Oeuvrant toujours dans un doom metal aux influences gothiques de facture classique, Angellore confirme avec son deuxième album tous les espoirs placés en lui depuis Errances, son précédent effort.
Au programme de La Litanie des Cendres : cinq morceaux à la composition et aux arrangements soignés et un vrai plaisir d'écoute.
Le cap du deuxième album est une étape souvent difficile lorsque l'on s'est déjà fait remarquer par une première sortie tout à fait convaincante. On se sent obligé de valider son talent, on a peur de décevoir. Tout groupe placé face à cette situation a plusieurs choix possibles : soit produire un copier/coller de ce qu'il a déjà proposé comme carte de visite (et souvent dans ce cas décevoir) et donc jouer la sécurité, soit partir à l'aventure en expérimentant ou en changeant de style, au risque de se mettre en danger. Ou alors tout simplement creuser un peu plus la musique présentée sur son premier album, la développper pour l'enrichir un peu plus. Option choisie par Angellore, formation née en 2007 en Avignon qui oeuvre dans un doom/death enrobé d'atmosphères gothiques, style qui a trouvé son apogée au milieu des années 1990.
Les sudistes s'étaient fait connaitre en 2012 avec Errances, première véritable sortie après quelques démos et eps, qui en sept titres proposait une musique à la fois puissante et mélancolique, évoquant les grands anciens britanniques ou nords européens.
Et voici que ce 24 août 2015 arrive chez le jeune label suédois Shunu Records La Litanie des Cendres, titre choisi en référence au poète maudit Emile Nelligan, qui lui se résume en cinq pistes. Cinq morceaux comme cinq chapitres d'un livre. Un ouvrage au romantisme noir que l'on se plait à dévorer de nuit, lorsque l'esprit cède aux rêveries mélancoliques.
Dans l'interview accordée à La Grosse Radio Metal, Walran, une des deux têtes pensantes formant Angellore avec Rosarius, cite comme nouvelles influences des combos plutôt portés sur le funeral doom comme Aquilus et Mournful Congregation. Même si la musique des Avignonais ne retranscrit pas l'euphorie que peut provoquer la naissance d'un nouveau jour, elle n'en est pas pour autant maladivement morbide. Les références qui viennent à l'écoute des cinquante-huit minutes composant ce nouvel album sont plutôt à aller chercher dans certains groupes ayant connu leur apogée artistique dans les années quatre- vingt-dix, en particulier le Theatre of Tragedy des deux premiers disques. Cette impression est renforcée par la présence en tant qu'invitée de la chanteuse Lucia dont la voix rapelle la divine Liv Kristine entre autres.
Et, autant le dire, elle illumine La Litanie des Cendres de sa présence. Cela dès l'introductif ”A Shrine Of Clouds” qui d'abord bâti sur un riff épique renvoyant à Tiamat et une voix death noyée d'écho nous ramène de délicieux souvenirs en tête avec ce côté “old school” très agréable. Et lorsque le chant de Lucia intervient lors du refrain, nous nous sentons décoller irrrésistiblement vers les nuages. Et ce n'est pas la mélodie sublime et céleste jouée à la guitare lead qui nous fera redescendre. Seul le riff doom qui joue le rôle de break, ainsi que des nappes de clavier bienvenues, nous ramènent vers une mélancolie pesante mais lancinante. C'est aussi sur ce morceau que l'on entend la deuxième invitée de l'album Cathy qui de ses interventions au violon donne encore plus de richesse à la musique d'Angellore.
Le groupe a pris le temps pour composer et enregistrer (entre juillet 2012 et avril 2014), ce qui se ressent sur la qualité des compositions. Aucune n'est mauvaise ou médiocre. Et même si les cinq morceaux sont longs (seule “Inertia” avec ses six minutes bien tassées fait presque office d'interlude), on ne s'ennuie pas une seconde à leur écoute, au contraire on est littéralement transporté par ce metal contemplatif et languissant. Si vous voulez vous rappeler donc du meilleur de Theatre of Tragedy par exemple, “Still Glowing Ashes” (où la voix féminine se mêle parfaitement aux vocaux graves et rauques) est là avec son doom gothique du plus bel effet.
L'ombre d'Anathema semble aussi planer sur ce nouvel effort d'Angellore. Notamment la période doom de l'institution anglaise comme c'est le cas sur “Twilight's Embrace” qui pourrait presque figurer sur The Silent Enigma mais dont le break avec piano et arrangements de cordes renvoie aux dernières réalisations des liverpuldiens (tandis que la présence du violon et des claviers évoquent My Dying Bride et les choeurs graves Tristania, dans leurs meilleurs moments). On pense aussi au Anathema actuel sur “Inertia” où la voix de Lucia est assez proche de Lee Douglas alors que le chant clair masculin lui évoque Vincent Cavanagh. Ce très bon titre semi-acoustique est d'ailleurs un vrai délice.
Le petit plaisir avant le grand régal qu'est le morceau final “Moonflower”, une épopée de presque vingt minutes qui commence sur des notes au piano timides avant qu'une guitare plaintive et des notes de clavier planantes nous annoncent que nous allons partir pour un long voyage nostalgique et brumeux. S'en suit un doom gothique et majestueux aux choeurs célestes avec plein de cassures bienvenues. Une fois de plus le chant de Lucia fait des merveilles sur le refrain tandis qu'un passage atmospherique se présente, partie où l'on entend un texte poétique déclamé en Français (un extrait du futur roman de Rosarius à paraitre prochainement plus exactement), ce qui renforce le côté romantique du titre. Evoquons aussi ce break un peu inquiétant avec orgue et voix grave avant qu'une acccélération black surgisse. Le calme revenant à la fin de cette tempête sous un crâne qui conclue admirablement cette Litanie des Cendres.
Enfin, il est à signaler aussi que le groupe a soigné son esthétique visuelle en proposant comme artwork de pochette une relecture du tableau "Les Anges de Sodome" réalisé à l'origine par le peintre symboliste Gustave Moreau.
Cela, rajouté au contenu hautement recommandable, ne peut qu'inciter à se jeter religieusement sur La Litanie des Cendres.
Note 8,5/10
Liste des morceaux :
1.”A Shrine Of Clouds”
2.”Still Glowing Ashes”
3.”Twilight's Embrace”
4.”Inertia”
5.”Moonflower”