Amorphis remplit le Divan du Monde comme un oeuf
L'hiver n'est pas encore là mais c'est lors d'une fraîche soirée près de Pigalle que les fans se retrouvent nombreux, non pas pour une virée au Moulin Rouge mais pour un show des finlandais d'Amorphis - accompagnés pour l'occasion de Nahemah et de Leprous. Quelques mois après la sortie de The Beginning of Times, la bande à Tomi Joutsen passe l'épreuve du live devant un public survolté et loin de rester dans sa coquille.
NAHEMAH
"Thank you Paris, and remember : we are Nahema from Spain!"
Malgré toute sa volonté et sa grande puissance vocale à faire pâlir de peur n'importe quel micro de la planète, pas certain que le souhait du chanteur soit exhaucé. Cependant une partie de la foule semble avoir bien accroché au post-rock death moderne du quintette d'Alicante, laissant les autres au bar où à essayer de se frayer un chemin en attendant la suite. Au menu presque 30 minutes de set pour 4 morceaux assez étirés en longueur entre grosse énergie bien bourrine (et pas loin du hardcore vocalement) et interminables passages épurés à l'extrême qu'Alcest ou autres Solstafir n'auraient pas renié. Mais n'est pas les derniers nommés qui veut, le temps de la mise en place et l'atmosphère générale ne se prêtant certainement pas à ce genre de démonstration assez élitiste.
Nahemah a au moins le mérite d'offrir une musique professionnelle avec de bons musiciens et un frontman qui croit en ce qu'il fait, haraguant la foule dès qu'il en a l'occasion dans une bonne humeur presque communicative. Voici un bon point qui peut donner envie de revoir ces jeunes espagnols en live, avec un peu plus de temps et des compos plus variées, plus rentre-dedans aussi - car c'est au final dans l'extrême que semble le mieux s'exprimer ce combo. Un univers à affiner, une musique à peaufiner, et on pourra en reparler avec plaisir.
LEPROUS
by Vyuuse
C'est donc maintenant aux progueux norvégiens de Leprous d’entrer en action. Sur leur 31, en costume rouge et noir, nos métalleux distingués sont prêts à promouvoir leur dernier album, Bilateral. Acclamé par la critique, cette album représentera l’écrasante majorité du set, puisqu’une seule chanson, « Passing », sera issue de l’album précédent, Tall Poppy Syndrome.
Fort d’un son correct et de qualités d’interprétation évidentes, le set de Leprous sera des plus agréables pour qui est familier avec leur musique. Les ambiances de Bilateral sont parfaitement retransmises, avec les différents sons de clavier, les guitares propres, et cette voix versatile d’Einar Solberg, qui arrive à passer du registre de David Vincent (Morbid Angel) à celui de Rob Halford en un claquement de doigts.
Malgré le talent et l’originalité, le public du Divan du Monde reste très statique devant cette première partie hors du commun. Il est vrai que le prog de nos norvégiens se démarque beaucoup de la musique d’Amorphis. C’était également le cas lorsqu’ils ont ouvert pour Therion, il y a un an, à l’Elysée Montmartre.
Ce n’est pas du tout le cas d’Einar Solberg, frontman complètement barré, qui, en plus de ses expressions du visage poilantes, nous servira des chorégraphies improbables, avec bonds à en maltraiter son pauvre synthétiseur. Le groupe s’y mettra aussi sur « Waste of Air », avec une chorégraphie bien synchronisée !
Révélés avec le dernier album solo d’Ihsahn, les musiciens de Leprous montrent qu’ils sont tout à fait capables de voler de leurs propres ailes et de proposer musique et prestations de qualité. Il ne leur reste plus qu’à trouver leur public.
Setlist :
Thorn
Restless
Passing
Mb. Indifferentia
Waste of Air
Forced Entry
AMORPHIS
Le Divan du Monde ne respire déjà plus depuis un moment lorsque la lumière s'éteint pour laisser place à une longue introduction symphonique, histoire de laisser le temps aux 6 membres d'Amorphis de se placer sur scène. Au beau milieu de celle-ci, trône un drôle de micro plutôt singulier, sorte d'art moderne rétro nous faisant penser à du matériel de plongée ou à une paire de jumelles. Au choix. Bref, Amorphis est là, la foule en furie, et c'est parti pour 1h30 de folie irrespirable.
