Si le titre de l'album désigne le bélier qui servait à enfoncer les portes de l'ennemi lors d'un siège ce n'est pas pour rien : ce nouvel effort de Saxon ne frappe pas avant d'entrer et démarre sur les chapeaux de roues.
Le coup de semonce est donné par le single éponyme de l'album, révélé fin juillet. Entrée en matière très directe, on retrouve de nombreux éléments propres à Saxon et à la New Wave Of British Heavy Metal : guitares harmonisées, couplets palm mutés, refrains au tempo dédoublés pour plus d'impact et de lourdeur. Ce qui frappe tout de suite, c'est la puissance du son et la force des guitares, qui associées à une batterie lourde et puissante, sont sublimées par une production impeccable d'Andy Sneap (Megadeth, Testament, Exodus ou encore Accept).
Le line-up de Saxon - composé du leader et chanteur Biff Byford, du batteur Nigel Glocker, du bassiste Nibbs Carter et des guitaristes Doug Scarratt et Paul Quinn - est stable depuis une dizaine d'années, et cela se ressent. Même si la direction prise est plus heavy encore que par le passé, et que l'on pense par moments à Judas Priest sur les premiers titres de Battering Ram, l'identité sonore propre aux Anglais reste évidente, et se permet le luxe d'innover.
En effet, le groupe s'aventure sur des terrains qu'on ne lui connaît que peu, comme sur "Queen Of Hearts", et son rythme entêtant et mid-tempo. Avec des chœurs qui semblent tout droit issus d'une chapelle, l'ambiance est habilement posée, et on ne peut s'empêcher de remuer la tête. Le titre s'avère même quasi progressif, grâce à un pont accueillant une guitare acoustique et des mélodies plus éthérées. Le passage sur scène se fera sans doute en grandes pompes, et Biff Byford nous a même confier penser à orchestrer “Queen Of Hearts”.
Un traitement similaire pourrait être infligé au dernier titre “Kingdom Of The Cross”, déjà agrémenté de synthétiseurs inquétants, qui posent une ambiance moyen-âgeuse renforcée par le monologue de Biff Byford, à l’accent britannique délicieusement médiéval.
Sur ce titre comme sur la totalité du disque, le chanteur fait des merveilles et confirme qu'il appartient bien au cercle très fermé des chanteurs que j'aime à qualifier de "grands crus" : sa voix semble gagner en nuance et en profondeur malgré les années, comme si l'usure naturelle de ses cordes vocales venait apporter les harmoniques supplémentaires qui renforcent son timbre.
Au fil de l'écoute, seul les titres consécutifs "Destroyer" et "Hard And Fast" semblent trop convenus et manquent d'originalité : avec des rythmes et progressions entendus à maintes reprises chez de nombreux groupes, les deux morceaux pêchent par leur côté téléphoné, et ne marquent pas outre mesure. Ceci étant dit, on sent leur potentiel live, qui s’il est exploité pourrait conduire à des headbangings frénétique et incontrôlables.
Comme déjà mentionné concernant le titre d'ouverture, les dédoublements de tempo sont nombreux, à l'instar de "The Eye Of The Storm". Ceux-ci s'appuient sur la puissante et carrée frappe de Nigel Glocker, dont il faut saluer la constance et la qualité : une telle prestation est d'autant plus rassurante et remarquable après la rupture d'anévrisme dont il a été victime en décembre dernier.
Saxon sait également prendre un tournant légèrement plus power metal, à l’instar de “Top Of The World”, qui brille par son ampleur, et pourrait bien être le titre phare de Battering Ram. Racontant la première ascension de l’Everest, le morceau est empreint de puissance, et est renforcé par des paroles très construites, et un refrain très prenant. Sur celui-ci, on ne peut s’empêcher d’imaginer un plan vidéo tournoyant autour de l’alpiniste victorieux bras, levés sur la cîme du monde. Arriver à faire passer des images par le seul biais de la musique n’est pas aisé, et “Top Of The World” le fait de façon prodigieuse.
On mentionnera de façon plus anecdotique la piste bonus au titre évocateur “The Drinking Song”, beaucoup plus légère et directe que le reste de l’album : le titre très boogie rock n’est pas là pour philosopher, et pourrait occasionner de sympathiques moments sur scène, pour un instant sans prise de tête et de pur fun. Byford y adopte un ton proche de celui de Bon Scott d'AC/DC, ce qui illustre parfaitement l’esprit du morceau
En définitive, Saxon tape très fort avec ce nouveau Battering Ram, qui sans être la pierre angulaire de leur carrière, est sans aucun doute leur meilleur album des quinze dernières années. Les ambiances variées savent apporter beaucoup d’intérêt à un groupe que certains jugent trop peu varié, ce qui n’a jamais été aussi faux. Autour d’un Biff Byford impérial, le groupe se cristallise dans un album qui fera date sans aucun doute.