Tout juste six mois après un concert d’anthologie à Glazart en mars dernier, Dave Lombardo revenait à Paris avec son projet expérimental PHILM, toujours à Glazart. Alors que secrètement, sans oser se l’avouer, les présents souhaitent que les incidents techniques du dernier concert resurgissent – il faut dire que ces derniers avaient beaucoup participé à rendre la date si spéciale -, il n’en sera rien et la soirée sera pourtant un véritable orgasme collectif et intimiste.
Ce qui est certain, c’est que les absents ont fait le bon choix : merci à eux de nous avoir laissé profiter de ce moment privilégié en compagnie de musiciens hors pair, un véritable showcase privé comme on ne pouvait décemment en rêver.
DDENT
Groupe parisien fondé il y a un peu plus de deux ans, DDENT officie dans un style instrumental mêlant stoner, noise, et post-metal, agrémenté d’éléments industriels. Déjà présents aux côtés de PHILM la veille à Nantes, les Franciliens remettent le couvert pour cette seconde date avec leur nouvelle bassiste, qui arbore fièrement un magnifique instrument custom à l’aspect métallisé, très en phase avec l’univers de DDENT.
Rapidement, la batterie sonorisée avec brio pose les bases de ce qui semble d’abord n’être qu’une jam grasse et déstructurée, permettant au guitariste Louis, tatoué jusqu’aux ongles, de laisser parler son charisme évident. Mais peu à peu, cette musique, qui parait peu accessible au premier abord, fait son office, et, hypnotique, embarque un public qui se laisse prendre au jeu.
Entre les titres, qui ne semblent former qu’un, peu voire pas de communication, mais seulement de longs larsens, qui semblent vouloir lier les morceaux et éviter de briser l’aura qui captive les spectateurs.
Mais lorsque, comble de la malchance, la tête d’ampli de Louis grille sans griller gare, on se dit que la machine va être difficile à relancer, tout comme il est difficile de retrouver le sommeil après un réveil en sursaut. Malgré un flottement d’une longue quinzaine de minute, le temps pour le groupe d’emprunter et installer une nouvelle tête apparenant aux membres de 11PARANOIAS, le concert reprend et le charme vient opère à nouveau comme par magie.
Le son est un peu plus trouble et brouillon, notamment pour la guitare, mais la section rythmique est là, et en dépit de légers défauts de mise en place, apporte un groove entêtant. De puissantes montées en intensité succèdent à des passages plus éthérés, comme pour mieux bercer les auditeurs.
Cette jeune formation au même effectif que la tête d’affiche s’est révélée être un choix tout à fait pertinent, et surtout une très belle surprise live : on ne peut que souhaiter le meilleur à ces petits français qui en veulent et ont trouvé leur univers.
11PARANOIAS
Ce sont à présent les membres de 11PARANOIAS, groupe anglais au son massif et psyché, qui s’installent sur la scène du Glazart. Devant un soixantaine de personnes, ils débutent un set mêlant des influences si diverses qu’elles en sont presque antinomiques. Chant clair avec des effets psychédéliques typiques des années 70 se mêlent à des cris saturés, tandis que les rythmes lents aux saveurs de doom succèdent à des morceaux plus rapides et dynamiques.
Malheureusement, le son est assez sale, la basse étant trop proéminente et venant comme avaler le reste du groupe. La voix est quant à elle trop lointaine, et restera en retrait malgré les nombreux signes du frontman Adam à l’attention de la régie. Seule la batterie est mixée de façon excellente, ce qui permet d’apprécier le jeu subtil et mélodique du batteur Nathan sur ses cymbales.
En plus de ce mix plutôt bancal, le son est malheureusement beaucoup trop fort, et s'avère agressif même en revêtant des protections auditives. Un comble !
Concernant le jeu de scène du groupe, de nombreux flottements se font sentir entre les morceaux, et n’aident pas à casser la barrière qui existe entre la scène et le public.
Musicalement parlant, on est assez loin des promesses faites par les albums du groupe, et la voix monocorde ne semble jamais bien en phase avec les lignes mélodiques qui la soutiennent.
Une vraie déception que ce concert de 11PARANOIAS, qui bien heureusement ne constituait qu’une mise en bouche en vue du plat de résistance.
PHILM
Décidément, c’est la soirée des groupes aux patronymes écrits en majuscules ! Plus sérieusement, le gros morceau de la soirée est imminent, et Dave Lombardo débarque sur scène pour monter son kit, sous les yeux ébahis de ceux qui ne l’auraient pas encore croisé ce soir dans la salle.
