Metal et prison : partie 2
Il est maintenant temps de clore le chapitre Alcatraz pour 2015. Le festival belge a cependant encore de nombreux groupes sous le coude. Avec une journée plus extrême que la précédente, la variété est encore au rendez-vous, avec Sabaton qui prend la suite de Venom ou Behemoth qui joue juste avant Accept. La qualité est tout de même toujours au rendez-vous, quand les problèmes techniques ne s'en mêlent pas.
D-A-D
Au réveil, un bon groupe de hard rock sans prise de tête est appréciable. Alors que le soleil est déjà bien haut dans le ciel flamand, les Danois de Disneyland After Dark sont prêts à présenter leur set enjoué et entraînant pour accrocher les festivaliers qui remplissent peu à peu la pelouse d'Alcatraz.
Pour cela, le chanteur Jesper Binzer se montre très proche du public pendant toute la durée du concert, vient le toucher à la barrière et n'hésite pas à le faire chanter quand il le faut, notamment pendant le tube incontournable "Sleeping my Day away" qui clôt le set de la plus belle des manières.
La communication est aussi bien présente entre les membres du groupe, avec Jesper qui s'amuse à faire chanter le batteur Laust Sonne, pendant que les autres membres bougent de part et d'autres de la scène, notamment Stig Pedersen, qui s'éclate avec une basse pourvue d'un revêtement en forme de missile.
Fort de musiciens de talent et d'une musique fun, D-A-D fait office de hors d'oeuvre parfait pour attaquer une journée qui promet pourtant d'être haute en couleurs.
Powerwolf
Place maintenant à Powerwolf, groupe allemand de power metal (comme son nom l'indique) dont la forte imagerie ecclésiastique a eu le temps de faire le tour de l'Europe. C'est le cas pour la Belgique également, car le public se masse devant la scène, comprenant de nombreux fans, mais aussi des curieux.
Force est de constater que la formule marche sur les Belges. Les refrains sont repris en choeur, et ce avant qu'Attila et Falk Maria Schlegel ne viennent chauffer l'assistance en guise d'introduction pour "Werewolves of Armenia". Il faut dire qu'avec des tubes en puissance comme "Resurrection by Erection" ou "Sanctified With Dynamite", le groupe est tranquille pour son public.
Pourtant, Attila ne lâche pas ses fans et continue la communication entre les morceaux, notamment en leur demandant s'ils combattent la pop avec Powerwolf avant "Army of the Night". Toujours dans sa capacité à imiter les rites chrétiens, le frontman s'amuse à faire une parodie de messe, avec encens, avant le titre final "Lupus Dei", ce qui provoque de nombreux rires dans l'assistance.
Avec un show carré et réglé au cordeau, Powerwolf reste sur ses acquis et ne s'écarte pas de son chemin. Étant donné que le public est toujours aussi réceptif à leur délire, le groupe semble avoir définitivement trouvé sa voie.
Setlist :
Sanctified With Dynamite
Coleus Sanctus
Army of the Night
Amen & Attack
Armata Strigoi
Resurrection by Erection
Werewolves of Armenia
Blessed & Possessed
We Drink Your Blood
Lupus Dei
Death DTA
On passe maintenant au premier groupe extrême de la journée, et pas des moindres. Les américains qui rendent hommage à l'oeuvre de Chuck Schuldiner, considéré comme l'un des pères du death metal, sont prêts à délivrer un set brut de décoffrage, sans oublier de rendre compte de la recherche derrière cette agressivité.
De fait, aux titres bourrins que sont "Pull the Plug" ou "Zombie Ritual" se mêlent des morceaux plus recherchés et alambiqués comme "The Philosopher"ou "Suicide Machine". Ainsi, sur un set de 50 minutes, Death DTA couvre l'ensemble de la discographie du groupe. Le set est donc varié, même si tous les morceaux joués sont issu des sets joués lors de la précédente tournée européenne.
