Qui n'a jamais entendu le nom de Symphony X parmi les amateurs de metal ? Vous, là, assis derrière ? Alors commençons par le commencement : tout commence il y a de cela des années et des années … au départ, de jeunes musiciens qui formèrent un groupe. Puis un premier opus, un éponyme, un premier espoir, un premier jet, une première pierre dans le grand édifice du futur géant. Et puis soudain c'est Russell Allen qui arrive, à la place de Rod Tyler, et là commence une nouvelle ère, un âge d'or pour les américains, une période de grande prospérité, parsemée de joyaux qui brillent de milles feux, un certain The Divine Wings of Tragedy en particulier. Et puis s'est installée, gravée dans le marbre, la légende de ce groupe mystérieux dont tout le monde parle, dont les histoires se transmettent de générations en générations. Mais l'histoire n'est pas terminée et, de nos jours, ces étrangers personnages agissent toujours dans l'ombre, en concoctant … de nouveaux albums !
Car, outre-Atlantique, se trame un terrible méfait, prêt à rentrer peut-être dans l'histoire du metal, du moins, c'est ce qui est souhaité par ses créateurs, 5 savants diaboliques qui fignolent le projet Iconoclast dans leur laboratoire sombre et effrayant, un 8ème brûlot, financé par le terrible label Nuclear Blast et dors-et-déjà prêt à conquérir le monde, du moins, au moment fatidique qu'est le 17 Juin 2011, là où vous vous ruerez pour obtenir l'objet tant convoité par vos désirs les plus profonds et les plus secrets. Tout est à savoir maintenant si le charme opérera.
Premier constat s'imposant, Symphony X vient de subir une mutation, il faut dire que sa pochette l'annonçait quelque peu. A la volonté de Michael Romeo, les nouvelles pistes sont efficaces, directes, avec un côté plus heavy mis en avant, au détriment du néo-classique et de la grande partie symphonique d'antan, ce qui divisera sans aucun doute les fans et les adeptes. Ceux qui ne sont pas prêts à un tel remue-ménage de la part des américains décrocheront très probablement. Si Paradise Lost amorçait déjà un tournant assez mauvais dans l'opinion de quelques fans, il y aura de fortes chances pour que l'accroche ne se fasse pas pour ces mêmes fans. En revanche, si c'est le cas contraire, alors vous serez en toutes dispositions capables de vous réjouir sur ce Iconoclast. L'opus fait preuve d'une grande maîtrise, où les titres sont, dans leur grande majorité, d'une efficacité peu soupçonnée, et la recette est certes différente, le pouvoir jouissif que procure l'écoute d'un opus de ce combo est toujours le même. Amateurs de prog technique, vous serez servis, car malgré la durée de l'oeuvre, peu de longueurs sont à dénoter, et les solos sont tout aussi bons qu'ils l'étaient par le passé, les compères n'ayant en rien perdus de leur habileté pour se servir de leur instrument respectif. Ces aspects restent toujours les mêmes, au grand bonheur de certains.
En revanche, tout n'est pas oublié, le quintette ayant amorcé certes une nouvelle étape dans sa musique, mais les éléments du passé n'ont pas été mis complètement de côté, comme le titre éponyme en témoigne. Sur un fond assez direct, voir presque brut, des passages plus empruntés au neo-classique ou des choeurs se greffent sur la partition (que l'on retrouvera aussi sur « Heretic »), et force est de reconnaître que le tout se mélange plutôt bien, avec une aisance propre au groupe. Pour autant, on peut parfois regretter le fait qu'il manque quelque chose de réellement épique, qui prend complètement aux tripes et donne envie de se réécouter le titre encore et encore. Oui, il est un peu déplorable de voir qu'une certaine homogénéité puisse régner en maître dans l'offrande. Mais le côté positif peut être souligné malgré tout, car si parfois on pouvait retrouver un ou deux intrus, des dispensables en somme, ici, rien n'est à jeter, chaque pièce vient compléter le puzzle. Et puis, il subsiste quand même quelques refrains bien tubesques, avec une capacité à faire headbanguer qui n'est pas négligeable. Le plaisir, voilà bien une qualité qui n'aura pas été oubliée, et aidé par une production plus qu'irréprochable, nickel jusqu'au bout des doigts, ce sentiment vient chatouiller les oreilles en toutes circonstances. Au détour d'un riff ou d'une astucieuse ligne de chant, l'univers des cinq hommes, bien que nouveau, se dessine et plonge l'auditeur en son intériorité. Le son est plus moderne, les guitares se veulent plus sombres, froides et industrielles (« Deshumanized » en est une belle illustration), sacrifiant une grandiloquence passée sur l'autel d'un aspect direct prononcé. Pour autant, il faut bien avouer que ça reste fort heureusement aussi bon, de quoi rassurer.
