La scène metal grecque « à chant féminin » (car bien sûr, on aime distinguer les deux genres, vous voyez …) est en pleine expansion (pour le bonheur des uns, le malheur des autres) et il n'est pas rare de croiser de nouveaux talents en provenance de cette scène. Entre The Rain I Bleed (dont on parlera très bientôt sur LGR), Meden Agan (qui va sortir une première galette en Septembre), Luna Obscura (qui a déjà réalisé un album de grande qualité) ou encore U.N.S.I.N. (qui n'existe plus malheureusement, s'étant séparés après un EP de bonne facture), voici Bare Infinity et leur power metal atmosphérico-symphonique. Always Forever datant déjà de 2009, il fallait bien une nouvelle livraison en 2011, et de ce fait, un EP voit le jour : The Passage. Il faut bien dire que le brûlot précédent était prometteur et donnait des espoirs dans l'avenir de la formation. Confirmeront-ils ce talent dans ce skeud ?
Les choses ont bien changées pour nos grecs depuis l'album, et dès la première écoute, cette évolution est palpable. La musique se fait moins atmosphérique, bien que gardant ce côté léger et frais qui caractérise si bien le combo, changeant de recette et livrant des morceaux beaucoup plus efficaces, axés sur le refrain et sur la mélodie qui reste en tête dès les premières écoutes. Mais, (mal)heureusement (rayez ou non la mention inutile selon votre préférence), la complexité n'est pas mise à l'écart, et cette accentuation de la puissance et des rythmiques déployées s'accompagne toujours d'une grande et belle diversité entre les pistes présentées ici sur The Passage. Breaks progressifs survenant de temps à autre, changements volontaires, rien n'est laissé au hasard sans pour autant tomber dans le prog pur. On reste toujours dans le même cadre, c'est à dire celui d'un metal symphonique flirtant très souvent avec le power metal épique, ou vice-versa, d'un power metal agrémenté de touches symphoniques soutenant une cadence déjà bien lancée dans ces moments. Entre accalmie et rage, on assiste à une certaine dualité dans la musique des grecs, l'un complétant l'autre, le tandem fonctionnant très bien, sans provoquer la lassitude, la répétition ou même le manque quelconque de surprises.
Pas de doute, la musique de Bare Infinity devrait plaire aux amateurs des genres concernés, au point même de laisser transparaître les influences de la formation, parfois un brin trop flagrantes, et probablement le seul véritable défaut qui puisse être trouvé à cet EP. Pour les inspirations, il va falloir chercher du côté d'Epica majoritairement, un nom qui nous reviendra à l'esprit de temps en temps, mais également chez Nightwish ère Oceanborn, la voix lyrique substituée par un chant plus chaud et rock, s'accordant à merveille aux titres. Pas de doute, le quintette va bel et bien s'inscrire dans la lignée des biens connus « groupes à chanteuses », aux côtés d'Edenbridge, Within Temptation, Xandria et consorts. Sauf que les méditerranéens font preuve de tant de professionnalisme et de bonne volonté, qui inhibe clairement l'ambiance générale, que la catégorie second couteau leur sera évitée. S'ils n'ont pas la renommée des sus-nommés, on peut très bien espérer qu'avec les qualités évoquées, ils parviennent un beau jour à se faire une place parmi les ténors. Et pourtant, il reste un point à améliorer, bien que nettement corrigé par rapport à l'essai précédent, c'est une production, tout à fait décente, écoutable, mais qui mériterait encore d'être un peu travaillée pour paraître plus claire et pour faire ressortir encore davantage le côté épique de la musique de Bare Infinity. Par ailleurs, on sent aussi que la musique de films inspire le compositeur, tant et si bien que l'on est immergés en plein dedans. Sur « Father of Wrath » par exemple, on imagine aisément un décor teinté de mythologie grecque, qui fait gagner un charme supplémentaire à la musique. Vraisemblablement, le combo sait s'y prendre pour plaire, ce qui n'est pas forcément évident.
L'un des avantages vient inévitablement de la voix d'Angel, la vocaliste. La grecque a de quoi faire des jalouses, car outre un timbre très agréable et pas si habituel dans le genre, elle est capable d'utiliser ses cordes vocales au service de la musique et non l'inverse. Chaude et sensuelle la plupart du temps, elle est capable de chercher des notes bien plus aiguës sans que cela ne lui pose aucun problème, et maîtrisant les notes les plus graves tout aussi bien. Dotée également d'une belle puissance en plus de cela, elle contribue grandement à la réussite de cet EP par les lignes de chant habiles et des capacités très honorables. Elle sera épaulée par un chant masculin extrême, qui, lui, est bien meilleur que sur album, contribuant ainsi à apporter un côté sombre à la musique, côté appuyé par quelques passages narratifs du plus bel effet.
Difficile de trouver un morceau qui ne comble pas entièrement, les pistes étant homogènes sur le plan de la qualité, bien que quelques unes sortent du lot malgré tout. On pensera en premier lieu à l'exquise « Awakening Moonlight », premier titre dévoilé et pourtant morceau de conclusion, captivante et mystérieuse, où là encore, on imagine vraiment une ambiance, une aura propre à ce titre. Nul doute qu'il sera le favori d'un bon nombre d'auditeurs. « Father of Wrath » est trépidante, inquiétante, entraînante, on ne s'ennuie pas une seule seconde. De plus, les passages dans la langue natale du groupe font gagner un énorme plus, et peut-être serait-ce là un filon à exploiter pour les cinq compères, car force est de constater que la langue grecque est très appréciable à l'oreille. « Letalis Malevolentia » est le titre le plus long, mais il passe comme une lettre à la poste. Modulations, refrain agréable, de quoi plaire. « Everfade » et « The Passage » sont plus calmes, et un poil plus faible mais toujours de bonne qualité.
Au final, voilà une belle mise en bouche avant l'album à venir ! Si l'originalité n'est pas la qualité première de ces jeunes musiciens, la créativité et le talent viennent compenser cet aspect. A l'écoute de The Passage, pas d'ennui ni d'inquiétudes, nous sommes rassurés quant à la qualité de la future livraison. Vivement le nouveau brûlot !