Sur le papier, la soirée organisée par Stoned Gatherings promettait déjà d'envoyer du lourd: Black Tusk, Wo Fat et Crowbar réunis sur la même scène dans le seul but d'enflammer le Glazart en plein mois d'août. Autant dire que dans les faits, c'était encore mieux. Le show tout en poils et en sueur offert par les trois groupes a en effet tenu toutes ses promesses, illuminant alors le dimanche soir de spectateurs venus en nombre pour l'occasion.
Black Tusk
19h30 pétantes, le public est en place, une bouteille de whisky trône fièrement devant la grosse caisse de la batterie et Black Tusk entre en scène pour le début des hostilités. Les trois Géorgiens attaquent avec l'incisif « Iron Giants ». Le trio, à l'enthousiasme communicatif, balance un véritable mur du son devant un public immédiatement réceptif.
La chaleur se fait déjà étouffante dans la salle, mais rien ne semble pouvoir arrêter Black Tusk et son déferlement de riffs, lancés à toute allure. Une véritable dynamique résulte du partage des parties de chant, tantôt hurlées par le guitariste, le bassiste ou le batteur.
« Gods on Vacation », un tout nouveau titre qui paraîtra sur le prochain album, nous est également dévoilé au cours du set. Concrètement, rien de nouveau sous le soleil de Savannah, Black Tusk n'a visiblement pas décidé d'évoluer d'un pouce, puisque ce court extrait nous laisse entrevoir un album dans la droite lignée des précédents opus.
Malgré tout, le public en redemande. Le power trio se donne clairement à fond, avec un minimum de pauses et une énergie croissante. L'excellent « Red Eyes, Black Skies » est déballé à toute vitesse et à aucun moment l'excitation ne redescendra, que ce soit devant ou sur la scène. Tandis que « Crossroads and Thunder » et ses riffs rugueux surchauffe une bonne fois pour toute la salle, le fédérateur « Bring Me Darkness » emporte le public, qui se met à scander avec ardeur un « 6!6!6 ! » en choeurs avec le groupe.
Le son de Black Tusk est crasseux et brutal, exempt de raffinement ou de quelconque fioritures. Jusque-là lancé à toute blinde, le groupe s'accorde enfin une pause.
En hommage à Jonathan Athon, l'ancien bassiste du groupe tragiquement décédé l'an dernier dans un accident de la route, Andrew Fidler et sa team avalent une gorgée de whisky. Le public se joint à eux par des applaudissements. Les trois compères se délectent ensuite de quelques gorgées d'eau vraisemblablement vitales, bien que vivement huées par la foule. Un show tout en subtilité, donc, qui se poursuit avec un « Truth Untold » des plus énervés.
C'est Corey Barhorst qui remplace désormais Jonathan Athon à la basse. Ayant déjà officié chez Kylesa, il se fond parfaitement dans l'univers au sein duquel évolue Black Tusk. Les multiples sourires complices que l'on peut apercevoir entre Andrew Fidler et lui durant le concert prouvent que ce dernier a bien trouvé sa place dans le groupe.
Black Tusk termine son set avec le puissant « In Days of Woe ». Si le show est resté assez linéaire, ou du moins, sans aucune nuance, personne n'est déçu. Le groupe aura su ouvrir cette soirée avec vigueur.
Wo Fat
C'est ensuite au tour de Wo Fat de fouler la scène brulante du Glazart. Changement d'ambiance et d'attitude. Les trois gaillards, moins tatoués mais tout aussi poilus que leurs prédécesseurs, paraissent en tout cas bien plus calmes et sérieux que ces derniers. Le groupe fignole ses balances mais au bout de quelques minutes, les musiciens tout comme les spectateurs commencent à s'impatienter...
Le chapeau de cowboy de Kent Stump posé sur la tête d'ampli Marshall, le concert peut commencer. Wo Fat envoie enfin son premier morceau, « The Black Code », devant un public qui se montre toujours aussi réceptif. Le son lourd et puissant des trois Texans fait immédiatement apparaître les tout premiers slammeurs de la soirée.
Ce n'est donc pas avec Wo Fat, ses morceaux groovy et ses solos fougueux que la température redescendra. Bien que la voix de Kent Stump soit malheureusement difficilement audible, on se laisse tout de même transporter par la prestation du groupe à laquelle l'audience semble unanimement adhérer.
Il faudrait être sacrément difficile pour ne pas se laisser transporter par l'aura particulière et l'aspect envoutant des compositions de Wo Fat. Si leurs albums studio sont déjà excellents, cette performance live a de quoi convaincre les plus sceptiques.