Cette évolution est très perceptible dans le chant même de Russell Allen, qui, malheureusement, simplifie lui aussi sa manière de chanter. Non pas que cela soit mauvais, bien au contraire, car le frontman excelle véritablement dans les partitions qui lui sont offertes, avec ce timbre de voix si unique et plein d'émotion, notamment sur la ballade « When All is Lost », où, accompagné d'un piano, il délivre une prestation magnifique. Mais il aurait été plus appréciable de le voir encore une fois jouer de sa voix, tenter de nouvelles choses, et moins se cantonner à ce registre grave, heavy et rentre-dedans. Cela dit, dans ce rôle, sa dextérité est quasi-impressionnante, et ce n'est pas pour rien que moult individus qualifient l'américain de meilleur vocaliste actuel dans le metal. Techniquement parlant, même s'il n'est plus aussi démonstratif, il est vrai que ses capacités vocales lui permettent toujours d'accomplir de grandes choses, même dans une cloison plus restreinte.
Il n'y a pas à craindre de régression au niveau des morceaux. Enfin, une petite quand même, s'il est à considéré le fait qu'aucun ne sort du lot en comparaison avec tous les autres. Néanmoins, et cela est une force, pris séparément ou écoutés les uns à la suite des autres, il n'y a pas de mauvaises surprises. Ainsi, au détour d'un « Iconoclast » d'ouverture agréable et au refrain plus simple, plus direct, collant au concept voulu par le guitariste himself, l'être humain face à la machine et à la technologie, avec cet entêtant « we are strong, we will stand and fight ! » à l'accompagnement choeurs masculins virils, le format plus court de « Bastards of the Machine » permet d'en profiter pleinement. « Children of a Faceless God » a un petit quelque chose de rafraichissant, avec un léger thème discret, au clavier, que l'on retrouve aussi sur d'autres morceaux, notamment « Iconoclast ». Le refrain est dans l'accalmie, moins direct, ce qui lui permet d'être plus en marge et donc de profiter d'une aura qui lui est propre. Le mordant d'un « Electric Messiah » n'a bien rien à envier aux compositions précédentes, et même à celles des époques antérieures, le refrain dispose d'un capital sympathie important. Incroyable mais vrai, la ballade est franchement réussie, non seulement car malgré sa simplicité apparente, la sauce prend, mais parce qu'en plus de cela, le charismatique Allen est empli d'émotions, et la magie opère immédiatement. Une beauté de plus sur ce catalogue fort intéressant.
Oui, Symphony X se découvre un nouveau visage, arbore un masque qui lui est encore inconnu, où les motifs vénitiens ont été substitués par des câbles électriques, par ceux d'une machine. Mais après avoir fait peau neuve de la sorte, le combo ne lasse toujours pas, et montre son talent en réussissant un virage osé, là où tant de comparses n'auraient fait long feu. Certains regretteront, les autres adoreront, ce Iconoclast divisera, c'est tout à fait sûr. Et pour autant, le verdict ne peut que féliciter la qualité de la galette proposée, corrigeant quelques petits défauts, changeant d'autres qualités, perdant un charme pour en regagner un autre, une mue plus heavy. Alors que l'inspiration semble être en panne chez certains, le groupe d'outre-Atlantique lève la tête vers le ciel et promet le sommet. Et si ce n'est pas le paradis qui est offert, le substantif est parfaitement convenable.
Note finale : 8,5/10