Nader Sadek – In the Flesh

Quelle étrange immondice se cache derrière ce nom énigmatique qu'est Nader Sadek ? Une pâtisserie tunisienne ? Certainement pas ! Il s'agit d'un peintre et sculpteur contemporain d'origine  égyptienne. Nader Sadek a également toujours officié dans le cercle fermé de Mayhem, groupe mythique de Black Metal norvégien. Il est en effet responsable des décors et effets qui ont fait la réputation scénique de ce groupe légendaire. Alors avec un Curriculum Vitae aussi chargé, Nader Sadek a décidé cette fois-ci de développer son art à travers la musique, le seul domaine qu'il n'a pas encore touché. Il conceptualise alors ses démons dans un projet qu'il appellera Nader Sadek, et s'entoure des plus grands musiciens de metal.


Vous êtes assis ? Imaginez le meilleur de Morbid Angel. Vous souvenez-vous des growls caverneux de Steve Tucker ? Mayhem lui prête Rune Eriksen (aussi dans Ava Inferi), pour les guitares. Et enfin, Flo Mounier, le batteur-jazzman de Cryptopsy, vient prêter main forte dans ce projet insensé.

Ne nous arrêtons pas en si bon chemin ! Deux autres protagonistes de Mayhem sont là. D'une part, Attila Csihar en personne accompagne par moments Steve Tucker au chant, et d'autre part, Destructhor exécute les solis de guitare. Aux guitares également, vous trouverez Tony Norman (Monstrosity) et Mike Lerner (Behold the Arctopus). Enfin, Nick Mc Master (Krallice) a composé les parties de basse. C'est sûr, ça fait du beau linge.

Ca sonne comme un bon vieux Morbid Angel, ça pue comme du Mayhem, et Flo Mounier envoie la pâtée pour ajouter au côté Death du projet. Mais attention ! Cet album est cérébral, il sonne davantage comme l'album Ordo ad Chao de Mayhem, il est malsain, noir, puant. Et l'on sait que Ordo ad Chao est loin d'avoir conquis tous les fans de Mayhem... Le côté travaillé du projet s'explique tout simplement par le fait que c'est le travail d'un artiste-concepteur. Créateur d'ambiances, Nader Sadek a projeté ses idées noires sur des notes, des voix, un univers bien à lui. L'album In the Flesh parle de l'or noir. Il évoque les immondices de l'âme humaine au travers de sa préférence pour le pétrole, sa "pétrophilie" comme il l'appelle. Alors...serons nous condamnés par ce combustible tant convoité ? Ce qui ne nous tue nous rend-t-il plus fort (Nietzche) ? 
 

Nader Sadek 2011


Des profondeurs de la terre, le pétrole bourdonne tranquillement. Seules les machines d'extraction résonnent dans un écho prolongé par la voix préhistorique de Chris Tucker. Cette voix soudainement se réveille sur un superbe titre intitulé "Petrophilia" qui parle d'or noir ! Imméditement on croit entendre un Mayhem, le son lourd des guitares et la technicité de l'album rappellent les récents titres du groupe Norvégien. Mais ce qui surprend, c'est la voix de Steve. On avait vite oublié combien celle-ci était grandiose. Qu'il est bon de retrouver un timbre d'outre-tombe se poser sur les notes imaginées par Nader Sadek !

Les notes sont lourdes, et les guitares sont étouffées dans un écho vibrant, mais sans être saturées.  Les trois premiers titres de l'album vont vous absorber dans une aura noirissime. Rien ni personne ne viendra vous secourir. Les guitares se calent sur une batterie dynamique où Flo ne lésine pas sur la double pédale. "Petrophilia" joue sur les rythmes, tantôt Death, tantôt Jazz, et une légère musique se superpose en beauté sur les voix de Steve Tucker, retravaillées à l'ordinateur.

La baffe continue sur "Of this Flesh (Novus Deus)". Amateurs de mp3, s'il y a un titre à acheter en ligne, c'est celui-là ! La voix de Steve est si grave qu'elle est à peine audible derrière le bourdonnement des guitares ! Ce son d'outre tombe vous enveloppe et vous serez poussés par cette rythmique lente, presque en mid-temp malgré les accélérations de batterie. Le refrain est juste jouissif. Des voix féminines accompagnent Steve Tucker dans ce titre unique. Mais ce ne sont pas des voix angéliques, non.

Les interstices instrumentaux vous rappellent que vous n'êtes pas chez vous. Vous êtes sur une planète dévastée par l'or noir, le collant, le pathologique, l'addictif.

Et ça continue sur "Soulless" où vous décollerez pour la première fois les pieds du sol, parce que le superbe solo exécuté par Rune Eriksen vous emportera loin. Même les riffs à peine crachés aiguiseront votre curiosité. Vous serez également impressionnés par les très intéressants breaks de batterie et changements de rythme. Mais serez-vous emportés sentimentalement ? C'est une autre paire de manches... Moi en tout cas je décroche...

L'album me renvoie vite sur les rails au troisième titre instrumental, sur six titres,... eh oui ! Comme je vous disais, l'album est un concept. Mais les murmures de Steve Tucker sont tellement inhumains...

"Mechanic Idolatry" poursuit la lancée et satisfera tous les grands fans de Death. Ce titre, comme la plupart d'ailleurs, envoie la musique comme une pulsation. Une dynamique lourde, une machinerie de guerre, et un titre plus simple à suivre. Entre un Behemoth, un Deicide et un Vomitory, ce titre plaira à tous les amateurs du genre.

"Sulfer" est un des meilleurs titres de l'album. Très intéressant à écouter, il soulève un questionnement intense. Il est probablement le titre qui rappelle le plus l'ambiance de Mayhem, ce Black Metal pour les intellos, les puristes. Clairement, ce titre nous oblige à puiser dans notre esprit pour y trouver nos propres réponses, trouver notre propre place dans cet univers obscurci par l'or noir. Le monde tombera avec les dernières vapeurs toxiques. Nous le savons tous. Mais grâce à ce titre, extrêmement bien placé sur l'album, nous savons que nous sommes déjà damnés du fait de notre propre nature.

Le dernier titre me conforte dans cette idée. Ténébreux et nihiliste, "Nigredo in Necromance" est toutefois d'une beauté sans précédent.  On y retrouve non sans un certain plaisir, une mélodie douce et une batterie très sûre d'elle alliant mélancholie, tristesse, vide. Comme un écho au milieu d'une grande ville enruines. La voix de Steve Tucker s'est tue, sans que l'on s'en aperçoive.

Vous ne pouvez pas aimer cet album. Vous le vivrez, le ressentirez, le palperez peut-être ? Mais vous ne l'aimerez pas. Il vous malmènera, vous poussera dans les profondeurs de votre propre âme. Ce qui est sûr c'est qu'en trente minutes à peine, il vous placera dans un certain état d'esprit. Si vous êtes convaincu de votre propre perte, écoutez-le. 

 

Tracklist :

01.   Awakening
02.   Petrophilia
03.   Of This Flesh
04.   Exhaust Capacitor
05.   Soulless
06.   Rusted Skin
07.   Mechanic Idolatry
08.   Sulffer
09.   Nigredo in Necromance
 

Katarz

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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