"J'ai vraiment vendu mon âme au metal !"
Max Cavalera est un homme très occupé. Avec trois groupes à son actif, le thrasher enchaîne les sorties et nous parle maintenant d'Archangel, 10e album de Soulfly. Nouveau concept et nouvelle approche pour cet artiste en renouvellement constant qui n'en finit pas d'assouvir sa passion pour la musique, sans tourner le dos à son premier groupe à succès : Sepultura.
Tout d'abord, Max, merci de nous accorder cette interview. Comment te sens-tu avant la sortie de Archangel ?
J'ai hâte de voir comment les fans réagiront, parce que je suis très content de cet album. Je le trouve très puissant. Nous avons déjà pu faire quelques concerts en France avant la sortie, on n'a pas joué beaucoup de chansons d'Archangel, on n'a fait que "We Sold our Souls to Metal" et tout le monde chantait déjà en choeur avec nous.
C'est d'ailleurs votre premier single issu de l'album, peux-tu nous en parler ?
Elle a tout pour être un classique de Soulfly. C'est une chanson rapide et simple comme j'aime écrire, à la manière de "L.O.T. M.", "Porrada" ou "Frontlines". C'est marrant, ça m'a pris 30 ans pour parler de metal directement dans mes paroles. Maintenant j'ai enfin trouvé l'inspiration pour en parler, avec un titre qui pourrait être de Manowar ! [rires] Le riff principal a été inspiré de Cannibal Corpse, j'ai ensuite demandé à Zyon de jouer de la batterie le plus vite possible sans faire de blast-beat. Le riff du refrain a une humeur plus punk, à la manière de Black Flag. Du coup, c'est intéressant de mélanger ces deux influences, c'est d'ailleurs ça qui a fait le thrash : le mélange du punk et du metal. Et le final peut rappeler Pink Floyd, c'est assez inhabituel et c'est aussi ce qui rend cette chanson cool. Je ne compose pas de chanson comme ça tous les jours, du coup, quand ça marche, j'en suis très heureux.
Cet album est très varié, comment en es-tu venu à ce résultat ?
Je pense que cet album est un de mes disques les plus exotiques. Les éléments tribaux des premiers albums de Soulfly ont été remplacés par des éléments bibliques, nous avons travaillé sur de nombreux effet sonores avec Matt Hyde, il y a des cornes, d'autres sons apocalyptiques et je change aussi un peu ma voix dans Sodomites et Titans. J'y parle de pas mal d'évènements liés à la Bible, comme la destruction de Sodome, le Massacre des Innocents à Bethléem ou la guerre des anges dans Archangel. Dans "Ishtar Rising" et "Shamash", je parle aussi de mythologie orientale. Toute cette partie du monde qui constitue maintenant l'Irak et l'Iran est très intéressante et j'ai décidé de me pencher sur ses racines. Cet album est très complexe, il contient beaucoup de couches. Je n'ai jamais pris autant de plaisir à travailler sur un album depuis Prophecy.
Tu as aussi déclaré qu'Archangel était l'album le plus mysitique de Soulfly depuis Prophecy, peux-tu nous en dire plus ?
C'est surtout par rapport aux sujets, dans "Bethlehems Blood", "Sodomites" ou "Ishtar Rising", il y a plein d'éléments mystiques. Je ne suis pas 100 % sûr de ce qu'il s'y est passé parce que je n'y étais pas, mais je m'y intéresse. Je m'intéresse aussi à faire un parallèle avec ce qui se passe de nos jours, à connecter le passé avec le présent, afin d'avoir une vision différente du futur. Il y a aussi beaucoup de références religieuses dans des langues différentes, avec, par exemple, une prière en araméen dans l'intro d'Archangel, qui est la langue que parlait Jésus. Il y a aussi d'autres passages en latin. Ça fait donc plusieurs éléments mystiques qui parcourent l'album, qui ont d'ailleurs plu à Matt Hyde, on a pas mal travaillé dessus, vu qu'il avait aussi travaillé sur God Hates us All de Slayer et The Satanist de Behemoth. C'était le meilleur pour faire ça. Du coup, on s'en est donné à coeur joie sur l'aspect mystique et fait en sorte que chaque chanson compte.
A l'opposé de cet aspect mystique, on a une musique très brutale qui fait contraste. Comment as-tu géré ces deux opposés ?
La brutalité provient de mes influences, de ce que j'écoute : Hour of Penance, Benighted, Nails, Melechesh, Celtic Frost, Dark Angel, Possessed… Ces groupes m'influencent en ce moment et changent à chaque album, mais je suis content que Soulfly maintienne sa facette brutale. Cet album est plus rapide que Savages, je préfère comme ça et je suis content du résultat. En plus de ça, je suis content que l'album soit court, tu peux l'écouter d'un coup sans t'ennuyer. Je n'ai pas fait ça exprès, je ne me suis pas chronométré en l'écrivant, mais je pense que c'est le temps parfait pour ce disque.
Comme d'habitude avec Soulfly, nous avons des invités dans l'album, comment les as-tu choisis ?