Sur scène, le groupe se démène avec un son puissant, mais qui garde ce grain, l'empêchant ainsi d'être trop propret. Les membres sont peu mobiles et peu communicatifs, hormis quelques apostrophes de la part du bassiste Steve DiGiorgio. Le but est de rendre hommage à la musique, uniquement à la musique.
Ainsi, l'interprétation est au poil. C'est notamment le cas de Bobby Koelble, qui se montre bien plus appliqué dans ses solos par rapport à la dernière date parisienne du quatuor. Si quelques ratés subsistent sur "Pull the Plug", on ne peut lui retirer la beauté de son interprétation sur le final mélancolique de "Crystal Mountain".
Sans esbroufe, Death DTA a su convaincre le public belge en interprétant de manière tout à fait pertinente la musique de Chuck Schuldiner, avec un Gene Hoglan bien en forme derrière sa batterie et un Max Phelps tout à fait en voix.
Setlist :
The Philosopher
Suicide Machine
Overactive Imagination
Spiritual Healing / Within the Mind
Symbolic
Bite the Pain
Zombie Ritual / Baptized in Blood
Crystal Mountain
Pull the Plug
Annihilator
Annihilator a fait de nombreux déçus en ce dimanche. Si les deux premières chansons annonçaient un concert de qualité, avec un Jeff Waters de retour au chant principal, le groupe quitte la scène après un interlude, pour ne plus jamais revenir.
Jeff Waters a ensuite expliqué via Facebook qu'il s'agissait d'un problème d'accordeur, qui a empêché le groupe de pouvoir accorder sa guitare. Des excuses ont été présentées et le leader pense que c'est la première fois que le groupe doit interrompre un concert de cette manière.
Il ne reste plus qu'à tenter de les revoir lors de leur prochaine tournée cet automne.
Setlist :
King of the Kill
No Way Out
Carcass
L'annulation d'Annihilator a permis au festival de rattraper son retard. Ainsi, Carcass commence en avance pour délivrer à son public une heure de death metal clinique et magnifiquement bien exécuté. Cela commence par un son impeccable, tout en précision et en finesse, "comme à la maison", diront certains.
Avec un tel son, le talent des musiciens est prêt à être apprécié à sa juste valeur. Ainsi, Bill Steer se montre toujours aussi soigné dans son interprétation, en délivrant des solos mélodiques fins, qui contrastent avec ses riffs brutaux. Avec Ben Ash, ils se renvoient la balle avec une aisance déconcertante, tout en se montrant mobiles.
Derrière sa basse, Jeff Walker vocifère sa rage sans jamais défaillir, avec ce timbre aigre et puissant à la fois. Autre contraste, entre les chansons qui parlent d'autopsies et de putréfaction, le frontman fait toujours preuve de bonhomie et de second degré so british, répondant avec amusement à une fan qui le demande en mariage avec une pancarte ou en ironisant sur les t-shirs Sabaton portés par de nombreux fans.
Côté setlist, le groupe s'amuse à ne plus commencer avec "Buried Dreams", mais avec "Unfit for Human Consumption", qui fait très bien l'affaire. Toujours décidé à mettre en avant Surgical Steel, le groupe s'éclate à représenter chaque album, en laissant chanter Bill sur "Exhume to Consume", avant de faire péter ses influences moins extrêmes sur "Keep On Rotting in the Free World", issu du sous-estimé Swansong. Les tubes tels qu'Incarnated "Solvent Abuse" et "Heartwork" sont toujours de mise, pour le plus grand bonheur des moshers.
Toujours à cheval sur la qualité, Carcass s'éclate sur scène et communique sa joie avec son public, qui n'en finit pas de l'acclamer.
Setlist :
1985 [sur bande]
Unfit for Human Consumption
Buried Dreams
Incarnated Solvent Abuse
The Granulating Dark Satanic Mills
Cadaver Pouch Conveyor System
Captive Bolt Pistol
Noncompliance to ASTM F 899-12 Standard / This Mortal Coil
Exhume to Consume
Reek of Putrefaction
Black Star / Keep On Rotting in the Free World
Corporal Jigsore Quandary
Ruptured in Purulence / Heartwork / A Congealed Clot of Blood
Behemoth
Finie la bonhomie et le second degré des Anglais, place au rituel musical des Polonais. Après avoir tourné sans relâche dans le monde pour promouvoir The Satanist, Behemoth ne se lasse toujours pas de son dernier disque et continue de le mettre en avant dans ses concerts, ce dont les fans ont l'air de raffoler.
