Avez-vous déjà entendus le nom de Coma Divine ? Jamais, semblerait-il. En revanche, celui de Sonja Kraushofer doit forcément vous évoquer quelque chose. Mais si, cette demoiselle à la chevelure rouge qui officie dans le fameux groupe de darkwave autrichien l'Âme Immortelle. Figurez-vous que la jeune femme s'est décidée à se lancer dans un projet beaucoup plus rock/metal, baptisé Coma Divine. S'entourant de 4 musiciens provenant de divers horizons musicaux, la belle et ses acolytes signent sur le label allemand SPV pour une première offrande, Dead End Circle. Réussite ou échec ?
Amateurs de l'Âme Immortelle, attendez-vous à quelque chose de très différent, sauf en ce qui concerne Sonja, dont la voix identifiable à milles lieux est toujours la marque de fabrique du projet. Mais cette fois-ci, fini les samples electro. Remplacez-les par de puissants riffs de guitare, une musique mêlant avec aisance un rock gothique avec un metal direct et énergique et vous obtenez une recette qui fonctionne bien. On retrouvera même, avec une certaine surprise il faut bien l'avouer, quelques influences progressives de temps à autre, par quelques changements dans les rythmiques, en témoigne la piste d'ouverture qui plongera à merveille dans l'ambiance, mais qui ne dit pas tout. L'un des avantages, c'est qu'une réelle diversité s’immisce dans le propos, tant et si bien que l'ennui ne nous frôle pas, à condition que l'on puisse bien sûr rentrer dans l'atmosphère déployée. Car avouons-le, ce brûlot ne plaira pas forcément à tout le monde, trop massif pour certains, trop rock pour d'autres, et la frontwoman et son timbre particulier ne feront pas forcément l'unanimité auprès des auditeurs. On adhère ou on souffre, si l'on peut le résumer ainsi. Ainsi, si la musique de Coma Divine n'est pas forcément atypique ni réellement originale, elle peut en devenir difficile d'accès par cette position d'entre deux, cette tendance singulière à refuser de choisir son camp et de faire régulièrement une transition entre les différents univers, un choix qui se remarque de plus en plus au fur et à mesure de l'écoute et de l'avancée dans la galette, synthétisée d'une certaine manière sur « I Remember », qui navigue sur les deux rives mais sans jamais poser le pied à terre. Cela devient à la fois un problème pour la formation qui peut se fermer des portes de cette manière, mais aussi un véritable atout, renforçant la richesse de la musique, des styles déployés, offrant à la fois guitare énergique soutenant à merveille la voix, ambiances globalement sombres, bien que parfois plus enjouées, évitant une trop grande monotonie, et passages très catchy.
Seulement, on peut regretter une légère tendance à la redite malgré tout, ce qui passe par des structures pouvant sembler identiques et, l'album écouté d'une traite, le tri sélectif s'opère de lui-même, les morceaux pouvant paraître moins intéressants, ceux qui ont le moins de cordes à leur arc ne restent pas en tête bien longtemps. Ainsi, on pourrait presque se demander si parfois, Coma Divine n'a pas souhaité remplir son brûlot parfois un peu à la va-vite, et même si les sonorités peuvent changer d'un titre à l'autre, celles-ci sont à l'évidence trop légères pour captiver de manière entière. Il faudra attendre la ballade « Praise the Fallen », réussie au demeurant, pour casser un peu le rythme, et la monotonie qui aurait pu s'en suivre. Si l'on ne s'ennuie pas et que le bon moment est réel, on peut vraisemblablement oublier très vite ce que l'on vient d'oublier (la mémoire sélective marche très bien, apparemment). Choix douteux de la part du combo : enchaîner deux ballades. « Praise the Fallen » et « Reason to Live » adoucissent le ton, mais peut-être espacer davantage ces deux titres aurait été une décision plus avisée. Enfin, au moins, les émotions apportées par la belle voix de Sonja aident à trouver cela agréable, sans parler du fait que l'on évite heureusement l'habituel cliché piano+voix. Et si parfois, les autrichiens frôlent le cliché, ils sont assez malins pour contourner le piège avec habileté, par une recherche mélodique évidente. De plus, avec une production d'excellente qualité, voilà de quoi se délecter de l'oeuvre un bon petit moment.
