Mouss Kelai, chanteur de Mass Hysteria

"On voulait avant tout que les gens prennent l’album dans la gueule en une fois !"

Alors que Matière Noire, le nouvel album de Mass Hysteria vient de sortir et que le groupe va bientôt s'embarquer dans une tournée française, nous avons pu nous entretenir avec Mouss, chanteur de la formation. L'occasion d'évoquer l'actualité du groupe mais aussi de jeter un oeil sur la carrière riche du groupe avec un frontman loquace et sans langue de bois. 

Salut Mouss, merci beaucoup de nous accorder cette entretien. Première question, la plus importante en ce moment, comment va Nico ? (NDLR : Nicolas Sarrouy, ex-guitariste du groupe gravement blessé dans un accident.)

Ca va beaucoup mieux. Il est sorti des soins intensifs et là il est rentré en rééducation, il a retrouvé la parole, la raison, il déconne… Il est encore en convalescence, mais de là où il revient ça va vraiment beaucoup mieux. Je sais que Yann le guitariste passe tous les jours le voir, j’essaye d’y aller une fois par semaine. On attend d’avoir le dernier album pour pouvoir lui amener en main propre, tous ensembles. Mais il n’est plus du tout entre la vie et la mort et c’est vraiment la très bonne nouvelle.

Vous allez sortir Matière Noire, à la fin du mois, un album qui est resté très secret jusqu’à la fin, pourquoi autant de mystère ?

Tu sais, c’est un peu un principe de « vieux con ». Aujourd’hui tous les groupes lâchent deux ou trois morceaux ou font écouter l’album en entier sur internet… Nous on a voulu la jouer un peu à l’ancienne, comme à l’époque où on écoutait nos vinyles de Metallica et où si tu voulais écouter l’album, tu devais l’acheter. Ça ne passait pas à la radio, Internet n’existait pas… C’était vraiment le seul moyen de l’écouter. Après je comprends aussi, c’est pour ça qu’on a sorti « Chiens de la casse » un peu avant la sortie officielle, mais on voulait avant tout que les gens prennent l’album dans la gueule en une fois et pas lâcher la moitié de l’album petit à petit.

L’Armée des Ombres a été unanimement salué par la critique. Ça a été beaucoup de pression de devoir composer son successeur ?

Oui et non. Oui parce que comme tu dis, pour l’Armée des Ombres l’accueil des critiques avait été unanime et la tournée qui a suivi était mortelle. Alors évidemment pour composer cet album on partait dans l’optique qu’il fallait faire quelque chose de mieux, différent, des trucs comme ça… Mais pour te dire, ça fait un an et demi qu’on travaille sur cet album et on m’a demandé de nombreuses fois si j’avais le trac. La vérité c’est qu’à l’époque j’étais en plein deuil et assez mal en point, mais je composais quand même sans être vraiment convaincu, simplement pour penser à autre chose. C’était faire ce que j’avais à faire en quelque sorte, ça a été difficile mais du coup je n’ai pas ressenti trop de stress.

L’état dans lequel tu étais a dû pas mal influencer ton écriture…

Quand j’ai commencé à aller mieux, j’ai décidé de filtrer tout ce que j’avais écrit pendant cette période et il y avait des trucs intenses que je n’aurais jamais écrit en d’autres circonstances je pense. Ça c’est fait inconsciemment. Pour moi faire un album ne relevait pas encore de quelque chose de concret. En fait j’écrivais, j’écrivais tout en me disant « On verra ça plus tard ». Du fait de cet état dans lequel j’étais ça donne peut-être un résultat un peu plus tranchant. Je ne saurais pas vraiment te dire parce que je n’ai pas du tout analysé les textes sortis, mais ils sont sans aucun doute plus bruts.

Mass Hysteria, 2015, metal, france, matiere noire, interview

Vous vous êtes isolés des médias et de la scène pendant un certain temps après la sortie de votre live à l’Olympia, c’était quelque chose de nécessaire ?

Je dirais qu’il n’y a même pas véritablement de raison, c’est une accumulation de circonstances. Le live à l’Olympia a constitué pour nous un point d’orgue de 20 ans de carrière et il a couté cher à produire. Heureusement on est rentrés dans nos frais parce que le live s’est bien vendu et ça nous a surtout permis d’immortaliser un concert magique pour nous. Mais pour le sortir ça a demandé un processus assez long et une fois qu’on a eu le produit entre les mains, on s’est un peu éteint. On avait tellement travaillé dessus avec en plus le stress de n’avoir qu’une seule chance de filmer un concert dans une salle aussi mythique qu’on avait tous bien besoin de vacances. Ce n’était pas quelque chose de prévu dès le départ mais ça coulait de source.

Vous avez accueilli récemment Fred Duquesne, touche-à-tout avec un CV long comme le bras, comment ça s’est fait ?

En fait, on lui avait déjà demandé il y a sept ou huit ans, avant que Nico intègre Mass Hysteria. A l’époque c’était la fin de Watcha, il commençait Empyr et il ouvrait son studio donc il avait plusieurs steaks sur le grill. Il était vraiment motivé pour venir mais il a préféré être honnête et nous dire qu’il avait trop de boulot ailleurs et qu’il n’allait pas pouvoir s’investir à fond avec nous. Mais il avait quand même les boules. Alors quand Nico a choisi de quitter Mass Hysteria, on a fait appel à lui pour produire le prochain album et de fil en aiguille il s’est retrouvé à faire la guitare dessus puis à intégrer définitivement le groupe. Aujourd’hui il arrive à concilier Bukowski et nous et ça a l’air de lui aller. Nos deux groupes vont jouer ensemble bientôt sur un festival, ça risque d’être assez drôle !

