Cela ressemblait de prime abord à une mauvaise blague. Un festival axé sur le black thrash metal à Lesménils ? Le petit village coincé entre Nancy et Metz s’est pourtant bien transformé le temps d’une soirée en temple du riff sale avec pour maîtres de cérémonie les Norvégiens d’Aura Noir, pour leur seul concert français cette année. Une fête de l’underground qui a tenu toutes ses promesses.
Infamy
Premiers à s’installer sur scène, les Lillois d’Infamy débarquent avec un black thrash metal intéressant, mais manquant de dynamisme. Le trio livre un bon set, s’appuyant notamment sur un chant très convaincant. Pour le reste, la performance des musiciens n’est pas des plus carrées, les retours semblant ne pas fonctionner de manière optimale.
Côté public en revanche tout va bien et chaque détail du concert est audible, chose à souligner étant donné que la salle n’a jamais accueilli de concert metal.
Si le black teinté de thrash des nordistes n’est pas des plus mémorables, il devient beaucoup plus intéressant lorsque le propos se fait plus lent, presque doom. De même lorsque le frontman Morbid Ebenezere lâche sa guitare et que le groupe nous offre un morceau basse – batterie – chant des plus originaux.
Avec un set d’un peu plus d’une demi-heure on ne peut pas dire que le public, peu nombreux à cette heure, soit véritablement conquis. Peut-être que l’ajout d’une deuxième guitare dynamiserait davantage le set pourtant prometteur d’Infamy.
Hexecutor
Changement total d’ambiance avec Hexecutor, tout du moins au niveau du public ! Les quatre bretons semblent avoir déplacé une armée de fans venus les soutenir et obtiendront l’une des plus grosses affluences de la soirée. Boostés par une telle ferveur, le groupe déroule son thrash metal teinté de heavy d’une fort belle manière. Tout cela fleure bon les années 80 et ce n’est pas le look des musiciens, résolument kitsch qui va enlever cette impression.
Ces derniers font en tout cas preuve d’une précision chirurgicale et semblent vraiment complices sur scène. Les solos de Joey Demönömaniac sont interprétés avec brio pendant que la section rythmique en béton composée de S.Chainsaw Maeströr à la basse et Putrid Vön Rötten à la batterie ne faiblit jamais, headbanguant à tout va. La voix éraillée de Jey Deflagratör ajoute un côté death qui sublime encore davantage la performance du quatuor.
Avec des hymnes comme « Soldiers Of Darkness », le combo met tout le monde d’accord et déclenche le premier moshpit de la soirée. 30 minutes de thrash intenses mais bien trop courtes au-delà desquelles Hexecutor doit tirer sa référence, en ayant fait le bonheur de ses fans et converti les néophytes.
Slaughter Messiah
Après la déferlante thrash Hexecutor, c’est une formation bien plus typée black metal qui s’apprête à fouler les planches. Crucifix inversés, corpse paints, tout est là pour accueillir Slaughter Messiah, fine fleur du black death metal belge. Emmené par un Lord Sabathan (Ex-Enthroned) en pleine forme, le groupe nous envoie sans faiblir ses titres rageurs qui font un malheur dans la fosse.
Soutenu par une paire de guitaristes de qualité (dont un faux-sosie de Nergal), le charismatique frontman martyrise sa basse tout en éructant les paroles dans son scream caractéristique, parfois complété par des montées dans les aigus proprement démoniaques. Avec des hymnes comme « Black Speed Terror », « Consecration » ou la cover de Bathory « Die in Fire », les Belges n’ont aucun mal à rallier à leur cause les spectateurs indécis. Le seul défaut du show est finalement le son, trop porté sur la basse et qui empêche d’entendre distinctement les solos (une constante pour la soirée malheureusement).
Malgré un petit souci technique pour John Berry et une caisse claire cassée dès le deuxième titre, rien ne semble perturber le quatuor qui embraye de plus belle sans laisser l’ambiance retomber. Avec un set aussi intense que maitrisé, Slaughter Messiah aura mis une bonne claque à ceux pas encore bien réveillés par les premiers groupes. Un des grands moments de ce Black Thrash Attack Fest.
Setlist :
Swamp Of Torment
Slaughter Messiah
Black Speed Terror
Blasphemous Ex…
Bells Of Damnation
The Consecration
Die In Fire (Bathory Cover)
Perversifier
Difficile pour Perversifier de passer après de telles performances, surtout quand la technique s’en mèle… Le concert des bretons s’annonçait pourtant sous les meilleurs auspices, mais de gros problèmes de retour batterie vont venir hacher le show et agacer particulièrement les musiciens.
Dommage car le thrash aux relents punk joué par le groupe est d’une efficacité redoutable, évoquant parfois la rage d’un Toxic Holocaust. Ça joue vite, bien et fort avec notamment le guitariste/chanteur d’Hexecutor qui adopte ici un rôle de guitariste soliste de fort belle manière.
Malheureusement, on retiendra davantage un concert tronqué où le frontman de la formation est forcé de changer par deux fois de basse avant de détruire la dernière sur les planches, de rage. Le public déserte peu à peu la fosse alors que Perversifier tente tant bien que mal de mener le concert à son terme.
Une performance difficile à juger donc, mais on peut saluer les bretons d’avoir continué le show jusqu’au bout malgré les nombreux soucis. On espère les revoir dans de meilleures conditions.
Erazor
Première curiosité de ce Black Thrash Attack Fest, Erazor donnait ce jour-là son premier concert en France en dix ans d’existence ! Les Allemands sont encore relativement inconnus chez nous, à en juger par l'affluence peu fournie pendant leur set. Loin de se laisser démonter, le groupe emmené par un chanteur possédé va dérouler pendant trois quart d'heure son black thrash metal aux forts relents de NWOBHM.