L'un des piliers de Coma Divine, c'est sa charismatique frontwoman, la désormais bien connue Sonja Kraushofer, excelle par une performance digne des plus grandes. Son timbre, s'il hérissera le poil de certains, dégage une vraie personnalité, une identité bien marquée qui fait de l'autrichienne une vocaliste désormais bien connue et appréciée. Elle n'hésitera pas à jouer de ses cordes vocales avec une versatilité édifiante, passant de la rage pure à la démence, de voix enfantines et psychotiques à des montées puissantes, s'adaptant à chaque ambiance, toujours au bon moment, et n'ayant pas besoin d'en faire des caisses pour transmettre ne serait-ce qu'un peu d'émotion. Lorsque les pistes et leur accompagnement peuvent parfois sembler légers, elle rehausse par la force de sa voix la qualité générale. Décidément, si le combo ne possédait pas une chanteuse d'un tel rang, peut-être la prestation finale en serait beaucoup moins appréciable tant Sonja semble adaptée à la perfection pour des compositions qui lui sont taillées sur-mesure. Reprochons néanmoins aux autrichiens de parfois trop s'appuyer sur la voix de cette muse et de se relâcher un peu trop, dommage car une vocaliste n'est pas tout dans un groupe, et son chant est de ce fait mis en avant par rapport au reste, occultant les belles notes du cello de Martin Höfert.
En s'intéressant de plus près aux pièces qui composent le puzzle, on pourra apercevoir de bien jolies choses, et cela commence dès « Burn, Sister », une mise en bouche parfaite. Enjouée, sombre, inquiétante puis tragique, pour finir sur un choc des atmosphères, on sent que le sujet est maîtrisé. Le voyage se termine sur une longue piste durant plus de 8 minutes, l'attrayante « Dead End » qui, grâce à un tempo lorgnant vers le doom metal, captive et enchante. Il y a aussi ces deux ballades, « Praise the Fallen » et « Reason to Live », pas exceptionnelles mais belles, c'est certain. Pour les balladophobes, peut-être seront-elles un moyen de vous réconcilier avec ces redoutables ennemies qui s'amusent à vous tourmenter lors de l'écoute d'un opus. Et, de manière générale, la seconde moitié de l'offrande est inspirée, bien plus massive, et résolument travaillée. Pas un seul instant l'envie de s'arrêter ne vous hante, alors qu'au début, elle aurait pu car les choses se gâtent. « Rotten World », rock dans l'âme, et « The Odd One Out » à la frontière du trip-hop n'apportent pas vraiment leur pierre à l'édifice. Elles ont un potentiel tubesque semblant encore inexploité, dommage. Mais la première partie n'en est pas mauvaise pour autant, s'écoutant facilement et agréablement. Comme le dit le proverbe, il faut garder le meilleur pour la fin.
Dead End Circle est une galette mijotée avec soin et attention malgré quelques légères erreurs qui ne sont que de petites tâches sur la magnifique fresque. Avec un premier album de cette trempe, nul doute que le nom de Coma Divine ne vous sera plus inconnu bien longtemps. Inspiré, puissant, maîtrisé avec une chanteuse incroyable, le charme opère très rapidement. Espérons que ce projet ne se limitera pas à seulement un opus, car il semble avoir tellement à donner que nous, auditeurs, sommes impatients de recevoir la suite. Voilà une belle et savoureuse création qui donnera envie de se replonger dedans, à condition que vous possédiez patience et ouverture d'esprit, deux qualités nécessaires, primordiales même, pour passer un très bon moment.