En France, le metal symphonique commence à voir de plus en plus de représentants. Qu'ils se nomment Whyzdom, Adrana, Wildpath ou encore Yotangor, leur apparition est souvent accompagnée d'un certain talent. Et c'est dans le sud de la France que naît Opus Doria, formation en majorité féminine, puisque composé d'une chanteuse, d'une claviériste et d'une violoncelliste, mais aussi d'un bassiste et d'un guitariste. C'est donc une première auto-production du nom d'Infraworld qui voit le jour cette année, et permet de faire la découverte de la formation.
Il faut bien avouer que dans ce premier opus, les français nous proposent quand même de bien jolies choses. Leur metal symphonique est plutôt accrocheur et agréable, l'écoute se passe bien, sans que notre oreille soit heurtée par un désagrément quelconque. Tout est fluide et passe sans problème, malgré une production qui ne soit pas toujours à la hauteur et mériterait d'être un peu plus fouillée. Heureusement, tout cela reste parfaitement audible, et ne sera pas un facteur de mécontentement total. L'un des points qui fera gagner en sympathie et en fraîcheur ce Infraworld, c'est la présence du superbe cello de Flavie Nicogossian, qui ponctue intelligemment les titres avec sa petite touche agréable. Elle sera notamment bien audible sur les instrumentales, les breaks, ou sur la piste d'entrée « The Sundial » qui mettra en valeur cet instrument. D'ailleurs, ce point est l'un de ceux qu'Opus Doria peut conserver et affiner pour développer et affirmer une personnalité bien marquée, qui va pouvoir leur permettre de prétendre apporter un petit quelque chose de novateur, ce qui est partiellement réussi. Mais pas entièrement, malheureusement.
Il faut bien reconnaître que dans un univers aussi peuplé que le metal symphonique, savoir être dôté d'une identité propre est devenu quelque chose d'extrêmement difficile, et malgré la présence de Flavie, le quintet ne peut encore prétendre posséder un côté unique, ni même se démarquer par une innovation. Dans le style, la musique pratiquée ici reste très classique, bien que de bon niveau, c'est certain. Que ce soit une guitare qui n'est, pour notre plus grand bonheur, pas placée en retrait, ou par un clavier polyvalent et sachant distiller les ambiances, la technique n'est pas le point faible du groupe. Ce qu'il manque encore à Infraworld, c'est ce petit truc qui va faire toute la différence, et nous laisser une impression définitive de talent, cette saveur particulière qui fait que l'on a envie de revenir sur l'album encore et encore. Et, c'est certain, les français y sont presque, mais quelques points faibles se mettent en travers de leur route, comme la production sus-nommée, le manque d'originalité, mais aussi trop peu de sursaut d'intérêt. Car les compositions sont parfois en dent de scie, oscillant entre le (très) bon, et le plus décevant. Et pourtant, tout semble bien se dérouler lors des 4 premières pistes, mais c'est par la suite que les choses se gâtent.
Infraworld est encore bancal sur certains points. On apprécie la beauté et l'harmonie de « The Sundial », « The Quest » et « Brain Machine », qui nous démontrent un combo à la hauteur de nos attentes, accouchant de pistes aux refrains mémorisables. De même, la belle instrumentale « The First Crusade » n'ennuie pas une seconde et évoque une certaine époque, où l'on s'imagine le groupe dans un univers de musique classique, le cello, magnifié, y étant pour beaucoup dans cette réussite. Dommage que, par la suite, la ballade « The Cry of the Knight » soit trop insipide et classique dans le genre, déjà vue et entendue, malgré la belle performance d'une vocaliste de talent. De même, la seconde instrumentale « A Lost Planet » échoue là où on apprécie pourtant « The First Crusade ». Traînant la patte, tirant en longueur, elle semble s'éterniser et nous donne envie d'arriver plus vite à la fin malgré la belle atmosphère instaurée par le clavier de Laura. « Reborn » peine à captiver également, par son manque de souffle et sa constante platitude, tandis que « The Mission », si elle n'est pas spécialement marquante, réussie quand même à conserver l'attention de l'auditeur, bien que dans ce genre, le groupe sait faire mieux. Il le prouve avec un « Wind Whispers » jovial et folk vraiment intéressant, le single parfait pour le combo. C'est donc dommage de voir du remplissage alors que, quand le groupe souhaite innover, il y arrive. On appréciera aussi « Space of Dilemma » qui tient en haleine et, énergique, plaît. Voilà de quoi se réconcilier avec le groupe.
En fait, Opus Doria intrigue par ce côté à la fois innovant, à la fois tombant dans une certaine banalité. L'avantage et le défaut cohabitent, mais pas très bien, ce qui donne cet aspect de « chute » sur la seconde moitié qui est préjudiciable. Comme si, d'un coup, l'inspiration baissait pour faire place à un énième clone de Nightwish aux allures d'Apocalyptica, et d'un coup c'est le sursaut, et les revoilà qui nous plaisent, nous entraînent et ravissent. A l'avenir, il faudra faire plus attention et garder la constante, bien que dans son aspect global, Infraworld est un bon album, de même que le potentiel d'Opus Doria est très grand. Cela passe aussi bien par Maela Vergnes, chanteuse lyrique de grande envergure, qui n'a rien à envier aux plus grandes. Elle est l'un des points qui rehaussent fortement la galette, car quelque soit le registre, son chant est impeccable, poignant et renversant de beauté. Modulée, toujours juste, la belle possède probablement l'une des plus belles voix de l'univers du metal à chanteuse. Un atout de taille pour se démarquer de la concurrence, c'est certain.
Ce Infraworld, au final, laisse entrevoir de jolies choses, mais pourrait être encore meilleur qu'il ne l'est en l'état actuel. Sans être en demi-teinte, loin de là, les français réussissent quand même à maintenir un bon niveau et, avec des pistes globalement adroites, à captiver l'auditoire d'une bien belle manière, que ce soit d'un chant d'opéra sublime, d'une guitare bien affûtée ou de mesures habiles d'un cello tenu par une experte. Mais attention aux quelques maladresses qui ponctuent ça et là l'album. Les défauts corrigés, il est certain qu'Opus Doria pourra prétendre à être l'un des piliers du genre. Avec un tel niveau technique, un tel potentiel, on a vraiment envie de donner sa chance aux français.
Note finale: 6,5/10