Comme le disait le magnat de la presse Rupert Murdoch (vous savez le mec qui contrôle la moitié des média de masse anglo-saxons) pendant que l’on évacuait des militants d’une branche du mouvement #Occupy Together (ici #Occupy Sesame Street) d’une de ses conférences : «Un petit peu de controverse rend tout plus intéressant».
BON! Dans le genre on est bien parti ! Ça faisait longtemps qu’un album n’avait pas fait autant polémique avant sa sortie. C’est un album qui divisera, comme beaucoup d’autres avant lui, le monde en deux : les imbéciles qui aiment et les imbéciles qui n’aiment pas (merci Pierre D.).
En même temps une collaboration entre Lou Reed et Metallica, ça sonnait déjà assez étrange au premier abord. Comment mélanger le poète de l’Amérique «alternative», l’ami de Andy Warhol, l’âme du Velvet Underground et certainement le plus grand groupe de métal des États-Unis? Rappelons-nous simplement que les deux éléments ont beaucoup de choses en commun, au fond. Un goût pour l’expérimental (Metal Machine Music (qui croyez moi est BIEN PLUS DIFFICILE à écouter que Lulu) pour Reed et St.Anger pour Metallica), et pour les sujets relatifs à l’âme humaine et à la violence en résultant.
Mais assez parlé du contexte, entrons dans le vif du sujet ! J’enfile mes lunettes de Hipster* et je m’en vais vous faire la chronique de l’imbécile qui aime!
Lulu commence par une petite introduction à la guitare acoustique dans un plus pur style Lou Reed, qui attaque en finesse pour les paroles («je me couperais les jambes et les nichons quand je pense à Borif Karloff et Kinski») qui prends bientôt la forme d’un riff puissant poussé par Metallica au complet derrière lui. "Brandenburg Gate" (le premier morceau) nous plonge donc tout de suite dans ce que sera ce disque. L’album est basé en grande partie sur la compréhension des paroles et la musique est là pour nous apporter l’ambiance les soutenant. Les riffs sont souvent utilisés comme textures et sont répétés jusqu’à la transe.
C’est dans cette optique de texture et de bruit qu’il faut aborder cet album, car les constructions sont simples et répétitives, comme c’est souvent le cas chez Lou Reed. Ainsi des morceaux tels que "Pumping Blood" distillent des parties rythmiques lentes et des solos de guitares bruitistes du début au milieu pour finir en amoncellements de parties chaotiques appuyant l’horreur croissante du texte, pour ensuite passer à "Mistress Dread" et son riff Speed-Thrash.
Mais il est vrai qu’il est difficile d’aborder cet opus si l’on ne comprends pas le texte et le concept derrière l’album entier.
Lulu sont deux pièces du dramaturge allemand Frank Wedekind, écrites en 1895 et 1904. Elle traitent de la vie d’une danseuse montant dans la société allemande de cette époque par ses différentes conquêtes, avec qui ses relations sont souvent pleines de perversions (dans l’esprit de l’époque en particulier) et de tromperies. Elle finiras par s’abîmer dans la pauvreté et la prostitution.
L’album Lulu est conçu comme un ensemble de tableaux montrant les différents sentiments des personnages (Lulu est les hommes pris dans son emprise). Et comme souvent Lou Reed manie magnifiquement les mots pour présenter ce terrible voyage au bout de l’horreur humaine, plein de violence, d’amour-haine, de tromperie et de sexe. Si je ne devais citer qu’un extrait représentant la qualité du texte, dans "Frustration" : «Frustration is my lexicon of hate», comment mieux résumer?
Il est vraiment difficile de parler de cet album cependant, car c’est une expérience à prendre comme elle vient (si possible avec le texte sous les yeux). Ce n’est pas un album de Metallica comme vous pourriez l’attendre. Il est d’ailleurs très certainement plus proche de la musique de Lou Reed (Roling Stone l’a d’ailleurs décrit comme un mélange de Berlin et de Master of Puppets).
Il est à appréhender sans préjugés, et sans shuffle, tous les morceaux s’enchaînent et sont indissociables et chacun à son propre intérêt dans l’ensemble, tel une machine bien huilée. Le tout enveloppé d’une production intelligente, d’une orchestration et d’une composition vraiment pertinente.
Mais quoi qu’il en soit, que l’on dise, ce disque est encore un immense exemple de la capacité qu’a Metallica à se renouveler et aller là où on ne les attend pas.
Je conseillerais donc à tous et à toutes de l’écouter entièrement avant de se faire un quelconque avis. Au final la seule chose qui diviseras c’est encore une fois le goût car cet album n’est pas nul, c’est un concept mené à bien et jusqu’au bout. Il n’est pas facile, c’est une œuvre qui demande du temps à être appréciée et de la bonne volonté (comme St.Anger d’ailleurs!!).
Mais bon c’est vrai, dit-il en enlevant ses lunettes de Hipster, l’album est pas franchement accessible (qu’on se le dise).
8/10
* Ah oui... on a pas besoin de lunettes et de Jeans moulants pour être un hipster, c'est un mot générique qui désigne une personne se tenant au courant de la dernière mode, c'est d'ailleurs de là que viens le mot Hippy (enfin certes les gens à lunettes, chandails à capuches en intérieur et grosse lunettes sont comunéments appelés hipsters même dans les pays anglophones (mais au fond parfois on est tous des hipsters!)).