Neurosis à La Machine - Paris - Samedi 23 Juillet 2011
Cela faisait 4 ans et l’édition 2007 du Hellfest sous un torrent d’eau que je n’avais plus revu Neurosis en live.
Et il me faut encore patienter un bon bout de temps puisque c’est avec largement plus d’une heure que La Machine ouvre ses portes. Il fallait voir la queue à l’extérieur qui allait vers la gauche du trottoir jusqu’au pub irlandais.
Le public est un peu branchouille, lunettes en écailles de tortue, polo sur les épaules, barbes de 4 jours, casquettes Che Guevara, jolies modèles de la gente féminine un peu perdues accrochées à leur bras. Serait-ce le syndrome Queens of the Stone Age ou n’est ce qu’un passage ? Je vous rassure quand même car de nombreux Metallos sont là !
A 21H20 les Belges montent sur les planches sans éclairage.
Pour AmenRa penchez vous en avant devant les amplis la jambe gauche légèrement en avant la main gauche sur la cuisse. Poussez votre épaule vers l’avant tout en balançant votre corps vers l’arrière afin de vous briser les cervicales tout en vous dessoudant la colonne vertébrale.
La prestation est en noir et blanc tout comme les vidéos projetées derrière le groupe. Pas d’éclairage, seuls les films éclairent légèrement la scène. C’est violent, expéditif, prenant et très bien fait. Colin, le chanteur nous tourne le dos tout au long du set. La musique est lourde et compacte. Tout comme Neurosis les titres sont hypnotiques rythmés par des images.
AmenRa n'est pas là pour bavarder avec le public, ils sont là pour jouer leur musique principalement tirée de Mass III et IIII. Les titres sont efficaces, le son est agréable et le public ne manque pas d’applaudir entre les titres.
NEUROSIS
22h30 et Les américains montent sur scène dans une Machine archicomble.
On commence tout en douceur avec « Locust Star » qui ne tarde pas à nous enflammer par les chants puissant de Scott Kelly et de Steve Von Till ponctués par les interventions de Dave Edwardson à la basse et aux cheveux rouges.
Ensuite « Given to the Rising » nous tombe dessus me rappelant l’entame difficile du set au Hellfest en 2007 sous un orage d’une rare violence et du seul abri que l’on avait à notre disposition…c’est à dire les 3 arbres pas trop loin de la scène.
Les paroles sont sombres, tranchantes et dépouillés et c’est dans l’univers du groupe que l’on commence à sombrer.
« The human plague in womb
Bring clouds of war
Let us rest
Our future breed is the last
In the conscience waits
Dreams of the new sun
We're blood in the dust »
Chez Neurosis on voit le travail monumental effectué par Steve Von Till entre les titres. Avec le claviériste il crée des ambiances musicales indescriptibles tout en maltraitant sa guitare. Il tire sur les cordes, tords le manche, change les réglages. Quand à Noah Landis (aux claviers) il bidouille ses synthés et son ordinateur pour nous sortir des séquences sonores tout droit sorti de nos pires cauchemars schizophréniques.
Le problème justement, c’est le son, beaucoup trop fort et saturé. La perte auditive est constatée, je saigne des oreilles. Jusqu’à la fin du concert il y aura des passages trop mal réglés, j’aime la musique mais là il y a des limites. L’ingénieur du son doit dormir sur sa console. Lui, il a des bouchons !
Devant la scène Steve Von Till a les yeux révulsés, sa musique le hante littéralement se penche au dessus des retours, crache par terre secoue la tête dans tous les sens.
Scott Kelly a encore pris de l’embonpoint, mais quelle classe. Déjà émouvant lorsqu’il était passé par le Glazart pour sa tournée solo en Janvier 2010. Là, il éructe ses paroles en duo avec Steve et le bassiste.
C’est incroyable comment Neurosis nous emmène sur ses titres passant d’intro atmosphérique tout en finesse à des structures macabres et glauques sous des projections tout droit sorti d’un film de Luis Buñuel. On pense bien sûr au Chien Andalou de 1929 et aux premières minutes du film où une femme se fait trancher l'œil avec une lame de rasoir.
« The stitch in our eye
With roots deep within
The soil stained with blood
Of those who rose before the time »
La voix de Kelly transpire le désespoir comme celle de Johnny Cash à l’automne de sa vie sur les derniers albums de ses carrières (la Série American Recordings I, II, III, IV, V). Steve aussi d’ailleurs a une profondeur dans son phrasé. Plongez vous dans leurs œuvres solos respectives si vous n’êtes pas en train de prendre un cocktail antidépresseurs à base de tricycliques et de sérotoninérgiques flambés à la Vodka-Cointreau-Sucre.
Avec Neurosis on passe d’une extrême à l’autre, on n’est pas assommé que par des passages post-hardcore bourrin sans sens ni structure. Ici, la finesse, l’intelligence des compositions vous bouleverse à jamais comme « At the End of the Road ».
On a le droit ce soir à deux nouveaux titres avec « At The Well » et « Killing Elk » pouvant illustrer une bande son d’un film de David Lynch où des géants trisomiques manchots feraient l’amour à des naines siamoises entourés de porcs en rut sous un chapiteau de cirque.
Les images défilent toutes plus déglinguées les unes que les autres. C’est grave déstructurant. Des yeux, des explosions, des animaux, des visages inquiétant. Ça impressionne, interpelle et nous éblouie par tant de déstructuration.
Le monde de Neurosis est sombre, les images, les cris de Scott Kelly et de Steve Von Till vous prennent à la gorge. Les phrases ponctuées comme des états de fait qui nous expliquent dans une ambiance de fin du monde que la seule issue est d’être emporté dans les limbes de la mort.
A la fin du set sur « Through Silver in Blaood » le groupe rentre en transe. Noah Landis est littéralement possédé, il arrache son Roland PK-5 (synthé avec des grosses touches en bois comme celles au pied des orgues d’église) prêt à l’envoyer dans les premiers rangs, c’est-à-dire dans ma tête. Scott Kelly s’éclate le front dans son micro et saigne abondamment. Steve arrache ses cordes les yeux révulsés tout en tournant la tête dans tous les sens.
Deux mini batteries sont placées par les roadies autour de la batterie principale pour Steve et Scott. Steve von Till commence à tabasser ses tomes comme un possédé bientôt suivi par un Scott ensanglanté. C'est la fin...
Assister à un concert de Neurosis est une expérience en soi. La musique, les projections ne font qu’un. Dire qu’en 2015 ils auront 30 ans de carrière.
Pour la petite anecdote Rock 'n Roll, l'album « Times Of Grace » de Neurosis peut se superposer de manière sonore avec l’album « Grace » de Tribes of Neurot. Alors vous savez ce qu’il vous reste à faire pendant cet été pluvieux.
Quand on a un public, rien n’est trop audacieux.
Winston Churchill
Setlist :
Locust Star
Given to the Rising
End of the Harvest
A Season in the Sky
At the Well
Water Is Not Enough
Belief
At the End of the Road
Killing Elk
Through Silver in Blood
Lionel / Born 666