De nom, comme ça, si je dis The Rain I Bleed, vous ne verrez sûrement pas de quoi je parle (sauf si vous êtes des gens au courant des dernières tendances et que vous avez téléchargés la compilation World of Glass qui est gratuite ici. Si c'est le cas, vous êtes supérieurs à une bonne partie de l'humanité et j'érige un autel en votre gloire... ahem ! ). Mina G., ex-chanteuse de Karmic Link (dont j'ai parlé, il y a longtemps, ici), ça ne vous dit rien non plus ? Bon, ta culture est donc à refaire, Ô lecteur ignare. (mais que j'aime néanmoins car tu as/va télécharger la compil' ci-dessus … non?)
Comment vous appâter ? Allez, on va dire qu'en plus d'être très jolie, la grecque Mina nous offre deux invités surprises sur cet opus, Narcissist, qu'elle a entièrement écrit et composé. Il s'agit de Jonas Kjellgren et Jeff Loomis. Et là tout de suite, ça devient mieux. Mais aligner des invités prestigieux ne suffit pas à faire un bon brûlot, même si ça donne envie d'y goûter. Est-elle savoureuse, cette galette ?
A première vue donc, The Rain I Bleed semble être un groupe alléchant. Pourtant, la musique ne contient pas la moindre touche d'originalité, s'inscrivant directement dans le courant de ces groupes de metal mélodique/progressif (le second plus avec parcimonie, une tendance un peu là pour « se donner un genre », faire original, vous voyez) qui poussent comme des champignons. Pire, les grecs semblent chercher à surfer sur la vague actuelle de l'inclusion de sons modernes dans la musique, avec des sonorités electro (« The Day After Tomorrow » par exemple), n'ayant de nos jours plus rien de surprenant, d'édifiant, voir même d'assez novateur pour attirer l'attention. Les méditerranéens sont donc dans une musique au classicisme assez marqué, sans réelle prise de risque, ni tentative de sortir réellement des sentiers battus. Notre quatuor est donc en train de tendre le bâton pour se faire battre, avez un grand panneau lumineux « frappez-moi » clignotant en grand. Alors les mauvaises langues diront qu'un tel groupe n'a aucun intérêt, car il ne réinvente pas la roue, ni même n'a cette prétention …
… Et pourtant, ils auront tort. Si, de surface, nos amis de Grèce semblent ne pas spécialement se démarquer par rapport à leurs congénères qui peuplent le genre musical ressemblant désormais à une forêt, il faut cependant creuser un peu plus vers les racines pour comprendre que ce qui peut ressembler à une mauvaise herbe est, en réalité, une belle jeune pousse, qui deviendra certainement un bien bel arbre aux feuilles d'une verdure éclatante. Si aucun titre n'est marquant par rapport à un autre, ce brûlot à une grande qualité, c'est une homogénéité qualitative qui lui permet de ne pas sombrer dans l'insipide et le fade, en évitant judicieusement certains clichés. Pas de mauvais titre, tous sont de qualité, faisant passer un bon moment en belle compagnie, car la belle Mina, en plus d'être, semblerait-il, une compositrice assez talentueuse, est une chanteuse hors-pair, et probablement LE point fort de ce Narcissist, tant sa maîtrise et son talent sont le point qui permet à The Rain I Bleed de se démarquer des autres. Sa voix est variée, d'une chaleur enveloppante, la douceur berçante pouvant laisser place à une puissance qui, si elle n'atteint pas celle de Floor Jansen (le timbre de la belle grecque ressemble d'ailleurs beaucoup à celui de la frontwoman de ReVamp), reste relativement suffisante pour surclasser de loin un nombre important de chanteuses. La belle correspond à la musique, pouvant, elle aussi, se faire émouvante, la ballade « Lullaby » le prouvant. Et puis, oui, osons le dire, la jeune femme atteint les meilleures vocalistes actuelles du milieu dit « à chanteuse ». Voilà assez pour susciter l'intérêt.
L'autre point qui peut intéresser, ce sont les guests, présents au nombre de deux. Jeff Loomis (ex-Nevermore) sur « The Utter Me » et Jonas Kjellgren (Scar Symmetry) sur « Nocturne », piste la plus longue de l'opus, chacun tenant son instrument de prédilection, c'est à dire celle qui fait que le metal c'est du metal, la bien nommée guitare (dont certains s'affranchissent, parfois avec brio, mais là c'est une autre histoire …) qui gratifie d'un intéressant solo dont la patte de chacun est reconnaissable, même s'il est toujours bon de savoir qui est où et pourquoi. On aurait pu espérer un emploi un peu plus gratifiant, cependant, avec une place légèrement plus affirmée. Quant aux titres, s'ils restent plutôt simples avec pourtant d'intéressants changements de rythme marquant une réelle influence progressive dans la musique du combo, ils évitent l'écueil du bas de gamme en suscitant suffisamment d'intérêt pour que la traversée d'une rive à l'autre se fasse sans frustration. La voix de la dame, telle la pirogue, est le fil conducteur du fleuve, et les refrains sont plutôt mémorisables, sympathiques, avec de bonnes idées et un côté rafraîchissant. Pas de grosses surprises à l'horizon, mais une créativité de mise, et des prouesses séduisantes, tant vocales que musicales. Si le clavier est inexistant, remplacé par ses samples, il ne manque pas, s'éloignant même de nombreuses conventions souvent imposées dans le genre. Et les apports par-ci, par-là, à première vue superficiels, permettent de briser la monotonie. C'est comme cela, avec un brûlot comme Narcissist, en apparence simple, voir affligeant de banalité, il faut donner un bon coup de foreuse pour trouver quelques pièces d'un trésor.
Les détracteurs se mordront les doigts, car chez nos grecs, il n'y a pas vraiment matière à trouver du mauvais. Bien évidemment, l'originalité et la prise de risque ne sont pas les qualités les plus marquantes du groupe, mais assiduité et honnêteté, en revanche, cette formation en déborde. Narcissist ne révolutionnera en rien l'ordre établi, ni même celui se trouvant dans votre Cdthèque, mais il possède en revanche des avantages certains par rapports à ses concurrents. Allez, The Rain I Bleed, prenez un peu plus de risques, tentez un peu d’extravagance et vous décollerez tel le phénix. Dans vos rangs, en la personne de Mina G., vous comptez une vocaliste charismatique et bourrée de talent, alors pourquoi se priver de donner le meilleur au niveau musical en plus ? Le prochain album, s'il gagne en personnalité, sera une vraie bombe, et celui-ci est déjà très bon ! A découvrir.