Les morceaux sont longs et approchent pour certains le quart d'heure, mais la vitalité des trois musiciens donne à chaque note sa force et sa raison d'être, rendant impossible une quelconque redondance. Wo Fat sait tenir son public en haleine, « The Conjuring » nous en apporte d'ailleurs la preuve tandis que la fosse bouillonne.
« Read The Omens » est balancé avec groove. Le son de basse est bien présent et apporte ce qu'il faut de lourdeur aux compositions, sans que l'atmosphère ne soit trop pesante. Le groupe est à l'aise, visiblement heureux de jouer à Paris ce soir. Les trois musiciens, au même titre que les spectateurs, semblent savourer chaque instant du set, amusés par les mouvements de foule. En effet, si on peut penser que la musique de Wo Fat ne s'y prête pas réellement, l'ambiance est telle que quelques pogos émergent ici et là.
Crowbar
C'est vers 22h que les papas de la scène sludge font leur apparition. Quelques minutes pour terminer les balances et Kirk Windstein annonce la couleur : « We are fucking Crowbar from New-Orleans and we do one thing every night but we do it right. That's kick your fucking ass, so here we go ! ». Dès le premier riff de « Sever the Wicked Hand », le public se déchaine littéralement.
Il faut dire que Black Tusk, Wo Fat et leur musique de fou furieux ont assez bien chauffé l'ambiance. Il fait chaud, très chaud. Kirk d'ailleurs avoue dès le second morceau qu'il s'agit très certainement du concert le plus chaud de leur tournée. Ce n'est en tout cas pas parti pour s'arranger.
Arborant un chant et une barbe reconnaissables entre mille, Kirk lance des regards hargneux à son audience. Ce dernier rugit aussi puissamment que sa voix caverneuse le lui permet sur « All I Had (I Gave) », reprit en choeurs par un public toujours aussi enthousiaste, qui connait visiblement le morceau sur le bout des doigts. Kirk reste très concentré sur son manche tandis que ses trois acolytes envoient la purée avec un savoir faire made in New-Orleans.
Tommy Buckley martyrise ses fûts sur l'intro de « Walk With Knowledge Wisely », seul morceau de leur dernier album, Symmetry in Black, qui sera joué ce soir. Kirk et Steve Gibb, toujours complices, déploient leurs riffs affutés en parfaite symbiose. Le son est bon et nous permet de savourer dans les meilleures conditions les morceaux pachydermiques du groupe, qui s'enchaînent à une vitesse folle, mais à puissance égale. Le Glazart aura ni plus ni moins fait office de four géant ce soir-là. D'ailleurs, la légende raconte qu'il était possible de faire cuire ses merguez sur le bord de la scène, sous les riffs gras et brûlants de Steve.
La fameuse reprise de Led Zeppelin « No Quarter » est elle aussi de la partie. Kirk annonce déjà la fin du set, mais non sans une pointe d'humour. Il est formel : pas la peine de venir le voir après le concert pour prendre une photo si on n'achète pas de t-shirt ! L'excellent bien que déchirant « I Have Failed » se charge de clore le set, tandis qu'un joyeux bordel perdure dans la fosse, sous le regard satisfait du groupe.
Crowbar sort de scène. Tant bien que mal, les spectateurs applaudissent, hurlent et rappellent les quatre musiciens. Alors qu'on n'y croyait plus et que le public commençait à se disperser sous les lumières rallumées, Crowbar réapparait. Tout le monde retourne alors à sa place, en sueur, pour le grand final.
Le public frémissant s'est alors chargé de se séparer en deux sans qu'on ne lui demande rien, dans l'attente de l'ultime morceau et d'un bon wall of death des familles. Un très efficace et attendu « Self-Inflicted » lancé à toute blinde fait donc office de rappel.
Crowbar nous aura donc offert un show dans les règles de l'art, carré du début à la fin et sans fausses notes. Au final, même si cette prestation s'est révélée sans grande surprise, avec un set aux allures de best-of et un enchaînement presque mécanique, la soirée est restée jouissive.
Setlist :
Sever the Wicked Hand
Planets Collide
All I Had (I Gave)
To Build A Mountain
The Cemetery Angels
Walk With Knowledge Wisely
High Rate Extinction
Conquering
No Quarter
Existence Is Punishment
New Dawn
I Have Failed
Rappel : Self-Inflicted
Photos : ©2015 Fanny Storck
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