Il faut bien l’avouer, on n’espérait pas grand-chose de Black Tongue. Après quelques Eps assez peu convaincants, bien qu’ils aient propulsé le groupe en nouvelle coqueluche de la scène deathcore, les Anglais avaient vu leur côte baisser. C’était sans compter sur leur potentiel resté jusque-là endormi, qui permet aujourd’hui au jeune combo (seulement deux ans d’existence) de démarrer sa carrière en fanfare avec une signature chez Century Media et un premier album prometteur.
The Unconquerable Dark est un de ces albums qui restaure la foi. Oui, certains groupes osent encore innover dans le milieu très codifié du deathcore, et Black Tongue est clairement de ceux-là. Osant des compositions parfois longues sans jamais être ennuyeuses, le groupe évolue dans son propre monde musical, entre deathcore, djent et doom metal. Concrètement, une chanson de Black Tongue c’est lent, violent, malsain mais aussi diablement efficace, vous donnant une envie furieuse d’en mettre une bonne à votre voisin de métro. Avec un accordage très bas, les riffs évoquent évidemment Meshuggah mais le quatuor parvient rapidement à se débarrasser de cette influence envahissante en la mélangeant à d’autres genres comme le beatdown.
On constate les effets de ce drôle de patchwork dès le titre d’ouverture, « Plague Worship » qui démarre d’entrée avec un riff dans la pure tradition du doom metal avant d’embrayer sur une série de breakdowns, présent en masse tout au long de l’album. Cela ne veut pas dire pour autant que Black Tongue ne varie pas ses compositions, le combo sait aussi montrer une facette groovy sur « Young Gloom » ou plus accrocheuse sur le refrain d’«In The Wake Ov The Wolf ». Déroulants une variété incroyable d’influences, les Anglais passent facilement d’un deathcore à la Suicide Silence (Eddie Hermida fait d’ailleurs une courte apparition sur la remarquable « Vermitinde ») à des passages mélodiques très intéressants.
Mais la plus grande réussite de cet album reste le remarquable travail sur les atmosphères, portées par les guitares d’Eddi et James. Présentes du début à la fin de l'écoute, elles définissent l’identité du groupe en lui permettant de se démarquer. Que ce soit par de belles influences black metal sur « L’Appel Du Vide » ou des paroles chuchotées en latin sur la conclusion « I'm So Tired Of Sighing. Please Lord Let It Be Night », le combo réussit le tour de force de rendre attractif le beatdown, genre pourtant musicalement très pauvre. Evidemment, les allergiques aux riffs à trois notes ne se réconcilieront pas avec le style, mais Black Tongue a au moins le mérite d’envisager cette musique sur un autre plan que la castagne pure et simple. Mention particulière à « A Pale Procession Ii: Death March » qui, même si elle en fait sans doute trop est sans aucun doute la chanson la plus heavy de l’opus.
Ce n’est pas la voix d’Alex, très proche de celle de CJ de Thy Art Is Murder qui viendra gâcher la performance du quatuor. En revanche, même si les compositions sont en majorité bien construites, on sent que le groupe a encore la tentation de mettre des breakdowns parfois inutiles pour combler les vides. Une tendance que l’on impute facilement à la jeunesse mais qui vient rappeler que même si ce qu’on écoute est très prometteur, Black Tongue peut sans aucun faire encore mieux.
Avec des compositions individuellement marquantes et un ensemble convaincant, Black Tongue frappe donc fort pour son premier album, en se plaçant d’emblée au-dessus de la mêlée. Certes, le groupe n’invente rien mais mélange habilement ses nombreuses influences pour créer son style musical propre, violent et malsain. Le tout est évidemment loin d’être parfait, mais pour un premier jet les Anglais font preuve d’une maitrise assez impressionnante. Une chose est sûre, la progression est immense depuis leurs premières livraisons et il faudra les suivre de très près dans les années à venir.