Et pour l'occasion, comme à son habitude, le combo décide de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier en présentant un large panel de sa discographie (oubliant cependant Silent Waters en chemin). Evidemment le dernier né The Beginning of Times jouit d'une forte représentation, avec un choix judicieux de 4 titres à la fois fédérateurs et constructifs. Le single "You I Need" a su déchaîner quelques chants chez les passionnés, le folkisant "Song of the Sage" démarrer les hostilités en toute simplicité prog à la Jethro Tull, "Crack in a Stone" et sa touche Paradise Lost ont subjugué les sceptiques de ce dernier opus... quant à "My Enemy", il a mis tout le monde d'accord. Tomi Joutsen et son chant caverneux en parfait état ce soir auront d'ailleurs largement convaincu.
Les gros nostalgiques d'un Amorphis moins "asceptisé" n'ont évidemment point été oubliés, le combo finlandais se payant même le luxe de remonter jusqu'à son tout premier album et ainsi proposer un "Vulgar Necrolepsy" tout en speed death thrashisant, rappelant pour certains Morbid Angel et Machine Head - pour ne citer que ceux-ci, après tout chacun se fera son opinion. Et puis bon, précéder ce moment de bravoure extrême par un simili de reprise du tube "Pussy" extrait du dernier Rammstein, il fallait oser ! Et ils l'ont fait, rajoutant au passage un peu de fantaisie à un show que certains pourraient juger trop carré... après tout, on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs, bien leur en a pris ici ! Pour le reste, les mythiques "Black Winter Day", "Into Hiding", "Against Widows" ou "My Kantele" extraits des Tales from the Thousand Lakes (1994) et Elegy (1996) ont su satisfaire, même s'il fut dommage de n'avoir que l'introduction de "Magic and Mayhem" sur "Black Winter Day" mais bon, il faut bien savoir faire des choix dans la vie. Quant au meilleur opus du groupe, Skyforger (2009), représenté par sa meilleure chanson "Sky Is Mine", son morceau d'introduction "Sampo" et son single "Silver Bride", il a aussi eu droit à son instant de gloire.
Si Tomi Joutsen a parfaitement su sublimer le côté scénique avec une prestation endiablée et ses dreadlocks maléfiques en headbang hélicoptère, on pourra toujours regretter la relative distance prise par les musiciens - assez calmes et tranquilles, dont l'inamovible Esa Holopainen parfait techniquement mais quasiment immobile (dont la seule frivolité sera l'utilisation d'une cithare électrique vers la fin du show). C'est un style qu'il faut accepter, et au final le contraste avec un chanteur tout en énergie est saisissant, rajoutant une certaine couleur au show d'Amorphis. Quant à Tomi Koivusaari, il ne growle plus comme à l'époque, laissant au bassiste Niclas Etelävuori la tâche de doubler son chanteur lorsque l'occasion se présente.
Il est amusant d'entendre le sieur Joutsen dire "Thank you for them, they saved my life" au moment où le public se met à scander le nom du groupe à tue-tête... On pourrait aussi penser l'inverse, car depuis l'arrivée de ce brillant chanteur il y a de cela 5 ans, le groupe ne cesse de monter et semble ici se faire un véritable public fidèle sur le sol français. On se souvient qu'Amorphis avait dû se contenter de la Petite Loco il y a 2 ans, les choses ont semble-t-il évolué depuis... et c'est tant mieux ! En espérant désormais que rien n'arrêtera nos valeureux metalleux du nord, avec encore et toujours plus de bons albums à l'avenir.
Setlist :
(Intro Battle for Light)
Song of the Sage
My Enemy
The Smoke
Against Widows
Alone
You I Need
Sampo
Karelia (Intro) / Vulgar Necrolatry (avec "Pussy" de Rammstein en prélude)
Into Hiding
Crack in a Stone
Sky Is Mine
Magic & Mayhem (Intro) / Black Winter Day
Rappel :
Skyforger (Intro) / Silver Bride
My Kantele
House of Sleep