tournée qui a suivi la sortie du précédent album. On a fait beaucoup de dates, notamment ici aux Etats-Unis pendant de longues semaines, cela nous a pris en gros un peu plus de deux ans de shows et autres formalités du genre. Nous avons essayé d'écrire sur la route, entre deux concerts ou pendant un petit break, mais bon je ne crois pas que ce soit une bonne chose : on est toujours plus ou moins distrait par les évènements à venir ou par ce que nous venons de vivre. Nous travaillons mieux avec du recul et une fois que la tournée est terminée, nous pouvons ainsi mieux nous concentrer sur ce que nous voulons vraiment musicalement pour la suite. Pour Iconoclast, on a d'abord pris un petit temps de repos pour décompresser, et j'ai commencé à écrire quelques trucs lors de l'été 2009. Après, début 2010, tout était plus ou moins composé et nous avons commencé l'enregistrement. 1 an après, tout était terminé, le mix ayant été réalisé en janvier de cette année. Après, ça peut paraître long, mais il faut savoir que cet album contient plus de 80mn de musique, c'est d'ailleurs un double CD. Telle n'était pas notre intention mais on a écrit sans se soucier de la durée et au final il s'est avéré que nous avions 85 minutes de musique à proposer... Il a donc fallu du temps, c'était un peu comme enregistrer deux albums à la fois. Nous ne nous sommes pas précipité et nous voici arrivés en juin 2011... (rires)
Pourquoi avoir choisi ce nom qui est aussi le titre de la chanson d'ouverture d'ailleurs ?
Disons que la chanson "Iconoclast" a été une des première composée, elle existe depuis un certain temps par rapport aux autres. Et ce titre a vite été décidé, nous l'avons de suite beaucoup aimé. De plus, les thèmes de cet opus tournent beaucoup autour de cette lutte entre l'Homme et la Machine, il y a un côté plus mécanique dans les idées qui composent les paroles. La musique ici s'y prête vraiment, ce morceau représente bien l'atmosphère que l'on peut retrouver sur l'album. Le titre est assez "général" et peut s'adapter à plusieurs concepts, y compris religieux, mais nous voulons ici l'étendre à plusieurs thèmes : l'homme doit se battre pour vivre sa vie sans être freiné par quelque croyance que ce soit. Aujourd'hui, la technologie paralyse un peu l'être humain qui se sent un peu esclave de tout ça... Nous avons donc pris pas mal de liberté avec les paroles, et ce morceau s'imbrique parfaitement dans ce concept.
Il est intéressant de noter en effet que ce concept semble ici plus ou moins lier toutes les chansons de ce disque...
Dans chaque disque que nous faisons, nous essayons de de trouver une idée, une atmosphère ou un thème qui va faire faire de chaque album une pièce unique avec sa couleur personnelle. Paradise Lost par exemple était plus sombre, en pleine dualité Bien vs. Mal, et ici nous n'avions pas spécialement décidé de suite du concept mais tout est venu assez naturellement. Les premiers riffs que j'ai écrits m'ont un peu donné cette idée de confrontation Homme vs. Machine, par ce côté mécanique qui ressortait de certains sons. Après nous avons travaillé cela en ce sens, avec des claviers parfois plus "artificiels", des couches supplémentaires de guitare renforçant cette idée, tout ceci avant même les paroles. Du coup chaque titre a ce feeling, cette ligne directrice particulière qui fait de cet album un opus différent des précédents. Pour les paroles, nous n'avons pas voulu écrire une grande histoire, nous avons plutôt opté pour divers sujets reliés à cette idée générale. "Iconoclast" par exemple a un côté science-fiction à la Terminator si on veut, d'autres sont plus des témoignages sur comment nous interagissons sur Internet par exemple, le titre "Children of a Faceless God" étant centré sur les réseaux sociaux tels que Facebook ; donc plus basé sur la vie réelle ici... Au final tout sonne comme différentes parties d'un tout plus global, sans véritable concept mais avec une thématique directrice bien précise.
L'album se conclut par une chanson assez mélancolique au titre quelque peu pessimiste ("When All Is Lost"), cela représente-t-il ton point de vue sur le fait que l'homme ne peut triompher face aux machines et aux dieux qu'il s'est lui-même créé ?
En effet, ce titre semble un peu sombre et n'est pas très optimiste vu comme ça. La musique ici est plus triste, donc les paroles se lient directement à cette atmosphère et ne peuvent pas raconter une histoire "positive". Le côté dramatique est ici présent mais ne constitue pas un conclusion précise en soit, c'est ainsi que nous avons décidé de terminer le disque sans pour autant offrir une vision pessimiste définitive... Chacun peut avoir son interprétation sur le sujet, mais il semble clair que l'homme aura de toute façon du mal à se séparer de l'aspect technologique désormais.
