Ils sont de retour, et ils ne sont pas contents, les six membres de Draconian ! Ils se font voler la vedette en ce moment dans l'univers étriqué du doom, il faut dire que leur absence est plutôt regrettée après un Turning Season Within en demi-teinte, bon mais décevant au vu du potentiel que l'on connaît à la formation suédoise qui brille par sa qualité et son inventivité, et ce tout en reprenant les ficelles d'un genre que Theatre of Tragedy se sera évertué à magnifier.
C'est pour cela que Napalm Records va donner un petit coup de main à ce groupe qui manque à ses fans, et aux autres aussi, les curieux qui veulent un peu de froideur et d'obscurité en ces temps où le soleil est au zénith (sauf si vous avez de la pluie) et où la chaleur est insoutenable. Alors les scandinaves vont vous faire une fleur, une rose pour être précis, car le nom de ce nouvel album, c'est A Rose for the Apocalypse, nom qui colle tout à fait à l'univers que l'on connaît si bien à nos chers amis de Suède. Encore faut-il apporter la froideur et la noirceur espérée avec un come-back réussi. Pari gagné ou non ?
Comme le dit si bien l'expression, c'est dans les vieux pots que l'on fait les meilleures confitures. Sauf que ce proverbe, Draconian ne l'appliquera pas en reprenant une recette bien plus similaire à ce qui a été fait sur l'opus précédent, plutôt que de se tourner vers son passé. Et encore une fois en faisant mentir cette phrase toute faite, car le suspens se brise immédiatement, l'opus est dans sa globalité très convaincant et annonce ce que l'on espérait, à savoir un retour gagnant pour les suédois. Malgré tout, le sextette revient légèrement à cette vieille tradition de réutiliser ses racines anciennes, à savoir de créer une musique très occulte, ésotérique et difficile d'accès, possédant toujours ce charme sombre, cette beauté froide qui fut un peu perdue sur le précédent essai au profit de quelque chose de plus convenu et facile d'accès bien que toujours de très grande qualité. Là, le groupe mélange ces deux aspects avec des morceaux qui parviennent à prendre dès les premières écoutes (« The Last Hour Ancient Sunlight », « End of the Rope »), et d'autres qui au contraire demandent beaucoup plus d'attention et de persévérance, à l'instar de « Deadlight » ou d'« Elysian Night ». Et ces pistes plus difficiles se révèlent généralement les plus intéressantes et les plus riches, beautés doom à l'état pur qui captiveront les fans de la première heure et ceux qui découvriront la formation avec ce nouvel opus.
Cela dit, les scandinaves devraient faire attention car il se trouve qu'en utilisant à nouveau une formule auparavant usitée dans le passé, un léger effet de redondance ou de répétition peut se faire sentir, et cela au sein même du brûlot, notamment sur l'enchainement « Deadlight »/« Dead World Assembly » qui ne saute pas aux oreilles directement, créant parfois un petit espace de vide, un ventre mou, la seconde nommée n'étant pas aussi agréable, n'ayant pas le même effet que la première, dommage, même si elle n'est pas mauvaise, loin s'en faut. Fort heureusement, le doom goth des suédois est totalement conservé dans son esprit originel, à savoir une musique lente et lancinante, typée belle et la bête comme Theatre of Tragedy, avec une voix féminine presque sous forme de complainte et ce growl si puissant et caractéristique. Cela dit, on pourra certainement avoir un regret sur le manque de prise de risque dans cet album. Les six compères ont préférés se reposer sur leurs acquis sans innover réellement, et même si l'ambiance est toujours très majestueuse, si ce brûlot reste supérieur à son prédécesseur, si le mélange éthéré et puissance est toujours de mise, cette non-évolution à de nombreux points pourra laisser un tantinet pantois, donner une sensation de gêne : et si nos amis du nord de l'Europe n'étaient plus capable de proposer et de s'essayer à quelque chose de plus original, de plus personnel ? Car possédant avant le trône du doom, cette année là, les portugais d'Ava Inferi et leur excellent Onyx feront vaciller et même tomber A Rose for the Apocalypse. Enfin, on peut toujours se rassurer, car le groupe nous fait passer un bon moment à l'écoute de cette nouvelle offrande, la galette ayant un bon goût malgré tout, sans sentir le réchauffé ni le cramé.
