Edguy – Age of the Joker

Chaque nouvel album du groupe allemand Edguy est désormais attendu avec anxiété par les fans de la première heure, ces adorateurs de la période speed power du groupe marquée par le tryptique Vain Glory Opera-Theater of Salvation-Mandrake, trio quasiment sublimé par l'abouti Hellfire Club. Mais depuis, les choses ont changé, et si le combo germanique avait su plaire via un Rocket Ride coloré et ambitieux, tout était retombé comme un soufflet en 2008 avec ce Tinnitus Sanctus assez sombre et plutôt moyen hormis deux-trois chansons.

Ainsi attendait-on un renouveau, une nouvelle flamme, une inspiration plus poussée, sur ce Age of the Joker - 9ème opus studio d'une formation quasi légendaire dans le style. Mais voilà, il ne fallait point se leurrer, Jens Ludwig l'ayant lui-même avoué dans notre récente interview : Edguy est désormais un groupe de stadium rock et son leader/chanteur/compositeur Tobias Sammet ne s'en cache même plus. Non, le "power metal" c'est bel et bien terminé, place à rock/hard rock plus "large" mais bien plus impersonnel.

C'est donc au final sans surprise que cette nouvelle offrande décevra les amateurs de la première heure... et pas seulement. Si le quintet trouve ses marques en colorant ses compositions un poil plus que sur la précédente livrée, la mayonnaise ne prend véritablement jamais et se voit souvent pervertie de passages peu glorieux voire indignes du talent intrinsèque de Tobi et ses amis.

Alors oui, "Robin Hood" - single fun coloré et support vidéo clip (voir ci-dessous en cliquant sur la photo) - lorgne vers l'épique mais montre bien les faiblesses inhérentes à un style qu'Edguy ne semble maîtriser qu'en surface. Les ambiances et les atmosphères ne trouvent pas leur cible, la flèche décochée ici retombe derrière les méandres d'une pale réalisation qui, au départ, promettait pourtant beaucoup. Le morceau s'éternise ainsi en un break quelque peu soporiphique et ne justifie en rien ses 8 minutes, sans parler ici d'une certaine linéarité structurelle plutôt simpliste (mais qui aurait été pardonnable si cela avait été un hymne). Au contraire, le "frère" de cette chanson s'en sort mieux, un "Rock of Cashel" fièrement ancré sur ses 6 minutes et aux relants folk celtiques plutôt sympathiques. Peut-être l'un des morceaux les plus réussis de l'opus et qui offre une mélodie imprimable directement en tête. Terminons le chapitre "épique" avec "Behind the Gates to Midnight World", presque 9 minutes d'une construction assez dark et un tantinet progressive mais qui ne trouve jamais son rythme de croisière, la faute à des changements structurels quelque peu alambiquées faisant perdre un certain sens à l'ensemble.

Edguy 2011, Robin Hood Video Clip

Ce manque certain de rigueur structurelle plutôt difficile à suivre se retrouve sur d'autres passages, le plus évident étant ce "Pandora's Box" au refrain remarquable mais entouré d'ersatz de hard rock américain typé western/sudiste qui n'a pas grand rapport avec cette réussite. L'hommage à Aerosmith semble ici latent, pas une vraie surprise lorsqu'on connait les influences du sieur Sammet. Et puisqu'on est dans le vieux hard rock des années 80, n'oublions pas les britanniques de Def Leppard que l'ont peut voir (ou entendre) ressuscités sur le titre "Fire on the Downline", presque potable pour le coup mais bien trop frileux et sans la moindre prise de risque (si ce n'est cette intro toute en finesse rappelant un peu... Ghost Brigade sur le début, si si !).

D'ailleurs, niveau "sortie des sentiers battus", on peut repasser. Edguy se contente de faire dans le cliché et le classique les trois quart du temps, parant ses fondations d'éléments ou autres arrangements faussement novateurs. Cependant la supercherie ne prend pas et on se rend vite compte de la relative faiblesse des idées de base. Chaque morceau semble d'ailleurs assez pauvre au niveau des riffs rythmiques, seuls les solos semblent véritablement à la hauteur. Mais bon, puisqu'on parlait du manque de risque, "Two Out of Seven" vous fera sûrement tiquer (on en reparlera plus tard dans un autre domaine), "Breathe" en fera de même mais pour aboutir au final à un petit hymne bien sympathique - presque le seul morceau typé speed de l'album au côté du non moins correct "The Arcane Guild" (qui aurait cependant gagné en grandeur sans cet orgue hammond surjoué en fond).

Vous pensiez avoir eu un aperçu déjà assez négatif de la chose ? Mais le pire reste à venir avec quelques titres définitivement en dessous de l'acceptable. Passons sur la ballade finale qui n'apporte qu'une miévrerie peu aguichante à l'ensemble, et mentionnons l'horreur (désolé du mot) que peut constituer "Faces in the Darkness". Dès l'intro, on se demande où Tobias est allé choper cette voix désaccordée et profondément désagréable, puis s'en suit un des pires moments guitaristiques rythmiques de l'histoire du groupe. Alors oui, c'est dark, inquiétant... mais cela l'est surtout pour nos oreilles. S'en suit un enchaînement désordonné de rythmes et tonalités changeants qui déconcertent totalement l'auditeur, jusqu'à la cerise sur le gâteau d'un refrain passablement raté : à n'y rien comprendre. Avec ceci, cher Tobi, t'es presque assuré de devenir le "Nobody's Hero" dont tu parles dans ta chanson éponyme... bien médiocre celle-ci car sonnant au final comme un B-Side démodé.

Tobias Sammet s'est cependant vu épris d'une certaine lucidité en basant les paroles de son "Two Out of Seven" sur les média ou autres gens qui critiqueraient à tort (?) l'oeuvre des artistes. Ok, je veux bien, mais là euh... C'est un peu chercher le bâton pour se faire battre. D'ailleurs, puis qu'on parle des textes, restons-y... Non mais franchement : "What the fuck, suck my cock, I'm only a 7 out of 12... when I wank at the bank, I'm 10 out of 10 my friend!" (final de "Two Out of Seven") ?! Alors soit disant Tobias évolue et se veut plus mûr dans ses compos, mais niveau paroles cela ne s'arrange pas des masses on dirait. Remarque, cela permettrait à l'album d'être renommé Age of the Jerker que cela ne choquerait pas plus que cela... Trêve de plaisanterie, le fun est présent, mais restons tout de même raisonnable et évitons d'écrire tout et n'importe quoi, non ? Surtout qu'à la lueur de cet album, ceci sonnerait presque comme une provocation de mauvais goût.

Edguy 2011

Désolé pour le frontman allemand, mais il semble fort peu probable que le monsieur et ses amis se paluchent à la banque en criant victoire sur les ventes de cet album. Pas certain en effet que les fans apprécient cette nouvelle plaisanterie après un Tinnitus Chiantus quelque peu dispensable. Quoi qu'on est à même de se demander si Age of the Joker ne lui est pas inférieur... En fait, si, il l'est ! Production trop lisse et dénuée de puissance, manque global d'inspiration, performance vocale très moyenne, manques flagrant de goût par moment, la coupe est pleine.

Note : 2/7... ou 4.5/10, soyons indulgents !

Sortie le 26 août 2011 chez Nuclear Blast

NOTE DE L'AUTEUR : 4 / 10



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