Sur le plan musical, comment s'est déroulé le processus de composition ? Comme à l'accoutumée ?
Depuis deux albums, je pense que notre musique s'est tournée vers un son plus heavy, plus torturé. Je m'occupe de la majeure partie des compositions, globablement je suis seul à travailler sur les morceaux pendant 3 ou 4 mois et ensuite j'arrive vers le groupe avec des bases de travail déjà assez complètes. J'essaye de trouver ce son qui va faire de l'album quelque chose d'unique, ainsi j'enregistre quelques démos et je gère une pré-production afin que les gars du groupe aient déjà une idée précise de là où je veux en venir. Ensuite, nous nous réunissons, nous écoutons et discutons des détails. Chacun propose des évolutions ou variations selon son instrument, et ensuite nous commençons à enregistrer. Et y compris en enregistrement, tout reste ouvert : chacun peut apporter de nouvelles idées et donc les chansons continuent d'évoluer, même en studio. On écrit encore certaines parties au moment de l'enregistrement.
Parlons justement de l'enregistrement. S'est-il déroulé parfaitement, sans accroc ?
Ici on peut dire que tout s'est déroulé en douceur, sans gros souci majeur. On répète bien avant d'entrer en studio afin justement de bien connaître les morceaux avant de les enregistrer, cela nous aide vraiment. Ainsi on peut ensuite penser et passer aux arrangements, aux expérimentations qui nous viennent en tête au moment où les prises sont effectuées. Evidemment, cela prend du temps car nous testons pas mal de choses et, comme je viens de te le dire, nous écrivons parfois quelques parties en studio pour modifier telle ou telle chose. Nous jouons sur le côté spontané, nous préférons faire évoluer les choses en studio plutôt que de travailler de longs mois avant en répétitions afin de tout peaufiner. Ainsi au final la composition et l'enregistrement sont souvent deux processus assez liés entre eux pour Symphony X. En tout cas tout s'est très bien passé, la seule chose qui a pris du temps c'est l'enregistrement en lui-même car nous avions beaucoup de chansons et de matériel à mettre en boite. Nous n'avons pas cherché à limiter cet opus dans le temps, nous avons beaucoup écrit et du coup le résultat final s'avère assez long.
Jason Rullo a récemment dit dans une interview (pour le site chromatique.net) que tu étais une sorte de boulimique de composition, que t'avais plein de riffs inédits dans tes tiroirs...
(Rires) En effet j'ai pas mal de dossiers ici et là avec plein de riffs ou compositions qui n'ont jamais vu le jour ! Le fait est que lorsque tu sais où tu vas quand tu composes pour un album, il y a beaucoup de matériel musical qui se retrouve ainsi écarté... De ce fait il y a pas mal de riffs composés qui sont mis de côté et parfois "oubliés". Pour cet album, on voulait quelque chose de heavy et assez agressif, avec ce côté mécanique dont je t'ai déjà parlé, du coup j'ai très vite senti ce qui serait bon ou pas pour l'album. Je pense ici avoir utilisé le meilleur de ce que j'ai pu produire pendant ce travail de composition, le choix n'a pas forcément été difficile à faire.
Penses-tu un jour te servir de ce matériel inédit pour d'autres projets ou revenir dessus pour de futures compositions comme tu l'as peut-être déjà fait d'ailleurs ?
Revenir dessus je ne pense pas, quand je compose un album pour Symphony X je préfère partir de zéro avec des idées neuves. Tout simplement parce que j'ai à chaque fois un but assez précis en tête. Cependant, il y a des riffs que j'ai écrits un peu comme ça, pas forcément dans l'optique d'un album, qui pourraient être réutilisables un jour... Pourquoi pas un album solo guitare d'ailleurs ? J'avoue que j'y pense, peut-être courant 2012 si le temps me le permet. Car ça va forcément me prendre de longues heures à chercher et sélectionner ce que j'ai déjà fait... Cependant je garde ça dans un coin de la tête, j'ai vraiment envie de refaire un album solo.
Niveau tournée, une nouvelle aventure commence, mais quels souvenirs gardes-tu de celle qui vient de se terminer avec Nevermore (NDLR : Le Power of Metal Fest dont nous avions couvert l'étape parisienne) ?