Le show est rodé et la setlist ne bouge pas, mis à part l'ajout de "Messe Noire" par rapport aux sets de 2014. Sinon, le groupe semble avoir trouvé sa formule, en répétant les mêmes gimmicks, comme l'embrasement de torches en intro, le fameux "It feels great to be alive" avant "Conquer All" et le final sombre et travaillé sur "O Father O Satan O Sun!", cette fois sans cotillons. En revanche, les jets de flammes sont toujours de mise sur "Ora Pro Nobis Lucifer".
Si le show ne change pas, l'exécution est toujours parfaite. Nergal, en bon leader au centre de la scène, éructe avec toujours autant de rage, en laissant parfois la parole à son bassiste Orion pour certaines superpositions vocales. Coté musique, tout est en place, Inferno est toujours aussi agressifs avec ses toms, Seth et Nergal assurent les parties de guitare sans problème et Orion tient la rythmique avec une basse toujours aussi présente.
En 2015, il est difficile de ne pas citer un festival metal ou une ville dans laquelle Behemoth n'a pas joué. Cependant, voir un concert aussi bien exécuté et tout en puissance procure toujours ce sentiment de satisfaction.
Behemoth ne change pas, mais fédère toujours autant.
Setlist :
Blow Your Trumpets Gabriel
Ora Pro Nobis Lucifer
Conquer All
Messe Noire
Ov Fire and the Void
Alas, Lord Is Upon Me
At the Left Hand ov God
Chant for Eschaton 2000
Rappel :
O Father O Satan O Sun!
Accept
Entre deux groupes extrêmes, une pause heavy metal s'impose. Et qui de mieux pour représenter le heavy pur et dur allemand qu'Accept ? Une heure de concert, carré et sans bavure, avec un mur d'amplis attend le public belge, prêt à chanter à tue-tête les refrains accrocheurs qui ont marqué tant d'esprits.
Ainsi, la setlist n'oublie pas les tubes indispensables que sont "Princess of the Dawn" et "Metal Heart", entre autres, qui font toujours autant d'effet. Il en est de même pour l'intro "Heidi Heido" de "Fast as a Shark", et les nouveautés ne sont pas boudées. Les headbangs sont donc aussi de mise sur "Final Journey" et "Teutonic Terror" et la mélodie accrocheuse de "Stalingrad" a toujours autant de succès.
L'orchestre, fort de deux nouveaux membres à la guitare rythmique et à la batterie, est carré et se démène toujours aussi bien. Le leader Wolf Hoffman brille toujours de mille feux dans ses solos soignés et pertinents, pour mieux écraser la foule avec ses riffs implacables. Son second, Peter Baltes, fait toujours autant de merveilles à la basse.
En revanche, on peut regretter que Mark Tornillo se montre en petite forme vocale. Le frontman américain peine de plus en plus dans les aigus, sans être catastrophique pour autant. Une fatigue qu'on espère passagère, car le chanteur a encore de nombreuses dates qui l'attendent cette année pour promouvoir Blind Rage.
Comme Behemoth, Accept est carré et reste à sa place, en conservant un show efficace. En restant là où on l'attend, le groupe allemand contente ses fans avec du bon vieux heavy. On n'en demande pas plus.
Setlist:
Stampede
Stalingrad
Restless and Wild
Final Journey
Princess of the Dawn
Pandemic
Fast as a Shark
Metal Heart
Teutonic Terror
Balls to the Wall
Bound to Fail [sur bande]
Venom
Retour à l'extrême avec un autre des groupes fondateurs : Venom. Les trois Anglais ont un peu plus d'une heure pour délivrer leur set et montrer aux belges qu'ils sont encore à la page. Pour cela, quelques titres récents, tels que "Long Haired Punks" et "Hammerhead", sont joués et montrent que, malgré les changements de line-up, le groupe a su garder une certaine rage.
