Le groupe le plus controversé de la nouvelle scène black metal est de retour ! Deux ans après la sortie de Sunbather, considéré par beaucoup comme l’album référence du black metal des années 2010, la pression sur les épaules de Deafheaven était tout autre à l’aube de la sortie de New Bermuda. Mais comme à son habitude, le combo parvient à surprendre et à livrer un opus différent de son prédécesseur, même s’il sera sans doute loin de se réconcilier avec les puristes du black metal.
Après avoir déjà inspiré le son de nombreux groupes, Deafheaven met visiblement un point d’honneur à toujours avoir un coup d’avance. Alors qu’il leur suffisait de refaire le coup du blackgaze sensible qu’ils maitrisent si bien pour s’assurer un succès critique et commercial, les Américains ont choisi le risque. Les cloches et le riff simple et sombre qui introduisent "Brought To The Water" annoncent en effet un album bien plus sombre qu’il n’y parait. Mais là encore, c’est une impression trompeuse, puisqu’à l’écoute de l’ensemble des cinq titres, on a parfois l’impression d’être face à un album d’indie rock sur lequel on aurait accolé des passages post-rock, parfois post-punk et des blasts-beats pour un résultat qui fonctionne à merveille.
Tout simplement, Deafheaven a muri en deux ans, et a su évoluer subtilement dans une direction encore meilleure. Alors qu’auparavant des interludes parfois un peu vides liaient les chansons, ils sont maintenant directement intégrés à celles-ci, leur apportant plus de contenu mais aussi plus de diversité. Moins long que son prédecesseur, le disque a aussi le mérite de supprimer les longueurs audibles sur ce dernier. On ne s’ennuie pas une seconde et on en vient presque à regretter de ne pas avoir un sixième titre à se mettre sous la dent !
Ce qui fait vraiment la différence dans cette nouvelle sortie, c’est la liberté laissée à Kerry McCoy. Le guitariste utilise avec brio des éléments originaux qui subliment les compositions du groupe, comme le solo de "Brought To The Water" ou celui de "Baby Blue". Ce dernier, le plus improbable de tous, voit débarquer pendant une minute une pédale wah-wah, pied de nez ultime aux puristes du black metal. Et ça marche ! Quant à Daniel Tracy derrière les fûts, il est moins mis en avant que par le passé mais le bougre assure toujours autant en transcendant les blasts beats classiques par sa classe.
Le plus impressionnant dans tout ça, c’est la voix de George Clarke, surplombant le tout sans jamais fléchir. Le frontman garde son timbre possédé du début à la fin même lorsque les mélodies se font plus douces sur "Gifts For The Earth", véritable hybride entre blackgaze et rock alternatif. Toujours pas de chant clair, cela semble être acté chez le groupe et c’est parfois dommage tant certains passages seraient propices à son introduction.
Effectivement, comme promis par le groupe, le son est parfois bien plus metal que par le passé, avec notamment des riffs intéressants dans la première partie de "Luna". Paradoxalement, les passages calmes vont eux aussi encore plus loin dans la construction d’un univers tout autre. On y sent bien sûr toujours l’influence d’Alcest et du shoegaze/post-rock, mais Deafheaven parvient aussi à s’échapper avec brio du côté de l’indie et du folk rock pour des mélodies qui amènent une émotion et une mélancolie particulière.
Au final, New Bermuda est loin de décevoir et montre un groupe qui semble savoir parfaitement où il va, sans se préoccuper le moins du monde de ses détracteurs ou de la pression dûe à son nouveau statut. En se frayant son chemin, Deafheaven entraîne dans son sillage de nombreux groupes et pourrait bien être à la base d’un mouvement de grande ampleur si le combo continue de sortir des albums de cette qualité.