C'était une expérience vraiment sympathique, malgré un côté "sur la route" assez étonnant car on a eu parfois pas mal de chemin à parcourir entre deux shows... Mais globalement tout s'est bien passé, c'est pour cette raison également qu'on a vite décidé de jouer de nouvelles chansons. Les autres groupes à nos côtés étaient cool, même si malheureusement on sentait quelques tensions au sein de Nevermore... On les connait depuis des années et c'est vraiment dommage que ce soit terminé ainsi d'ailleurs avec le départ de Jeff (Loomis) et Van (Williamsà. D'ailleurs ils ont dû annuler leur présence pour le US Tour, du coup on a fait sans eux...
Tu es aussi passé par la Tunisie (en tête d'affiche du Festival Méditerranéen de la Guitare), un moment rare et précieux j'imagine !
En effet ! Disons qu'au départ on était un peu effrayé à l'idée de jouer là-bas vu qu'une révolution venait de s'y produire, on ne savait donc pas trop où on allait... Mais une fois sur place, tout le monde nous a accueilli chaleureusement et l'ambiance était parfaite. Tout était bien organisé et le show s'est parfaitement déroulé devant des fans partucilèrement enthousiastes. Un bon moment qu'on gardera parmi nos souvenirs.
Et pour la prochaine tournée, sera-t-elle longue et passera-t-elle par la France ?
On va commencer par l'Amérique du Sud la semaine prochaine, ensuite on fera une petite pause à la sortie de l'album. Cet été, nous allons répéter un nouveau set avec de nouvelles chansons et un nouveau show. Nous seront fins prêts en septembre-octobre pour la tournée européenne, et bien sûr nous repasserons très certainement en France avec une nouvelle énergie. Ensuite, nous visiterons l'Asie, l'Australie...
Symphony X a une bonne histoire avec la France, beaucoup de gens vous aiment ici...
On s'est toujours sentis très à l'aise dans ce beau pays qu'est la France, au fil des années on prend chaque fois plus de plaisir à y revenir jouer. Les fans que nous rencontrons là-bas ainsi que les gens qui nous font jouer sont véritablement des gens biens. Je crois même que la France est le premier pays étranger que j'ai fait pour la promotion du groupe au début de notre carrière ! Avant même le Japon... Franchement, le public là-bas nous a toujours soutenu, à une époque même où nous étions pas forcément très reconnus dans notre propre pays. Je me rappelle de chaque show donné en France et franchement c'est toujours un plaisir que d'y retourner.
Plus généralement, quelle est ton opinion sur la scène metal actuellement ? Comment vois-tu son évolution ?
Ta question est très intéressante et représente un vaste débat, dur de savoir par où commencer (rires)... Prenons l'exemple des Etats-Unis où il y a une évolution très positive concernant le metal. Il y a quelques années, nous ne pouvions quasiment jouer nulle part, notamment dans les années 90... Du coup on ne jouait pratiquement qu'au Japon ou en Europe. Depuis, les choses ont changé, et désormais nous pouvons jouer un peu partout. Quant au futur du metal et ses groupes légendes ? Hmmm qui peut dire ce qui va arriver ? C'est impossible je pense. Il y a de plus en plus de très bons groupes mais qui pourra supplanter les Iron Maiden ou Metallica ? Va savoir, ni toi ni moi ne pouvons deviner je pense.
As-tu quelques coups de coeurs musicaux récents à nous faire partager ?
Disons que c'est difficile car quand je suis en mode composition et enregistrement, je fais toujours très attention de ne pas trop écouter de musique afin d'éviter d'être trop inspiré. Je préfère me concentrer sur mes idées... Du coup à ce moment-là je reste sur mes vieux classiques tels que Black Sabbath ou de la musique symphonique orchestrale. Ensuite, il y a le facteur temps, quand tu enregistres tu n'as pas une minute à toi et donc très peu le temps de te détendre avec de la musique... Cependant, nous avons rencontré les gars de Nuclear Blast sur la dernière tournée et ils nous ont laissé pas mal de CDs à écouter, donc à voir même si je n'ai pas encore eu le temps de m'y pencher.
Merci beaucoup Michael, un dernier mot pour les nombreux fans français de Symphony X ?
Merci à toi et merci à eux justement, je voulais leur dire qu'ils étaient les meilleurs et que nous adorons les voir quand nous venons ! La France est un peu comme une seconde maison pour nous. On espère donc que le nouvel album sera apprécié, et on vous remercie d'ailleurs pour votre patience car on sait qu'on s'est un peu fait attendre encore une fois... Bref, on croise les doigts même si on est persuadé que vous saurez apprécier cet album, et on vous donne rendez-vous à l'automne !
Live Report du show de Symphony X à L'Elysée Montmartre (2011)