Ce sont des groupes que j'aime écouter, j'ai invité Todd Jones de Nails qui ajoute de la brutalité à Sodomites. Il me fallait une voix comme celle de Todd pour faire cette chanson. Ce mec est allé encore plus loin et sonne comme un dieu vraiment en colère, il s'est dépassé. J'ai aussi rencontré les gars de King Parrot en Australie et Matt Young est un vrai personnage, du coup j'ai été les voir quand ils sont passés à Phoenix aux États-Unis et le lendemain, ils étaient à Los Angeles, du coup je l'ai fait enregistrer "Live Life Hard", qui parle de la vie en tournée, du fait de prendre un chemin plus compliqué en choisissant le metal au lieu de la pop parce qu'on aime. J'aime beaucoup son style vocal. King Parrot est un groupe pour faire la fête, qui ne colle pas avec un thème religieux, du coup, je pense qu'une chanson sur notre vie était plus appropriée. Sur cet album, j'ai choisi de privilégier des groupes plus jeunes, alors que sur Savages, il y avait Neil Fallon de Clutch. Si ça se trouve, j'aurai Phil Anselmo et Willie Nelson sur le prochain ! [rires]
Sur la dernière chanson, "Mother of Dragons", on a affaire à une réunion de famille, avec Richie et Igor, qu'est-ce que ça fait ?
Cette chanson parle de ma femme, qui est surnommée la mère des dragons. Ça date d'avant la série Game of Thrones, pas mal de gens pensent que je parle de ça, mais non ! Je pense que c'était cool de lui écrire une chanson thrash cool. Chacun a écrit sa propre partie des paroles et j'adore la manière de chanter de chacun, je suis très fier de nos enfants. J'espère qu'on pourra jouer "Mother of Dragons" sur scène plusieurs fois. Pour la fin, nous avons invité Anahid, une chanteuse iranienne, pour faire le pont entre le metal occidental et le metal oriental. Elle a une voix bien brutale, si bien que j'ai du mal à croire que ce soit une fille qui chante. A la base, cette chanson était brutale de bout en bout, mais nous avons ajouté cette partie lente pour que la chanson fasse plus d'1m30.
Archangel est le 10e album de Soulfly, qu'est-ce que ça fait d'en avoir sorti autant ?
Ça fait du bien. Comme une longue carrière, même si j'ai l'impression d'avoir formé Soulfly hier, alors que ça date de 1998, avec tous ces albums, Primitive, Prophecy, Dark Ages, Conquer… qui ont tous leur propre personnalité. Au début, c'était tribal, après c'est devenu plus thrash, Enslaved lorgne plus vers le death, Savages avait plus de groove. Je ne pensais pas faire 10 albums avec Soulfly, mais on a réussi. Je pense que maintenant, on peut un peu lever le pied et je pense que le prochain album sera un live, qu'on va essayer d'enregistrer dans un endroit exotique, comme ça, je peux faire une pause dans l'écriture et attendre quelques années avant de sortir un nouvel album de Soulfly. Surtout qu'on n'a jamais sorti d'album live à proprement parler. L'édition limitée d'Archangel comprend un DVD du concert du Hellfest 2014, j'ai trouvé ce concert très puissant, même sans artifice. Nous sommes venus avec nos guitares et notre metal et c'est ce que le public voulait. Ce concert est un de mes préférés de Soulfly.
Qu'en est-il du projet de ne plus jouer de chansons de Sepultura avec Soulfly ?
En ce moment, nous en jouons deux, "Refuse/Resist" et "Roots Bloody Roots", pour les fans les plus hardcore. Mais on a déjà fait une tournée aux États-Unis sans rien jouer de Sepultura et personne ne s'en est plaint. Soulfly se suffit à lui-même, avec ses propres fans qui n'ont rien à faire d'une reformation de Sepultura. Je pense que c'est plus cohérent de jouer du Sepultura avec Igor dans Cavalera Conspiracy.
Cette reformation est-elle quelque chose sur laquelle vous avez travaillé ?
Non, j'attends de voir ce que les gars vont décider. Ce serait pas mal de faire ça l'année prochaine, pour les 20 ans de Roots. Si jamais Sepultura se reforme, c'est cool, je ne peux pas savoir, je n'ai pas ma boule de cristal, mais sinon, tant pis, ce n'est pas grave, je suis déjà bien occupé avec Soulfly, Cavalera Conspiracy et Killer Be Killed.
Tu parlais de faire une pause dans l'écriture de Soulfly. Est-ce que tu prendras une pause pour les autres groupes ?
Oui, pour tous mes groupes. Je prendrai un peu de temps pour ma famille, je n'ai pas été en vacances en 15-16 ans et lever un peu le pied, parce que ces dernières années, je ne me suis pas arrêté et ça m'a un peu vidé. En même temps, j'adore travailler et j'adore être occupé. J'espère que la prochaine tournée de Soulfly sera longue, qu'elle prendra toute l'année prochaine et qu'on puisse jouer partout dans le monde. Un break sera aussi bon pour la musique, plus tu attends, plus tu agglutines des idées et des influences. Je pense qu'espacer les sorties est bénéfique pour les albums. Je n'ai pas arrêté d'enchaîner les albums avec Killer Be Killed, Cavalera Conspiracy et Soulfly. Du coup, c'est le moment de souffler, pour moi comme pour les fans, c'est bien pour eux de ne pas faire une overdose de Max ! [rires]
Du coup, avec tous ces groupes et ces albums que tu as sorti au cours de ta carrière, quelle est la chose la plus importante que tu aies apprise ?
C'est important d'aimer ce que tu fais et de suivre ton instinct, plutôt que la mode. C'est comme ça que tu peux accomplir ce que tu fais et c'est comme ça que j'ai pu faire grandir continuellement ma passion pour le metal. C'est super de vieillir et de te rendre compte que la musique te passionne encore plus. J'en vois qui vieillissent et qui se ramolissent. Je ne comprends pas ça, je veux toujours plus de brutalité et de vitesse. J'ai vraiment vendu mon âme au metal ! Je suis irrécupérable. Le metal m'a sauvé la vie, m'a sorti du Brésil et m'a donné tout ce que j'ai et m'a fait ce que je suis aujourd'hui.
Photo live : © 2014 Nidhal Marzouk
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