Mais la setlist est orientée old school avant tout, décevoir les vieux fans aurait été une erreur à ne pas commettre pour Cronos et ses deux compagnons. Ainsi, les indispensables "Welcome to Hell" et "Black Metal" sont là, de même que "Countess Bathory", remise dans les setlists cette année. Les amateurs du groupe sont aux anges, on ne rigole pas avec Venom.
Devant la scène, rictus de sortie, Cronos s'éclate à courir partout pour chauffer le public. Le leader se montre mobile et charismatique, en plus d'être parfaitement en voix pour être capable de se l'arracher sur les 13 morceaux joués. Il se fait un peu aider en rappel par Nergal de Behemoth, qui fait une apparition sur "In League With Satan".
Aux côtés de Cronos, La Rage assure tout le travail à la guitare, assénant riffs agressifs et solos anarchiques (pas toujours des plus propres) tout en restant mobile afin d'occuper un maximum l'espace de la scène d'Alcatraz, chose peu aisée pour un power trio, mais réussie pour Venom.
Avec un show digne de ce nom, avec pyro et son adéquat, Venom s'est montré fort convaincant sur le festival Belge.
Old bands die hard !
Setlist :
Rise
Die Hard
Hammerhead
Long Haired Punks
Buried Alive
Resurrection
Welcome to Hell
Pedal to the Metal
Countess Bathory
Warhead
Black Metal
Rappel :
In League with Satan
Witching Hour
Sabaton
Il est temps maintenant de fermer le festival Alcatraz, avec un groupe qui n'y avait jamais joué auparavant : Sabaton. Fort d'un succès non négligeable en Belgique, le groupe suscite de nombreuses attentes, la preuve avec le volume sonore des cris du public, qui augmente drastiquement lors de l'intro de "The Final Countdown".
Comme à leur habitude, les Suédois débarquent en trombe sur "Ghost Division", avec un Joakim Broden en pleine forme qui mène son panzer sans jamais faillir, même s'il fait preuve d'humilité lorsqu'il complimente le public belge : "Je prends toujours un petit shot de whisky sur scène en Belgique, parce que bous me rendez nerveux ! "
Le groupe rend bien aux belges leur ferveur, en y jouant pour la première fois "No Bullets Fly", et aussi en y ajoutant quelques imprévus, comme "Swedish Pagans", commencée par le guitariste Thobbe Englund, qui est vite repris par le public. Mais les Belges ne s'arrêtent pas là et continuent de chanter la mélodie à plusieurs reprises au cours du concert.
Le show est aussi à l'avenant. Si Sabaton a maintenant un gros tank sur scène et l'expose fièrement, il est en plus nourri à la pyro, comme le groupe précédent. Mais les musiciens sont aussi très à l'aise pour faire le show aussi, prenant des poses improbables, notamment Joakim et son légendaire grand écart, en plus de son charisme qui n'en finit pas de convaincre le public du festival.
Toujours aussi à l'aise avec son nouveau line-up, Sabaton s'éclate sur scène et fait preuve d'une bonne humeur significative. Forts d'un franc succès en Belgique, les Suédois s'en sont donnés à coeur joie pour faire péter le heavy metal et donner la meilleur conclusion possible à cette édition mémorable du festival Alcatraz.
Setlist :
Europe - The Final Countdown [sur bande]
The March to War [sur bande]
Ghost Division
To Hell and Back
Carolus Rex
No Bullets Fly
Swedish Pagans
Wolfpack
Resist and Bite
Far from the Fame
Panzerkampf
Screaming Eagles
The Art of War
Attero Dominatus
Rappel :
Night Witches
Primo Victoria
Metal Crüe
Dead Soldier's Waltz [sur bande]
Masters of the World [sur bande]
Écrit avec Ormagodden
Photos : © 2015 François Lampin
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