Devant environ 130 personnes, l’ex-Slayer installe sa batterie au bord de la scène, tandis que ses deux comparses prennent leurs quartiers de part et d’autre du kit. L’ambiance est clairement détendue, les musiciens échangent quelques mots avec les premiers rangs en toute simplicité pendant l’installation.
A 22 heures, le concert démarre sans détour, avec un son quasi-parfait. La batterie, bien entendu, est mise en avant et sonorisée avec précision, et va de pair avec une basse parfaitement rendue, au groove imparable. Le groupe est directement dans le bain, usant de mimiques évocatrices et montrant leur plaisir sur scène.
Pas de temps morts, les morceaux s’enchaînent comme autant de mandales dans la mâchoire d’un boxeur étourdi. Chaque titre apporte son lot d’enchaînements hallucinants, et le public ne s’y trompe pas. Peu de cris ou de bousculades, chacun profite de cette extase privilégiée en observant ce qui se passe cérémonieusement.
Bien entendu, il est impressionnant de voir Lombardo marteler ses fûts à quelques centimètres du bord de la scène, d’autant qu’il distribue sans arrêts des breaks très techniques, et sait varier son jeu au gré des ambiances.
A la basse, Pancho Tomaselli n’est pas en reste : c’est une vraie furie, et sa prestation est tout bonnement exceptionnelle. Sur ses plans, il est comme possédé, et tout en lui montre qu’il prend son pied sur chacune de ses notes. Si souvent la basse est malheureusement un instrument de second plan, ici elle retrouve ses lettres de noblesse. Entre lignes variées montant régulièrement dans les aigus pour mieux se mettre en valeur et expérimentations, jamais le jeu d’un bassiste n’aura été si varié. Tomaselli emploit slides et bends comme jamais, comme s’il grattait un solo virtuose de guitare. Au début de "Lady Of The Lake", il enclenche sa pédale Epitome pour générer des nappes synthétiques du plus bel effet, et ainsi démontrer l’étendue des possibilités qui lui sont offertes.
Du côté gauche de la scène, Gerry Nestler se démène également, guitare à la main. Si sa voix souffre en début de set de quelques approximations, son chant n’en demeure pas moins très rodé et dynamique. Son jeu à la guitare, qui parait farfelu et débridé visuellement, s’avère être très précis et transpirer l’authenticité. Car avec PHILM, on retrouve l’énergie live des grands noms des années 70 comme le Grand Funk, MC5 ou encore Vincebus Eruptum.
"Lion’s Pit" est l’occasion de casser peu le rythme au moyen d’une intro arabisante aux allures de psaumes, à laquelle succèdent de nombreuses ambiances dans une structure complexe mais qui semble logique. Le final, entrecoupé de coupures nettes et interminables, est apprécié par l’assemblée dans un silence religieux, chacun retenant son souffle.
Le set se poursuit dans une énorme intensité musicale, produite par des musiciens qui communiquent beaucoup entre eux par regards, preuve de l’immense plaisir qu’ils prennent à interpréter ces pièces hors du commun. Dave Lombardo et Pancho Tomaselli chantent régulièrement en jouant, ou hurlent sur les levées, avec une telle conviction qu’on les entend malgré l’absence de micros pour les reprendre.
Pendant 45 minutes, les influences mutliples telles que Led Zeppelin ou Aerosmith, rencontrent la violence de Slayer ou Testament, avant de se conclure sur les plans typiquement jazz de "Way Down". Le public est sonné, et le groupe en profite pour faire mine de saluer et de quitter la scène.
Bien heureusement, les spectateurs se reprennent et ne les laissent pas faire : un rappel de trois titres commence sans plus tarder.
Et comme PHILM ne fait rien comme les autres, cette heure de musique intense s’achève non pas par un de leurs classiques, mais par un morceau de leur prochain album, intitulé "Chalyce". Ce dernier, incroyable de rapidité et de violence percussive, achève de mettre le public à genoux dans un torrent de décibels.
Une heure, ça parait court sur le papier, mais avec une telle intensité, il eût été difficile d’ingurgiter plus de titres sans perdre ses moyens. PHILM est venu prendre son pied sur une petite scène en compagnie de passionnés, et c’est exactement ce qui s’est passé. La simplicité de la soirée pourrait se résumer par la sortie de scène de Dave Lombardo, qui rangeait tranquillement ses baguettes dans son étui, avant de glisser ce dernier sous son bras pour rejoindre le stand merch et échanger avec le public.
Chapeau, messieurs !
Setlist :
Fire from the Evening Sun
Vitrolize
Fanboy
Blue Dragon
Lady of the Lake
Lion's Pit
Omniscience
Train
We Sail at Down
Way Down
Rappel :
Sex Amp
Dome
Chalyce
Crédits photos : Lykh'Arts et Grégory Moutarde