Vendredi 18 juin, 0h50 - Temple
A concert I won't forget
Depuis quelques années, Shining s’est imposé comme un groupe avec un son unique, quelque part entre indus, black metal et jazz, particulièrement grâce à des concerts dantesques menés par des musiciens débordant d’énergie et de talent, à commencer par le meneur de la formation, le chanteur/guitariste/saxophoniste Jorgen Munkeby. Pour ce Hellfest 2015, ils prenaient un pli insensé en étant placés au dessus de Satyricon et Cradle of Filth sur l’affiche. Certes, cet ordre des groupes était sans doute dû à des problématiques d’emploi du temps, en plus du fait que le créneau était difficile, car Slipknot jouait en même temps. Shining a donc tout donné pour convaincre le public qu’il n’avait pas fait le mauvais choix en venant sous la Temple !
Après l’énorme prestation de Meshuggah, il fallait vraiment avoir un feu intérieur pour rassembler ses dernières forces et aller sur l’autre scène. Mais bon sang, Shining en tête d’affiche de la Temple, c’était un rêve, un fantasme inavoué pour bien des mélomanes qui se réalisait ce 18 juin. Sur ce point précis, on ne peut que saluer les programmateurs du Hellfest, même si encore une fois, on peut se douter que ce n’étais pas par pure philanthropie. Passons. Devant leur belle bannière orange, qui est d’ailleurs obsolète puisque le groupe a maintenant changé de logo, les musiciens entrent sur scène avec « The Madness and The Damage Done » qui donne le ton instantanément. Ca part dans tous les sens, dans un espèce de mélange qui ressemble à du prog anarchique et dissonant. Il y a parfois un effet de trop plein : trop de notes, trop de chaos, mais c’est paradoxalement cela aussi qui contribue au charme de la musique de Shining.
Le son est vraiment très puissant ce soir, ce qui sied particulièrement à la puissance des compositions du combo norvégien, même si malheureusement, le clavier est quasiment inaudible en étant placé à la console. Il y a eu visiblement du changement de personnel depuis la dernière fois que nous les avions vus en 2013, mais rien à dire, cette nouvelle mouture en impose toujours autant ! Il faut noter que la Temple est relativement vide par rapport à sa fréquentation habituelle à cette heure, mais il y a tout de même un monde respectable compte tenu de leur notoriété et des autres groupes jouant en même temps. Visiblement, la tournée avec Devin Townsend et Periphery a eu des effets bénéfiques : le groupe est encore plus affuté et précis qu’à leur habitude. Jorgen est toujours charismatique, et se met maintenant à ajouter du scat dans ses parties de chant. A la batterie, l’ex-Leprous Tobias Ørnes Andersen est étincelant, avec un jeu toujours plus original et vitaminé. Il est devenu une pièce maîtresse de Shining, tout comme il l’était chez les lépreux.
Evidemment, l’ambiance devient fiévreuse dès que Jorgen empoigne son saxophone pour nous faire don de son jeu unique, véloce et racé. Ayant séduit des musiciens aussi divers que Marty Friedman ou Ihsahn, Jorgen prouve ce soir qu’il sait allier performance musicale de qualité avec une présence scénique électrisante. Alors qu’une partie de l’audience est encore à regarder le quintet d’un air médusé, on observe malgré tout de plus en plus de personnes qui sont convaincues par le combo avec le groove possédé de « Fisheye ». Mais le véritable tournant du concert se fait lorsque le chanteur annonce qu’ils vont jouer trois nouveaux titres de leur album à paraître cet automne. Il nous donne aussi la date de sortie du disque en disant « vous êtes les premiers au monde à le savoir ! ». Le premier morceau est introduit par un solo de sax bien couillu et dissonant, avant de laisser places à des rythmiques lourdes et plus lentes qu’habituellement avec Shining sur One One One et Blackjazz.
Les nouvelles compos sont en fait plus épurées, avec moins de notes, des structures plus simples, directes et rentre dedans. Et bon sang, ça marche du tonnerre de Thor ! Cet album s’annonce très bien, et s’il est du même tonneau que ces trois extraits, on peut a priori affirmer que c’est la galette qui signera la consécration définitive (et méritée) des Norvégiens. Tic tac, tic tac, le temps défile. Jorgen demande s’il y a des amateurs de jazz dans le public. Les rugissements des festivaliers éreintés lui donnent une réponse claire. On voit donc le groupe se lancer dans une jam, vraisemblablement préparée à l’avance, en guise d’introduction furieuse au moment que tout le monde attendait : le final avec la reprise de « 21st Century Schizoid Man» de King Crimson. Et là, rien ne va plus, les corps ne font qu’un avec les décibels, et les notes de cette version blackjazzée du morceau qui est l’acte de naissance du mouvement musical progressif. Shining aura donc réussi son pari en donnant un concert brillant, pour conclure une magnifique première journée de cette édition 2015 du Hellfest. Un concert à ranger parmi les anthologiques du festival, sans aucun doute.
Setlist :
The Madness and the Damage Done
The One Inside
Fisheye
My Dying Drive
Chords long stand (première en concert)
Last Day
Thousand Eyes
HEALTER SKELTER
21st Century Schizoid Man (reprise de King Crimson)
I Won't Forget
Reportage par Tfaaon (Facebook)
Photos : ©2015 Thomas Orlanth
Toute reproduction interdite sans autorisation écrite du photographe.