Vous avez émergé au milieu d’autres groupes labellisés french core aujourd’hui pour la plupart enterrés, comment tu expliques votre longévité ?

Je pense qu’on faisait partie d’aucun collectif, d’aucun groupuscule. C’est vrai qu’à l’époque il y avait la Team Nowhere et pas mal d’autres qui ont parfois commencé avant même qu’on soit créé. On tournait de temps en temps avec ces gars et on a eu quelques propositions pour rejoindre des collectifs, mais on a refusé. On voulait rester libre. On aurait pu franchement, mais je t’avoue qu’on ne se sentait pas tous impliqués pour sauter le pas. On s’en sortait bien tous seuls, tout en gardant beaucoup de respect pour tous ces groupes. On a toujours fait les choses dans notre coin, en étant un peu sauvage et c’est sûrement ce qui fait qu’on est toujours là aujourd’hui.

Le choix de chanter en français vous a forcément fermé des portes, tu regrettes de ne faire que rarement des dates dans les autres pays ?

Oui et non. Oui je regrette de ne pas pouvoir jouer partout et je me dis que si on était Américains, admettons, on tournerait un peu dans le monde entier, Asie, Amérique Latine… Donc je regrette un peu, seulement le fait de ne pas pouvoir jouer ailleurs. Après chanter en anglais non, il y a des groupes qui ont réussi à aller jouer partout en chantant en français et on aurait pu être un groupe français qui chante dans une autre langue comme Shaka Ponk ou Mano Negra à l’époque. Il y a aussi Trust qui a réussi à tourner pas mal en Angleterre grâce à leurs potes d’AC/DC. Ça me fait chier de pas chanter en anglais ou de ne pas être Américain ou Anglais, parce que forcément j’aurais pu jouer dans le monde entier, mais aujourd’hui je ne souffre pas de ne pas l’être. Avec Mass Hysteria on n’a pas tourné partout mais on a joué en Amérique du Nord, en Irlande, dans les pays de l’Est… On va aussi jouer en Nouvelle-Calédonie à la fin de l’année prochaine et on est en train de travailler sur la possibilité de faire une date ou deux en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Japon en profitant de ce voyage.

On n’aura pas la carrière de Metallica ou Pantera dans tous les pays du monde, mais à notre niveau en tant que groupe français, on arrive à se faire plaisir.

Mass Hysteria, matière noire, album, 2015, france

Tu es très engagé dans tes textes, selon toi c’est la mission d’un chanteur que de faire prendre conscience le public ?

Oui quand même. Moi je veux bien divertir cinq minutes mais bon, Patrick Sebastien ou la Compagnie Créole sont là pour ça. Après si tu fais autre chose que de la musique de camping, alors selon moi oui, tu dois éveiller le débat et les consciences, sans non plus être trop prétentieux bien sûr. Il faut bien se rappeler qui on est. Moi, mon père était ouvrier, communiste et syndicaliste, il faisait toutes les grèves donc assez tôt avec mes frères et sœurs j’ai été éduqué à l’importance d’aller voter et toutes ces choses-là. Je viens du peuple et du prolétariat mais je me suis rendu compte en grandissant que la gauche ne valait pas mieux que la droite, donc j’ai arrêté de critiquer la droite. Maintenant je pense que quelles que soit les religions ou les opinions politiques un pays peut s’unir. Il faut arrêter d’essayer d’opposer les hommes et les femmes, les jeunes et les vieux, les homos et les hétéros, les croyants et les non-croyants… Le seul vrai problème c’est les riches et les pauvres, la répartition de la richesse. Quand on aura résolu ça, en ne laissant personne sur le carreau ce sera déjà bien.

Qu’est-ce que tu écoutes en ce moment ?

Je suis fan du dernier Faith No More. Après le dernier Slayer, qui est un peu un retour à l’essentiel et au Slayer des débuts m’a beaucoup plu. Sinon je n’écoute pas trop les nouveautés, je reste plus sur mes vieux vinyles et sur mon portable où j’ai mis tout ce que j’aime depuis 30 ans. Ah si, je n’ai pas pu passer à côté du dernier Bring Me The Horizon, parce que ma femme adore ça et je l’ai trouvé pas mal, avec ses influences Linkin Park. Récemment je me suis enfin mis à la musique classique et je me passe des morceaux d’un quart d’heure de Mozart ou Beethoven.

Après 20 ans dans le milieu, vous faites figures de papa dans le style, ça vous fait quelque chose ?

Je ne vais pas dire qu’on passe d’élève à prof, mais c’est quand même beaucoup moins d’angoisse, moins d’insouciance aussi. Aujourd’hui je suis plus aguerri et je moins surpris par ce qu’il se passe dans la musique. Je préférais mes 20 ans quand j’étais insouciant et que tout était facile. Evidemment on s’amuse toujours et je n’ai pas non plus fini estropié ni brisé par la vie de chanteur de rock. Maintenant on est des vétérans mais les gens viennent toujours nous voir avec gentillesse et sympathie. Sans vouloir faire du jeunisme et croire qu’on a 25 ans, on accepte notre âge en même temps que notre statut de groupe chevronné. Personnellement dans ma tête j’ai 28 ans et j’aurai 28 ans toute ma vie. 

Merci beaucoup pour tes réponses Mouss ! Tu as un dernier message pour nos lecteurs ?

Gardez le moral et surtout restez positifs à blocs ! On se voit sur la tournée !

 



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