En effet, si ce n'est pas la caractéristique qui saute aux yeux dans la musique d'Erazor, les influences heavy sont bien là, à commencer par les solos harmonisés où les guitaristes Max et Alex se renvoient la balle d'une fort belle manière. On a le droit à quelques secondes de "Wasted Years" d'Iron Maiden avant que le groupe n’embraye sur ses titres black thrash efficaces, principalement issus de Dust Monuments, dernier effort en date du combo. Mais ces derniers, bien qu'exécutés à la perfection restent tout de même assez linéaires et peuvent finir par lasser.
Fort heureusement, le son est pour une fois excellent et permet d'entendre tous les détails des instruments, en particulier au niveau de la section rythmique, où Roman le batteur fait office de métronome avec une précision diabolique. Au chant, Black Demon est véritablement habité par sa musique et nous livre une démonstration de puissance qui met en avant sa voix caverneuse. Le frontman tente tant bien que mal de motiver le public qui finira par adhérer à son propos.
Pour une première en France, Erazor aura assuré le spectacle et sans doute gagné quelques fans au passage, en plus des quelques irréductibles connaissant les paroles. Un choix de programmation gagnant, une nouvelle fois.
Setlist :
Evil Shall Prevail
Coalmine Disaster
Torchlight
Dust Monuments
Total Might
Out Of The Grave
Sabbath Of Sin
Thrashing Legions
Demonic Slaughter
In Her Tower
Darkness
Pour Darkness aussi il s'agit d'une première en France, depuis sa formation il y a 30 ans. Et au vu de la prestation délivrée on espère que ce ne sera pas la dernière ! Bien aidés par un public habité par le thrash old school du quintette, les Allemands ont tout ravagé sur leur passage pour offrir le meilleur set de la soirée.
Il faut dire que les immenses classiques que sont « Staatsfeind » ou « Iron Force » sont taillés pour le live et n'ont pas pris une ride, surtout lorsqu'ils sont interprétés avec une telle fureur par le groupe. Souriant du début à la fin du set, les membres semblent tout surpris de l'accueil triomphal qui leur est réservé. Le frontman Lee Weinberg s'en donne à cœur joie pour faire participer le public qui a pourtant bien du mal à comprendre ce qu’il dit, provoquant des incompréhensions assez drôles.
Quelques passages plus lents et progressifs comme sur "Burial At Sea" viennent calmer le jeu avant que le groupe n'embraye sur des tueries comme "Critical Threshold" dont le refrain est repris en chœur par toute la salle. On en arrive presque à oublier les problèmes de sons qui empêchent d'entendre les solos d'Arnd et Meik, alors que les deux guitaristes exécutent leurs parties à la perfection. Le set passe à la vitesse de la lumière et se conclue sur "Armaggedon" où le roadie viendra lancer des confettis sur le public. Vous avez dit festif ?
Dans les années 80, nul doute que Darkness avait sa place aux côtés de Kreator ou Sodom. Il en a été autrement, mais aujourd'hui le combo n'a strictement rien à envier à ces poids lourds du trash et avance avec une humilité et une proximité avec son public qui force le respect. Bravo messieurs et à bientôt dans l'Hexagone.
Setlist :
Critical Threshold
Battle To The Last
Death Squad
Staatsfeind
Burial At Sea
LaW
Iron Force
Armaggedon
Aura Noir
Pour conclure cet intense festival, les Norvégiens d'Aura Noir, culte de chez culte dans la scène black thrash metal étaient conviés à amener leur fameuse "Black Thrash Attack" à Lesménils. Le groupe emmené par Appolyon et Aggressor est en pleine forme et c'est toujours un plaisir de profiter de leurs rares passages dans l'Hexagone.
Aggressor, handicapé par son accident joue toujours assis sur son tabouret, développant un jeu de scène original. Véloce comme jamais à la guitare, son chant n’est cependant pas aussi convaincant que celui de son compère Appolyon. Armé de son éternel regard mauvais, l’ex-Immortal vit sa musique, livrant une performance qui frôle la perfection à la basse et au chant.
La setlist nous ballade des débuts d’Aura Noir au dernier album Out To Die avec notamment l’excellente « Hell’s Fire ». Seul dans son coin de scène, Blasphemer sort une quantité impressionnante de solos tous plus fous les uns que les autres, parfois inaudibles comme souvent ce soir mais l’effet est là.
Aura Noir est une véritable machine infernale où tout est parfaitement réglé pour offrir un black thrash furieux et sans concession. Le groupe passe facilement de blast beats dévastateurs à des rythmiques thrash propices aux moshpits, sous le regard attentif de tous les groupes de la soirée.
Mais les thrasheurs semblent un peu émoussés après le set de Darkness et plus de six heures de festival. Après deux derniers morceaux excellents et quelques mots en français d’Appolyon pour remercier l’organisation du festival, le frontman donne rendez-vous à ses fans au bar pour finir la soirée. Une leçon d’humilité de la part d’un groupe mythique qui aura su donner un concert de grande qualité pour finir cette première édition du Black Thrash Attack Fest en beauté.
Une première édition réussie, sur tous les tableaux. Le pari était grand, dans une région assez pauvre en metal extrême, et une salle peu habituée à ce genre de concert, mais les organisateurs ont réussi à produire une soirée de qualité sans problème majeur. Un sans-faute à la programmation, une organisation sans faille le jour J, tout a vraiment été fait d’une excellente manière pour que la fête soit totale. Le public qui était venu de toute la France est reparti loin d’être déçu et on sait déjà que la barre est placée très haut pour les années à venir.
© photos : Clémentine Desloges