Projet annexe de membres de Municipal Waste et de Revocation, Publicist UK avec son premier album propose une relecture surprenante du post-punk, joué avec l'énergie et la puissance du metal moderne. Forgive Yourself propose neuf pistes au songwritting irréprochable, qui plairont à ceux qui écoutent autant Interpol que Katatonia.
Être pris entre deux amours c'est embêtant, surtout lorsque l'on est ado et que l'on se cherche. Aimer autant Metallica ou Slayer que The Cure ou Joy Division, ça peut poser problème à une période où le besoin d'appartenir à une chapelle musicale, avec les codes vestimentaires s'y rattachant, se fait ressentir. Entre traîner avec les métalleux buveurs de bière et les précieux « corbeaux » il faut choisir. On peut aimer un des deux styles en secret, pour mon cas cela a été le post-punk (ou new wave, coldwave, appelez ça comme vous voulez) que j'ai honteusement écouté en cachette, loin des railleries de mes amis métallivores. Puis est apparu le gothic metal et ses dérivés (indus, doom atmo' etc.), soit de la musique de virils riffeurs jouée avec le souci esthétique des sonorités sombres et tristes. On pouvait enfin s'afficher fan à la fois des Sisters Of Mercy, de Depeche Mode ou de Black Sabbath. Mais ça restait du metal à la base. Du metal qui, comme les autres sous- genres allait finir par tourner en rond.
Et puis voilà qu'en cette fin d'été débarque Publicist UK, un nom bien étrange («Pourquoi pas ? Suede est bien un groupe anglais. »* répond le chanteur Zack quand on lui pose la question sur l'origine d'un tel patronyme) pour un groupe américain...
Publicist UK à la base est un projet né en 2013 de rencontres amicales dont les membres s'éparpillent entre le Colorado, la Virginie, le New Jersey et New York. Il comprend notamment en ses rangs Dave Witte, batteur de Municipal Waste et Brett Bamberger qui lui tient la basse chez Revocation. Des groupes pas vraiment réputés pour leur romantisme...
Forgive Yourself sorti le 21 août 2015 chez Relapse Records est pourtant une énorme surprise, déjà par le style car il s'agit avant tout de post-punk, un style plutôt aux antipodes de ce que peut apprécier le fan lambda de metal.
Ainsi « Corwards » qui ouvre le disque avec son intro cotonneuse, titre introduisant aussi la puissante et grave voix de Zacchary Lipez évoquant Ian Curtis (Joy Division), Michael Gira (The Swans) ou Paul Banks (Interpol) nous renvoie au début des années quatre- vingt lorsque le nihilisme du punk laissa la place aux ambiances sombres et froides d'une nouvelle vague.
Les fantômes de groupes légendaires sont évoqués tout au long du disque, comme par exemple Echo And The Bunnymen sur l'urgent « Slow Dancing To This Bitter Earth » dont les arpèges débutant le morceau renvoient au jeu de Will Sergeant, guitariste des légendaires liverpooldiens. On pense à The Cure sur « Levitate The Pentagon », aux Swans sur « I Wish You'd Never Gone To School » et « You Are The Stars » tandis que le groove froid et « british » de « Canary » renvoie à Joy Division. « Telegraphing » lui a des sonorités rappelant un peu Cocteau Twins ou The Chameleons.
En tout cas, on se croirait plus marchant sous le crachin de Manchester plutôt que sous le soleil californien...
Le groupe dans sa bio est comparé à un autre combo issu du metal et oeuvrant aussi dans la réappropriation post-punk/gothique : Beastmilk.
Effectivement Publicist UK est proche des finlandais, et aussi des italiens Klimt 1918, dans la démarche artistique mais personnellement, sans volonté de remettre en cause les mérites de Beastmilk, je trouve une certaine supériorité aux américains au niveau du songwritting.
Cela se retrouve déjà au niveau des refrains qui sont tout simplement irrésistibles et facilement mémorisables. Ce ne sont pas « Cowards », « Levitate The Pentagon », « Blood Relative », « I Wish You'd Never Gone To School », « Canary » et « You Are The Stars » qui viendront me contredire dans ce sens.
De plus le groupe possède avec Zacchary Lipez un chanteur très talentueux capable de déclamer des textes énigmatiques (comme l'est la pochette de Forgive Yourself d'ailleurs) d'une voix profonde et charismatique.
Les autres musiciens ne sont pas en reste, chacun assurant ses parties avec brio et l'intervention d'une voix féminine en la personne de Molly McIntyre (qui collabore aussi à Distant Correspondent, autre projet du guitariste David Obuchowski) donnant la réplique à Zacchary sur « Telegraphing » est une bonne initiative.
Une question subsiste cependant : en quoi Forgive Yourself et ses fortes influences new wave peut-il intéresser un fan de metal ? Tout simplement parce que Publicist UK n'oublie pas ses racines et parsème ses titres de passages musclés où les guitares saturées font leur apparition de façon bienvenue sans se monter envahissantes, ce qui rapproche le groupe dans ces moments là du Katatonia récent (le très bon « Away » par exemple pourrait figurer sur un album des suédois avec sa fin presque doom) voire des Deftones. Cet album peut donc plaire aux métalleux spleeniques et, disons-le, ouverts d'esprit, les mêmes qui apprécient Beastmilk ou Grave Pleasures par exemple .
Si tel est votre cas n'hésitez pas à vous pencher sur Forgive Yourself , ce disque mérite vraiment que l'on lui fasse une...bonne publicité.
*Interview de Publicist UK par Olivier Drago parue dans le numéro 29 de New Noise
Liste des titres :
1.« Cowards »
2.« Slow Dancing To This Bitter Earth »
3.« Levitate The Pentagon »
4.« Blood Relative »
5.« I Wish You'd Never Gone To School »
6.« Canary »
7.« Telegraphing »
8.« You Are The Stars »
9.« Away »