« Encore un groupe de metal symphonique à chant lyrique ». Il y a de quoi se le dire au vu du nombre de formations qui pullulent dans le genre. Et bien sûr, on peut se dire la même chose en voyant débarquer d'Italie les cinq membres de Crysalys et leur premier brûlot The Awakening of Gaia, qui sort sur Aural Music. Présenté comme groupe de « post-opera », il ne faut plus être dupe désormais, nous savons tous que ces étiquettes ne veulent plus dire grand chose (sauf exceptions). Bref, c'est sans grand enthousiasme que l'attaque d'un énième combo du genre va se faire. Mais peut-être se démarquera-t-il ? Mystère.
Sous ce qualificatif plutôt redondant de « post-opera » se cache un metal symphonique tout ce qu'il y a de plus classique. Entendez par là beaucoup de claviers, une chanteuse lyrique, une musique peu aventureuse et originale, qui respecte bien les conventions du genre. Bref, comme beaucoup le diront, c'est encore un groupe qui va se noyer dans la masse. Et ce n'est pas le premier morceau qui fera mentir les détracteurs, malheureusement : pompeux, peu cohérent, tentant vainement de paraître inspiré pour retomber à plat trop vite. Peu d'accroche sur ce titre éponyme qui, rassurons tout de suite, est le moins bon du brûlot, celui que sans peine on oubliera lorsqu'il s'agit d'écouter l'ensemble. Tout ne commence réellement qu'à la deuxième piste, donc, qui elle non plus ne bénéficie pas de la plus grande originalité, et, évidemment, cela continuera sur cette voie. Crysalys reste encore sur les chemins balisés, les italiens se cherchent mais jouent quand même la sécurité, et au fond, quand on s'aperçoit du fiasco qu'est le premier morceau, on se dit que finalement, c'est mieux comme ça. Rester sur des bases solides et tenter de s'octroyer une place, il y a d'autres moyens que l'originalité pour y parvenir, et ça, le combo l'a bien compris. Encore faut-il disposer de ces atouts. Brisons le suspens : le quintet les possèdent.
Et les premières félicitations reviennent à Chiara Malvestiti dont la voix est superbe. Inutile d'aller chercher un clone de Tarja, ce n'est pas ici que vous trouverez cela. Chez Crysalys, on préfère les belles voix d'opéra, au service de la musique et qui prennent un spectaculaire envol, des conditions respectées car la belle est étonnante de talent, et pas seulement dans son registre lyrique, mais dans d'autres domaines aussi. Dans des tons clairs, elle s'en sort à merveille avec son timbre plutôt grave et chaleureux, capable de gagner en puissance pure (« My Will Be Done », très bon morceau), d'effectuer des envolées d'une grande justesse, bref, elle ne laissera pas entrevoir de points faibles. Là où ça cloche, c'est quand sa voix se fait moins « naturelle », lorsque le combo décide d'apposer des effets sur sa superbe prestation. Dans « The Awakening of Gaia », c'est trop. Heureusement que ceux-ci, par la suite, ne sont utilisés qu'avec parcimonie, car le talent de Chiara mérite vraiment d'être souligné.
Seulement, on pourrait peut-être regretter dans ce The Awakening of Gaia le manque d'une piste particulièrement marquante, d'un hymne qui se retiendrait, resterait dans la tête sans la quitter. Malgré une belle énergie, une présence des guitares beaucoup plus accrue que dans moult groupes de la même trempe, une puissance qui se dégage, les titres glissent, font plaisir, se retiennent partiellement mais aucun ne retient vraiment l'attention. Et pourtant, tous (ou presque) sont bons, sans être transcendants, mais font passer un très bon moment en compagnie des italiens. Et l'avantage, c'est que l'on ne s'ennuie pas du tout, un autre point qui permet à Crysalys de prendre une certaine avance par rapport à d'autres. Sans avoir des refrains à tout casser, la formule est quand même trouvée pour empêcher d'aller écouter d'une oreille distraite. L'auditeur, captivé, reste et écoute, en appréciant des titres tels « My Will Be Done », « When Sirens Sing » ou « Time for Vultures », qui forment le trio gagnant. Chacune mérite d'ailleurs d'être mentionnée, la première pour présenter la chanteuse sous un jour plus agressif, la seconde pour ses superbes démonstrations et son atmosphère orientale, la troisième pour être un hit en puissance, avec des petites incursions vers le prog fort bien réalisées.
En plus de cela, malgré un classicisme apparent et appréciable, Crysalys aime bien cacher des petites surprises. C'est bien simple, si l'on creuse un petit peu, les morceaux ne se ressemblent pas autant que l'on pourrait le croire, et des petits coups de cœurs apparaissent ici et là. Dès lors, c'est le trio ci-dessus qui emporte l'adhésion directement, car ces trois titres méritent vraiment d'êtres mentionnés parmi les meilleures pièces symphoniques de l'année. Et, dans l'opus en général, on dégage une petite tendance, un désir profond de la part du combo de vouloir montrer qu'il n'est pas là pour rester en seconde division et accompagner indéfiniment Echoterra, Forever Slave ou Magica dans ces limbes inintéressantes. Et rien que pour cette tentative qui n'est foncièrement pas maladroite (sauf sur le premier titre, et encore, on pardonne cela bien vite aux italiens), l'effort est salué immédiatement. Mais cependant, il subsiste encore le point de la ballade sur lequel nos compères ne sont pas encore passés au rang d'experts, car même si elles sont loin d'être mauvaises, elles n'apportent pas grand chose. « Angelica », « Lilium » et « ..And let the Innocence Dream » s'écoutent sans peine (la troisième étant même agréable), mais mériteraient un peu plus de travail pour plaire totalement. Mais au vu du potentiel de Crysalys, on sait que ce sera mieux dans le prochain effort. De toute façon, les faux pas sont oubliés d'un riff véloce ou d'une batterie qui est loin d'être mise en retrait, la production étant avantageuse, ne plaçant pas outrageusement la voix féminine trop en avant, les instruments ont aussi leur mot à dire. Et on peut, de ce fait, se rendre compte que dans ce groupe, chacun a du talent à revendre.
Si les règles du genre sont respectées et, qu'à première vue, Crysalys ne semble être qu'un autre groupe bouchant le style, il faut aller au delà des apparences car, c'est bien connu, l'habit ne fait pas forcément le moine. Ainsi, ce charmant combo en provenance d'Italie résonne comme un bien bel espoir pour le futur, avec une chanteuse évitant soigneusement les pires clichés. Encore mieux, elle prouve qu'elle possède une aisance admirable dans tous les registres. Et non seulement ça, mais les autres musiciens ne sont pas en reste non plus ! Ainsi, s'il reste encore quelques défauts à corriger et une marque de fabrique propre à trouver, ce The Awakening of Gaia est tout à fait bon, et nous présente-là des jeunes gens de talent, qui veulent montrer ce dont ils sont capables, et qu'ils ont leur place. Alors dans les bonnes sorties de l'année, bienvenue à Crysalys et à sa première mouture, qui donne vraiment hâte de connaître la suite de l'histoire de la bande !
Note finale : 7,5/10