Il aura fallu peu de temps à Gorod pour s'imposer comme la référence du death metal technique hexagonal. Depuis la sortie de Neurotripsick, le premier opus des bordelais, aucun album n'a fait office de point faible dans la discographie désormais fournie de Gorod. Mathieu Pascal (guitare) a toujours su conjurer les mauvais coups du sort, malgré l’instabilité du line-up depuis sa formation.
Si A Perfect Absolution voyait déjà la formation remaniée aux deux cinquièmes par rapport à son prédécesseur, c'est cette fois-ci Samuel Santiago, le métronome du groupe, qui quittait Gorod peu de temps après la sortie du quatrième opus. La section rythmique prenant une part considérable au sein de la musique des bordelais, il était donc légitime de se demander comment Karol Diers, le nouveau venu derrière les fûts, allait transformer l'essai du studio, après avoir largement fait ses preuves sur scène. La musique des bordelais allait elle s’en trouver métamorphosée ?
À l’écoute de ce Maze of Recycled Creeds, la réponse est bien évidemment non. En effet, Mathieu Pascal étant le principal compositeur de Gorod, sa patte est toujours identifiable. « Dig into Yourself » aurait largement eu sa place sur A Perfect Absolution. De même le groove qui caractérise la musique des bordelais, et porté par les lignes de basse de Barby est toujours présent (« Rejoice your soul » en est presque dansant). Mais Gorod cherche tout de même à évoluer, opérant tranquillement sa mue, à l'image du changement de logo. Beaucoup plus mélodique que par le passé, le groupe inclut des influences prog plus marquées, incorporant des claviers avec parcimonie (voire même un piano en introduction de l'opus). De même, les influences jazz de Mathieu s'expriment avec plus de liberté, bien que sur Transcendence (2011) ces dernières étaient déjà sensiblement repérables. « Celestial Nature », dévoilé en avant première par le combo est plus proche du Gorod classique, mais par conséquent s'impose comme un futur incontournable des setlists.
Il faut cependant préciser que le jeu de batterie du nouveau venu semble tout de même moins axé sur la subtilité que celui de son prédécesseur (« Temple to the Art- God »), ce qui n’empêche pas le duo basse/batterie de développer un groove qui est devenu la marque de fabrique du combo depuis sa formation.
Le point qui risque le plus de déstabiliser les fans de la première heure (notamment ceux de Neurotripsick ou Leading Visions) c'est le chant beaucoup plus mélodique de Julien ‘Nuts’ Deyrez (« Rejoice your Soul »). Sur « An Order to Reclaim », il oscille même entre growl, chant hurlé et chant clair. Cette diversité empêche la monotonie, mais il est clair que cela opère un changement majeur dans la musique des bordelais. Sur le précédent opus, seuls quelques éléments plus mélodiques isolés allaient dans ce sens (souvenez-vous du « Fire will Come from the sky » sur « Birds of Sulphure »). Osant des choses nouvelles, Gorod emmène sa musique vers une autre dimension, quitte à se détacher du death plus primaire des débuts.
Au final, même si la patte et le son de Gorod restent présents (même groove, des plans techniques et mélodiques à la fois), ce nouvel opus témoigne de la volonté des musiciens de ne pas tourner en rond et de dévoiler un côté plus progressif. Cette initiative est bien évidemment à saluer tant elle évite au genre de s'enfermer sur lui-même. C'est bien entendu sur scène que Gorod sera à même de mieux défendre son nouveau bébé, et de s’imposer désormais sur les scènes européennes, puisque c’est chose faite dans son propre pays.
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