"C’est long, c’est long ! " : c’est presque ce qu’on entend chanter Corey Taylor lorsqu’il articule "Sail on, sail on" dans le premier titre de l’EP de reprises Straight Outta Burbank. Et il ne pourrait malheureusement pas plus avoir raison ! Second volet d’un trio d’EP de reprises initié en début d’année, cette galette pêche par son manque d’originalité, et par son aspect trop poli. Retour sur ce coup dans l’eau.
Sur le papier, l’idée était séduisante. Tandis que le premier volet de la série Burbank, paru en avril dernier, avait été enregistré en live lors d’une date au Room 327 dans la ville dont le disque porte le nom, ce second chapitre a été produit en studio. L’aspect live avait déçu il y a plusieurs mois, aussi on espérait que le groupe américain rectifie le tir, et puisse extrairela quintessence des morceaux choisis ici. Morceaux qui avaient de quoi intriguer, puisque le panel choisi pour Straight Outta Burbank balaie très large : des Rolling Stones, on passe à Slayer, après un petit détour par les excessifs Mötley Crüe.
C’est justement l’excès, l’essence du rock qui est absente de ces versions de morceaux cultes. Le son des instruments est trop poli, trop américanisé – au sens péjoratif du terme - et modernisé, si bien que l’énergie originelle de ces hymnes fond comme neige au soleil. Et ce dès la piste d’introduction, le fameux "Sailin’ On" des punks de Bad Brains, évoqué en introduction de cet article. Arriver à retirer l’énergie d’un morceau punk, quelle prouesse ! Trêve de plaisanterie, il ne reste du coup plus grand-chose de la composition, le côté destroy et "à l’arrache" en faisant tout l’intérêt en 1982, lors de la sortie du premier album des Américains.
Même constat amer pour le morceau de Mötley Crüe choisi, en l’occurrence "Too Fast For Love". Retirer le sentiment d’excès et de n’importe quoi latent qui colle à la peau des inventeurs du glam revient à enlever toute l’âme de leur œuvre : le résultat est plat, insipide, scolaire, et ce petit quelque chose qui tend à respirer l’esprit rebelle est complètement absent.
Et, comble du malheur, le gros reproche fait à Meanwhile In Burbank... s’applique à nouveau sans nuance : Stone Sour ne s’est pas foulé, et n’a pas jugé nécessaire de s’approprier les morceaux, les rejouant à l’identique des versions originales qui ont bercé leur jeunesse. Ce manquement est particulièrement notable sur la reprise d’Iron Maiden, "Running Free". Les lignes de guitare y sont rendues avec les mêmes sonorités, et à la note près, que sur le premier album de la Vierge de Fer, et Taylor singe Di’Anno, y compris lors des interventions censées être les plus spontanées, en fin de morceau. En résulte un clone chiatique d'un titre pourtant fédérateur, clone qui tourne en rond et ennuie rapidement. L’aspect sautillant donnant toute son énergie à la version originale semble aussi aspiré par la production lisse au possible.
Seuls "Gimme Shelter" des Rolling Stones et "Seasons In The Abyss" de Slayer s’en tirent avec les honneurs – et encore, de façon toute relative pour le second. Et la raison en est toute simple, la voix de Stone Sour est si éloignée de celles des groupes repris, que le résultat dévie forcément un peu de l’esprit original des chansons. La version des Stones comprend une intervention de Lzzy Hale sur les chœurs interprétés à la base par l’incroyable Merry Clayton. La chanteuse de Halestorm est plutôt convaincante, sans bien sûr atteindre les sommets tutoyés pas Clayton aux côtés de Mick Jagger. Toujours est-il que la reprise est sympathique, et passe plutôt bien, contrairement au reste de l’EP. "Seasons In The Abyss" gagne aussi comme nous l’écrivions en intérêt du fait du chant plus clair que sur l’originale, qui présente un autre point de vue sur les lignes de Tom Araya. En dehors de cela, le morceau devient vite répétitif, et l’instrumentation manque grandement d’impact.
Dur bilan que celui de ce Straight Outta Burbank, donc. Autant, nous avions relativement apprécié le premier EP Meanwhile In Burbank... ; autant, cet EP sent le réchauffé et n’apporte rien. Stone Sour devrait probablement revoir ses priorités, et revenir à ce qu’il fait de mieux : écrire des compositions originales et en faire un album. L’exercice récréatif mais peu stimulant de la reprise copiée/collée aurait dû s’arrêter à un seul disque, tant il devient répétitif et sans intérêt du fait de la façon dont il est traité. Messieurs les Américains, retournez en studio nous pondre un digne descendant de l’excellent binôme des House Of Gold & Bones, par pitié !
"C'est long, c'est long..."