Le repenti dans ton froc
L'un de ses deux compositeurs parti vers un monde meilleur, un batteur iconique évincé, on se demande encore aujourd'hui comment Slayer peut prendre le risque de sortir un nouvel album. Un risque pourtant relevé par les Américains et un résultat qui fera plaisir aux fans. Car oui, autant briser la glace de suite : non sans défauts, Repentless est un bon album de thrash metal.
Vyuuse et Karnogal
V : Aucun repenti. Tel est le crédo de Slayer pour son 11e album. Force est de constater qu'on n'est pas trompé sur la marchandise. Le propos est dur, le son est brut et l'envie de tout casser semble être revenue, après plusieurs années au cours desquelles le groupe semblait s'être ramolli. Gonflés à bloc et animés d'une haine sans fard, les Californiens ont déjà aiguisé leurs lames.
K : Une lame que l'on remarque bien aiguisée avant d'insérer le CD dans le lecteur. D'entrée, la pochette tape dans l'oeil et laisse espérer un réel travail ainsi qu'un certain effort. En effet, ce christ tourmenté et déchiqueté, ces couleurs rouges/orangées et ce côté « démoniaque » rappellent volontiers un Reign in Blood ou un South of Heaven. On est bien loin de celle de World Painted in Blood qui semblait tout droit sortie de l'entrejambes d'une métalleuse indisposée. Bref, visuellement c'est déjà positif.
V : Et c'est aussi positif aux oreilles. Passé l'intro longuette, Slayer tabasse avec un morceau-titre destructeur et implacable. Pas de surprise, on reste dans du gros thrash bourrin typique, mais qu'est-ce que c'est bon ! Le groupe fait headbanguer sur tout le premier tiers de l'album, avec des riffs toujours aussi gras dont Kerry King a le secret, saupoudré de punchlines vociféré par un Araya vicieux. Une seule, sur Vices, pourrait résumer l'esprit du disque : "A little violence is the ultimate drug" /" Let's get high"!
K : Si World Painted in Blood peut être considéré comme une tentative (très) maladroite d'évolution (et il n'est pas aussi mauvais que certains veulent bien le dire), Repentless traduit clairement l'envie de renouer des liens avec des fans quelque peu blasés. Effectivement, l'album est efficace, très efficace, et se veut thrash au plus au point. De plus, on peut noter des similitudes évidentes avec les titres phares d'antan : "When The Stillness Comes" sonne tel un "Season in the Abyss" et la vitesse et le refrain (poussivement) hurlé de "Implode" remémore des standards tel que "Raining Blood". À défaut d'être surpris, on est rassuré.
V :Côté interprétation, le groupe fait le boulot sans problème. Si Tom Araya n'est jamais apparu comme un chanteur versatile, il arrive malgré tout à porter l'identité de Slayer en lui. Du côté des nouveaux, Gary Holt se fond parfaitement à l'ensemble et s'engueule avec Kerry par solos de guitare interposées, prêchant le carnage musical. Le départ de Dave Lombardo avait, certes, soulevé l'émotion de nombre de fans, force est de constater que Paul Bostaph s'en sort avec les honneurs, groovant comme il faut quand c'est nécessaire, notamment sur l'endiablée "You Against You".
K : Bénéficiant d'un son massif et impeccable, l'album met donc en avant des musiciens qui n'ont plus rien à prouver. Toutefois, le chant reste le point le plus critiquable. Bien qu'impliqué, Tom Araya pousse sa voix dans ses derniers retranchements et c'est, parfois, l'ensemble qui devient poussif. Tout le monde vieillit.
V : Repentless marque un tournant dans la carrière de Slayer, étant le premier album enregistré sans Jeff Hanneman. On remarque un certain regain d'entrain et de rage au sein du disque, qui fleure bon le souffre. Cependant, certains passages poussifs et ce conservatisme ne font pas de Repentless un grand album de Slayer. Il reste néanmoins bon, ce qui, en 2015, est particulièrement plaisant à voir.
K : Monsieur Hanneman, vous pouvez reposer en paix.