"...Ghost est un antidote à la superstition et mérite que le public français lui réserve tout particulièrement un accueil magistral..."
Mardi soir, un bon millier d’entre nous se sont rendus au Radiant à Caluire, près de Lyon. Dans la salle comble, beaucoup étaient venus des contrées avoisinantes, ne reculant devant rien pour avoir le privilège d’assister à la toute première prestation de Ghost en France, quarante deuxième date de la tournée Black To The Future.
Dead Soul
Rendez vous était donné à 20h00, et l’attente ménagée jusqu’à l’arrivée des Suédois sur scène a généré l’excitation intérieure de chacun, comme un préalable nécessaire à l’extase espérée. A cet égard, la première partie, tenue par le trio de Dead Soul qui accompagne la tournée, a présenté pour seul intérêt une incitation de l’audience à l’oubli le plus total de ces âmes bien tristes qui avaient tout perdu. "Lost my way, all i can do is pray"… Etait -ce cependant un avertissement préalable?
Ghost
Ainsi, le public a pris corps, figé sur place dans une attente hypnotique quasi religieuse, bercé durant dix minutes par le psaume 51 mis en musique par Allegri en 1630.
Puis, ensuite, la lumière s’est atténuée au fil des psalmodies de "Masked ball", thème musical du film Eyes Wide Shut… Les regards sont rivés sur la scène vide.
L’obscurité, devenue complète, s’accompagne d’appels et d’applaudissements de la foule qui frémit de désir. Une lumière rouge s’installe dévoilant, dans sa lueur, une estrade centrale sur laquelle se dressent batterie et claviers... Les incantations psalmodiques s’amplifient laissant place, à nouveau, à la fascination muette de l’assemblée et, soudain, un immense vitrail art déco, façon Mucha, est projeté sur le fond de la scène, déclenchant les hourras de la foule subjuguée.
Les Nameless Ghouls, goules musiciennes masquées, prennent place et nous découvrons leurs nouveaux uniformes élégants et sexy en diable : la seule chair apparente est celle de leurs mains magiques. Les premières notes de "Spirit" retentissent magistralement.
Papa Emeritus III s’avance, affichant un calme plus réconfortant que glaçant, attitude dont il ne se départira pas tout au long du show. Dès lors, tout le monde décolle ensemble et sera transporté sans relâche jusqu’au bout de la nuit... Comme ces fiers nordiques savent bien mener leur affaire !
Le maléfice s’exerce par la puissance diaboliquement séductrice des mélodies « ghostiques », servies par un chant suave et des guitares d’un à-propos à couper le souffle. Le clavier et la batterie, juchées sur l’estrade centrale tiennent solidement l’ensemble.
Les guitares, quant à elles, exploitent tout l’espace de la scène selon un ballet chorégraphié, de grande classe, mêlant, sans agitation superflue, la puissance et la grâce... La nouvelle tenue des goules leur autorise une mobilité bienvenue et le jeu de scène des trois guitaristes participe, pour le meilleur, au spectacle racé et envoûtant qui nous est offert. Les goules Feu, Ether et Eau se regroupent pour servir à l’unisson les riffs les plus lourds et ravageurs, elles se cherchent et se répondent en toute complicité.
La goule Ether, Oméga, en particulier, mène la cadence d’un pied impérieux. Au final, il émane un sex-appeal démoniaque de ces goules délivrées de leur tenue monastique.
Papa Emeritus III est parfait dans son rôle, installant, comme en toute confidence, une complicité avec l’assemblée qu’il amène à une communion libératrice... Ici, pas de cris, pas de violence, pas de prêche... Il s’agit plutôt de moquer la notion de péché originel avec force clichés salutaires.
A l’issue du set, les salutations en ligne groupée des artistes masqués nous confirment que nous venons de prendre part à une fascinante prestation quasi théâtrale. Gratifiés de dix-sept titres dont plus de la moitié issus de Meliora, nous tairons les surprises scéniques et la set-list détaillée afin de ménager le plaisir de nos prochains selon le souhait exprimé du groupe.
Ce n'est qu'un au revoir, "children of Lyon"...
Le spectaculaire concert s’achève pour de bon par un rappel monstrueusement rassembleur. Après des derniers saluts chaleureux échangés avec les musiciens initiateurs, la nouvelle fratrie constituée ce soir là se disperse respectueusement accompagnée par le gothique "The Host Of Seraphim" de Dead Can Dance.
Ghost est un antidote à la superstition et mérite que le public français lui réserve tout particulièrement un accueil magistral.
Lors d’une interview, une des goules a confié que le groupe aimait que son public lui réponde en chantant alors voici un conseil avant de vous rendre au concert : le minimum, si vous êtes novices, sera de vous approprier les paroles de deux joyaux de Meliora , "Absolution"et "Cirice" . Aucune difficulté à trouver le nécessaire car le groupe, s’il tâche de garder secrète l’identité de ses membres, livre son œuvre en écoute libre.
La contagion sera inévitable dès lors que l’on se sera laissé guider par le jeu séducteur minutieusement orchestré de Papa Emeritus III et des Nameless Ghouls. L’envoûtement est assuré et nous y avons adhéré dans la plus parfaite allégresse. L’effet Ghost persiste plusieurs jours, et il est si entêtant que le danger est peut-être bien de succomber à la tentation d’y goûter encore…
Photos: Eric OZIRITH