Tous aux abris ! Les proggeux Norvégiens de Leprous sont de retour avec une nouvelle galette répondant au doux nom de Bilateral sortie cet été chez InsideOut. Première constatation, la jaquette de l'album est pour le moins assez énigmatique ; serait-ce signe que le contenu de l'album serait également sur cette même lancée ?
Eh bien n'en déroge à la rêgle, et ce dès les premières intonations de cet album, nous pouvons affirmer que le brin de folie présent dans les précédentes oeuvres de la formation est bel et bien présent ; l'instrumental est bien rôdé, et nous retrouvons une alternance de rythmes et d'atmosphères tantôt sinistres et pesantes, tantôt plus "légères" et lumineuses, et c'est de ce contraste que va découler cette alchimie que l'on pouvait tant attendre ! L'occasion au passage d'admirer le magnifique travail de production autour de cet album, visiblement extrêmement soignée et parfaitement maîtrisée. La prestation vocale assez exceptionnelle d'Einar Solberg est en parfaite adéquation avec l'atmosphère des pistes, et retrouve même un aspect assez "théâtral" par moments. Les refrains deviennent très rapidement entêtants, alors que les musiciens démultiplient les prouesses techniques côté rythmique nous procurant à de nombreuses reprises une sorte de "mal être" ; nous nous retrouvons bien vite désorientés par rapport au tempo adopté et c'est ce qui rend leur musique si personnelle et chaleureuse. "Forced Entry", véritable chef d'oeuvre de plus de dix minutes et piste la plus longue de l'album, nous est servie d'emblée puisqu'en seconde position. L'occasion d'admirer la maîtrise de la composition dans ce groupe, capable de nous emporter durant ces dix minutes autant que sur les autres pistes qui avoisinent généralement les cinq à six minutes en moyenne.
Visiblement, les Norvégiens disposent de toute leur liberté afin d'évoluer comme bon leur semble dans leur musique, et n'hésitent pas à diversifier leurs compositions ce qui rend cet album vraiment "vivant". Pas de place pour l'ennui ici ; cette perte de repères temporaux nous emporte et la désobéissance dûe au côté expérimental nous éloigne de tout "dogme musical" pré-établi.
Prenons pour preuve d'un tout autre contraste un petit exemple : l'enchaînement plus que curieux de trois pistes (ou plutôt l'interposition de la seconde entre les deux autres) : "Thorn", assez agressive, sur laquelle monseigneur Ihsahn lui-même viendra pousser la chansonnette pour notre plus grand plaisir, "Mb. Indifferentia" qui ressort comme étant la "petite ballade" de l'album au vu de l'instrumental présenté dans le reste des pistes, et en dernier lieu "Waste of Air" et son énorme rythmique (qui aura pour sûr le loisir de devenir le nouveau réveil matin d'une partie de la rédaction) qui va progressivement nous entraîner dans un énorme tourbillon psychédélico-expérimentalo-torturé et que nous vous déconseillons de faire écouter à mémé (sauf si bien entendu, elle est déjà sous terre auquel cas elle ne risquera plus grand chose).
L'album s'achèvera sur "Painful Detour", qui constitue pour moi un "résumé" de cet album à elle seule ; une piste complexe qui, débutant sur une rythmique bien barrée, va très vite évoluer dans une direction plus "proggy" nous faisant parfois penser côté guitare à du John Petrucci. La batterie est parfaitement maîtrisée également, et subtilement placée ; tout comme la basse que l'on distingue vraiment bien et qui est intelligemment dosée. La ligne de chant quand à elle est impressionnante et entraînante du début à la fin ; un véritable chef d'oeuvre que voilà.
En jouant sur l'ensemble de ces variations musicales, Leprous n'éprouve aucune difficulté à nous emporter dans un tout autre univers ; ils nous proposent ici une véritable pépite qui ne saura laisser indifférent tout amateur du style, tant de part sa complexité musicale que structurelle.
Cet opus trouve sans contexte sa place parmi les meilleures oeuvres de cette année 2011 ; du grand cru !