Fidèles à leurs habitudes, et ce malgré les soucis de santé récurrents de Lemmy, Motörhead nous délivre un nouvel album, deux ans après un Aftershock qui avait su convaincre les fans avec sa patte blues plus prononcée. Cameron Webb est toujours aux commandes pour produire ce 22 ème album des britanniques, lui qui connaît désormais bien le groupe. Comme pour prouver qu'avec l'âge les musiciens ne se sont pas assagis en dépit d'un Aftershock moins rentre dedans, Motörhead nous balance un enchaînement de deux titres directs et plutôt rapides en guise d'ouverture, « Victory or Die » et « Thunder & Lightning ».
Tel AC/DC, on est rarement surpris à l'écoute d'un nouvel album de Motörhead, toutes les caractéristiques du groupe étant bien évidemment présentes, comme la voix éraillée du leader, les riffs rock n' roll empruntant tant au punk qu'au blues, les soli en pentatonique de Phil Campbell et bien évidemment la frappe lourde du « Best drummer in the world » selon Lemmy, Mikkey Dee.
Les riffs sont cependant plus incisifs que sur l'opus précédent, allant droit au but. Bad Magic présente d'ailleurs une collection de titres courts, entre deux et trois minutes, qui ne s'embarrassent pas du superflu (« Chocking on your Screams », « Electricity », « Evil Eye »). La production de Cameron Webb est à l'image des opus précédents, Aftershock et The Wörld is Yours, gonflée à bloc, avec un son de guitare et de basse qui sent toujours autant l'huile de moteur et la testostérone (« Shoot out all of your Lights », « Tell me Who to Kill »).
Mais Motörhead c'est également une belle dose de groove, que l'on retrouve sur le pont de « Fire Storm Hotel », sur lequel Lemmy fait rugir sa Rickenbacker le temps d'un court solo de basse, ou encore sur le riff principal de « The Devil ». Sur ce dernier titre, les Anglais ont convié leur compatriote Brian May (Queen) pour un solo qui s'avère en réalité assez anecdotique, bien que le guitariste ait su respecter le son de Motörhead.
Si Lemmy prend de l'âge, le vieux lion rugit toujours, bien qu'on le sente fébrile sur certains titres (sa voix sur « Electricity » ou « Thunder & Lightning » manque de mordant). De même la surprenante ballade « Til the End » est touchante de par son thème et l'interprétation du leader, mais on sent qu'une version live risque d'être difficile tant Lemmy y dévoile des difficultés dans les parties aigües. Sur ce titre, Phil Campbell délivre d'ailleurs un solo gorgé de feeling, soutenant le propos du chanteur. Quoi qu'il en soit, ce morceau est à l'image du reste de l'album, on y sent un chanteur sincère, impliqué et qui croit en ce qu'il fait, malgré une carrière longue de quarante ans.
Les titres de cet album n'ont d'ailleurs pas à rougir en comparaison des classiques de la formation. On imagine aisément « Victory or Die » ou « Teach them How to Bleed » aux côtés de « Ace of Spades », « Stay Clean », « Doctor Rock » ou « Damage Case » dans les setlists prochaines.
Bad Magic se termine avec la reprise des Rolling Stones, « Sympathy for the Devil ». Lemmy n'a certes pas le timbre de voix de Mick Jagger, mais l'interprétation est tout de même relativement proche de l'originale et s'insère parfaitement dans la thématique du diable récurrente au sein de l'album, comme si Lemmy se permettait un ultime pied de nez à Satan en personne (et avec un majeur tendu). Phil Campbell profite d'ailleurs de ce titre pour envoyer des soli bluesy et ajouter sa patte personnelle à ce classique du rock.
Près de quarante ans après sa formation, Motörhead est toujours aussi honnête dans sa démarche et fait ce qu'il sait faire de mieux, à savoir un rock n' roll crasseux, direct mais qui donne sacrément envie de taper du pied. Bad Magic est peut être un peu moins accrocheur que son prédécesseur direct, mais s'il devait sonner le chant du cygne pour Motörhead, la sortie se ferait avec les honneurs et par la grande porte. Everything Louder Than Everything Else !
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