Et le duo constitué d'Anders Jacobsson et de Lisa Johansson fonctionne toujours à merveille. Le chanteur est toujours aussi imposant et son growl force le respect par sa puissance, son charisme et sa dimension sombre et noire, qui colle parfaitement à la musique et aux paroles du groupe. Comme d'habitude, le jeune homme se taille la part du lion et se retrouvera même seul sur « Wall of Sighs », sans sa chère Lisa pour l'accompagner. Cette dernière, d'ailleurs, continue la tendance amorcée sur l'opus précédant, et est bien plus présente que sur les vieux albums. Une bonne nouvelle car son chant est encore plus beau et expressif que par le passé, apportant cette touche de lumière nécessaire pour amorcer le contraste, toujours avec ce timbre si charmant et délicat, une dimension très aérienne, moult émotions se dégagent de cette voix magnifique. On regretterait presque qu'elle ne soit pas un peu plus présente, qu'elle ne réussisse pas à s'imposer un peu plus face au mâle dominant, mais les deux vocalistes livrent d'excellentes prestations qui méritent d'être remarquées. Cela dit, il faut avouer que sur le dernier titre où Anders chante seul, Lisa, elle, nous manque un peu, car sans ses belles cordes vocales, la musique se fait un poil plus monotone.
Quant aux titres, ils peuvent être séparés en deux catégories, ceux qui sont plus facile d'accès et ceux qui, au contraire, nous laissent de glace aux premières écoutes et demandent de s'y attarder, de rentrer dedans pour finalement être éblouis de leur magie. Dans cette seconde partie se retrouve la perle de l'album, celle qui rayonne littéralement, à savoir la superbe « Elysian Night » digne des plus grands morceaux du groupe, chargée en magie et en énergie noire, avec toujours l'aspect fantomatique de la belle Lisa, qui donne mystère et émotion à la piste. Et plus globalement, tous les titres de « Dead World Assembly » jusqu'à « Wall of Sighs » peuvent être placés ici, mais se démarqueront du lot « The Quiet Storm » et « The Death of Hours » tandis qu'au contraire, « Wall of Sighs » malgré son beau violon et « Dead World Assembly » produiront moins d'effet, avec moins de surprises, restant plus prévisibles, un mot qui n'entrait pas dans le vocabulaire de description de Draconian jusqu'à Turning Season Within. Et les autres sont bons aussi, peut-être parfois moins mais d'autres au contraire, par leur facilité d'accès, restent longtemps en tête, surtout la superbe piste d'introduction qu'est « The Drowning Age », l'une des têtes de liste, avec un superbe refrain, une chanteuse qui excelle véritablement, une vraie atmosphère, le tout avec un côté plus simple qui fait tout de suite mouche. « The Last Hour Ancient Sunlight » est sympathique aussi, mais sans plus, sentant un peu le titre qui aurait pu se retrouver sur l'opus qui précède, une version un peu améliorée de « Seasons Apart » en gros. « End of the Rope » est agréable, mais un peu trop fade, on a connu le groupe en plus grande forme, ceci dit, le titre est quand même bon, et l'ennui se dissipe au moment où la belle intervient en réponse à la bête. Enfin, « Deadlight » remonte bien le niveau et montrera la face gagnante du groupe.
Partagé, c'est le sentiment qui ressort à l'écoute de ce nouvel opus. Incontestablement, le groupe nous livre un bien bel album, avec une musique enchanteresse aux ambiances sombres et intrigantes, mais cependant, en se reposant un peu trop sur ses lauriers, Draconian n'arrive tout simplement pas à exceller et de la part du combo, on se doute que le résultat final aurait pu être un brin supérieur à ce qui est proposé sur A Rose for the Apocalypse qui, s'il s'agit d'un bel album, n'est pas un disque d'exception, n'étant pas doté du même sens du détail et de la finesse, de ces traits gothiques qui donnaient toute sa beauté à la pièce maîtresse du combo, Arcane Rain Fell. Certes plus abouti que le précédent brûlot, l'auditeur pourrait être en droit d'attendre beaucoup mieux. Mais interdiction de bouder son plaisir car la sensation agréable est quand même là, ce qui sauve en très grande partie cette nouvelle offrande. Allez, sur la prochaine, on souhaite un peu plus d'innovation, de recherche, car pour le moment, c'est Ava Inferi qui marquera plus l'année.
Note finale : 7,5/10